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État de siège en RDC: l’aveu d’échec?
État de siège en RDC: l’aveu d’échec?
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La commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale de la RD Congo préconise un plan de sortie de l’état de siège décrété par Félix Tshisekedi au... 17.09.2021, Sputnik Afrique
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Lorsque le Président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, a proclamé l’état de siège sur toute l’étendue des provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, le 30 avril 2021, pour une période de 30 jours, les députés congolais ne s’attendaient certainement pas à devoir le renouveler plus d’une fois. Pour être plus précis, ils l’ont reconduit huit fois. Et pour cause: la persistance de l’insécurité et des tueries dans les provinces susmentionnées.Chargés d’évaluer l’état de siège, les membres de la commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale de la RDC ont émis une série de recommandations contenues dans un rapport remis au président de la chambre basse, Christophe Mboso N’Kodia. Outre «la restructuration profonde et le renouvellement de la chaîne de commandement militaire», les élus congolais préconisent «d’obtenir du gouvernement un plan de sortie de l’état de siège avant la neuvième prorogation». Une recommandation qui témoigne de la lassitude des députés nationaux face à la persistance des violences dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri et qui sonne comme un aveu d’échec de la stratégie d’état de siège de l’exécutif congolais pour y mettre fin.Un mauvais départC’était pourtant à l’unanimité que les Congolais avaient salué, quelques mois auparavant, l’instauration de l’état de siège dans ces provinces. Depuis près de deux décennies maintenant, l’Ituri et les deux Kivu vivent au rythme de tueries, de viols et de l’exploitation illicite des ressources naturelles. Pour l’exécutif congolais, mettre un terme aux activités criminelles des groupes armés qui pullulent dans ces régions afin d’y ramener la paix et la sécurité a toujours été considéré comme la priorité des priorités. Face à l’échec des opérations militaires conduites par les Forces armées congolaises (FARDC) ces dernières années (Umoja Wetu (2009), Kimya II (2009), Amani Leo (2010), Sukola I et II (2015)), celui-ci a estimé que l’état de siège était la solution appropriée. Si la mesure pouvait se comprendre au regard de la conjoncture problématique de l’est congolais, tout laisse cependant penser qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une analyse approfondie.Dès le début des opérations s’est en effet posée la question de savoir lesquels des groupes armés devaient être mis hors d’état de nuire. Du côté des FARDC, tout semblait en tout cas flou. Et la suite des événements a prouvé qu’une cartographie des groupes armés évoluant dans les provinces sous état de siège s’avérait nécessaire.Lors d’une conférence de presse animée dans la ville de Goma, dans le Nord-Kivu, le 29 juin dernier, le gouverneur militaire de la province, le lieutenant-général Constant Ndima, a indiqué que 60% des rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) sont essentiellement composés de Congolais. Une affirmation qui surprend - surtout quand on sait que les ADF sont des rebelles ougandais - et qui témoigne du manque de clarté entourant l’approche congolaise de l’enjeu sécuritaire dans le Kivu et l’Ituri.L’autre problème qui s’est posé est celui des rapports entre la RDC et certains de ses voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda, qui entretiennent l’instabilité dans le Kivu et l’Ituri. Non seulement rien n’a été tiré au clair à ce propos, mais les frontières avec ces pays sont restées ouvertes malgré l’état de siège. Ce qui, de l’avis de certains observateurs, pouvait compliquer les opérations compte tenu des mouvements de va-et-vient de certains groupes armés de part et d’autre de la frontière.À cela s’ajoutent trois autres éléments majeurs qui semblent n’avoir pas fait l’objet d’une analyse approfondie: le pedigree de certains commandants militaires au passé trouble, le problème des effectifs des FARDC déployés dans la région et qui ont été jugés insuffisants, ainsi que la question des moyens mis à leur disposition. Autant de problèmes qui prédisposaient l’état de siège à un échec certain...Plus de mal que de bienCensé permettre un retour de la paix et de la sécurité dans le Kivu et l’Ituri, l’état de siège s’est révélé plus problématique qu’on aurait pu le penser. S’il est vrai qu’il a permis à certaines localités de recouvrer un semblant de sérénité, il n’en reste pas moins vrai que la situation s’est empirée dans l’ensemble de la région. Près de 750 civils ont été tués en quatre mois.Malgré les mesures prises ces dernières semaines par le pouvoir congolais pour stopper la spirale de la violence, la situation reste très tendue. La société civile du Nord-Kivu a appelé à des journées ville morte les 13 et 14 septembre pour protester contre la persistance de la criminalité depuis l’instauration de l’état de siège...Pour une nouvelle approche de la problématiqueEn attendant la réponse de l’exécutif aux recommandations des parlementaires sur l’état de siège, un changement dans l’approche de l’enjeu sécuritaire s’avère nécessaire pour régler la question de l’instabilité dans le Kivu et dans l’Ituri. Pour cela, le gouvernement devra, dans un premier temps, procéder à une cartographie des groupes armés afin de dissocier le «bon grain» - autrement dit les groupes d'autodéfense composés de jeunes congolais cherchant à protéger leur communauté - de l’ivraie, à savoir les groupes armés dont la raison d'être est la déstabilisation de la zone et qui sont réputés plus hostiles. Dans une région où prospèrent des dizaines de milices aux origines et ambitions diverses, une telle démarche s’avère impérative.Dans un second temps, une réforme en profondeur des FARDC, surtout dans les régions militaires de l’est, s’impose. Certains officiers entretiennent des rapports pour le moins «incestueux» avec des groupes armés, ce qui rend la tâche des FARDC beaucoup plus compliquée. Enfin, le gouvernement congolais devra clarifier ses relations avec le Rwanda et l’Ouganda, qui entretiennent l’instabilité dans le Kivu et l’Ituri à travers une constellation de groupuscules armés qu’ils instrumentalisent, tel qu'il a été relevé plus d'une fois par des experts de l'Onu. Sans des changements structurels profonds, l’instabilité dans l’est de la RDC continuera toujours de «prospérer»...
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État de siège en RDC: l’aveu d’échec?
18:02 17.09.2021 (Mis à jour: 18:02 10.01.2022) La commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale de la RD Congo préconise un plan de sortie de l’état de siège décrété par Félix Tshisekedi au Nord-Kivu et en Ituri. Une recommandation qui sonne comme un aveu d’échec compte tenu de la situation dans ces régions. Analyse pour Sputnik de Patrick Mbeko, spécialiste de l’Afrique centrale.
Lorsque le Président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, a proclamé l’état de siège sur toute l’étendue des provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, le 30 avril 2021, pour une période de 30 jours, les députés congolais ne s’attendaient certainement pas à devoir le renouveler plus d’une fois. Pour être plus précis,
ils l’ont reconduit huit fois. Et pour cause: la persistance de l’insécurité et des tueries dans les provinces susmentionnées.
Chargés d’évaluer l’état de siège, les membres de la commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale de la RDC ont émis une série de recommandations contenues dans un rapport remis au président de la chambre basse, Christophe Mboso N’Kodia. Outre
«la restructuration profonde et le renouvellement de la chaîne de commandement militaire»,
les élus congolais préconisent «d’obtenir du gouvernement un plan de sortie de l’état de siège avant la neuvième prorogation». Une recommandation qui témoigne de la lassitude des députés nationaux face à la persistance des violences dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri et qui sonne comme un aveu d’échec de la stratégie d’état de siège de l’exécutif congolais pour y mettre fin.
C’était pourtant à l’unanimité que les Congolais avaient salué, quelques mois auparavant, l’instauration de l’état de siège dans ces provinces. Depuis près de deux décennies maintenant, l’Ituri et les deux Kivu vivent au rythme de tueries, de viols et de l’exploitation illicite des ressources naturelles. Pour l’exécutif congolais, mettre un terme aux activités criminelles des groupes armés qui pullulent dans ces régions afin d’y ramener la paix et la sécurité a toujours été considéré comme la priorité des priorités. Face à l’échec des opérations militaires conduites par les Forces armées congolaises (FARDC) ces dernières années (Umoja Wetu (2009), Kimya II (2009), Amani Leo (2010), Sukola I et II (2015)), celui-ci a estimé que l’état de siège était la solution appropriée. Si la mesure pouvait se comprendre au regard de la conjoncture problématique de l’est congolais, tout laisse cependant penser qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une analyse approfondie.
Dès le début des opérations s’est en effet posée la question de savoir lesquels des groupes armés devaient être mis hors d’état de nuire. Du côté des FARDC, tout semblait en tout cas flou. Et la suite des événements a prouvé qu’une cartographie des groupes armés évoluant dans les provinces sous état de siège s’avérait nécessaire.
Lors d’une conférence de presse animée dans la ville de Goma, dans le Nord-Kivu, le 29 juin dernier, le gouverneur militaire de la province, le lieutenant-général Constant Ndima, a indiqué que 60% des rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) sont essentiellement composés de Congolais. Une affirmation qui surprend - surtout quand on sait que les ADF sont des rebelles ougandais - et qui témoigne du manque de clarté entourant l’approche congolaise de l’enjeu sécuritaire dans le Kivu et l’Ituri.
L’autre problème qui s’est posé est celui des rapports entre la RDC et certains de ses voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda, qui entretiennent l’instabilité dans le Kivu et l’Ituri. Non seulement rien n’a été tiré au clair à ce propos, mais les frontières avec ces pays sont restées ouvertes malgré l’état de siège. Ce qui, de l’avis de certains observateurs, pouvait compliquer les opérations compte tenu des mouvements de va-et-vient de certains groupes armés de part et d’autre de la frontière.
À cela s’ajoutent trois autres éléments majeurs qui semblent n’avoir pas fait l’objet d’une analyse approfondie: le pedigree de certains commandants militaires au passé trouble, le problème des effectifs des FARDC déployés dans la région et qui ont été jugés insuffisants, ainsi que la question des moyens mis à leur disposition. Autant de problèmes qui prédisposaient l’état de siège à un échec certain...
Censé permettre un retour de la paix et de la sécurité dans le Kivu et l’Ituri, l’état de siège s’est révélé plus problématique qu’on aurait pu le penser. S’il est vrai qu’il a permis à certaines localités de recouvrer un semblant de sérénité, il n’en reste pas moins vrai que la situation s’est empirée dans l’ensemble de la région. Près de 750 civils ont été tués en quatre mois.
Malgré les mesures prises ces dernières semaines par le pouvoir congolais pour stopper la spirale de la violence, la situation reste très tendue. La société civile du Nord-Kivu a appelé à des journées ville morte les 13 et 14 septembre pour protester contre la persistance de la criminalité depuis l’instauration de l’état de siège...
Pour une nouvelle approche de la problématique
En attendant la réponse de l’exécutif aux recommandations des parlementaires sur l’état de siège, un changement dans l’approche de l’enjeu sécuritaire s’avère nécessaire pour régler la question de l’instabilité dans le Kivu et dans l’Ituri. Pour cela, le gouvernement devra, dans un premier temps, procéder à une cartographie des groupes armés afin de dissocier le «bon grain» - autrement dit les groupes d'autodéfense composés de jeunes congolais cherchant à protéger leur communauté - de l’ivraie, à savoir les groupes armés dont la raison d'être est la déstabilisation de la zone et qui sont réputés plus hostiles. Dans une région où prospèrent des dizaines de milices aux origines et ambitions diverses, une telle démarche s’avère impérative.
Dans un second temps, une réforme en profondeur des FARDC, surtout dans les régions militaires de l’est, s’impose. Certains officiers entretiennent des rapports pour le moins «incestueux» avec des groupes armés, ce qui rend la tâche des FARDC beaucoup plus compliquée. Enfin, le gouvernement congolais devra clarifier ses relations avec le Rwanda et l’Ouganda, qui entretiennent l’instabilité dans le Kivu et l’Ituri à travers une constellation de groupuscules armés qu’ils instrumentalisent, tel qu'il a été relevé plus d'une fois par des experts de l'Onu. Sans des changements structurels profonds, l’instabilité dans l’est de la RDC continuera toujours de «prospérer»...