Élimination du chef de l’EIGS: le baroud d'honneur de Paris au Mali

© AP Photo / Christophe Petit TessonEmmanuel Macron au Mali en 2017
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La France a annoncé l’élimination d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui, le chef terroriste de l’État islamique* dans le grand Sahara (EIGS), tué lors d’un raid aérien mené au mois d’août au Mali. Cette neutralisation pourrait profiter au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda*.
C’est par un simple tweet publié tard dans la nuit du mercredi 15 septembre que le Président Emmanuel Macron a annoncé la mort d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui, fondateur et chef de l’État islamique* dans le grand Sahara (EIGS). Al-Sahraoui, Lehbib Ould Ali Ould Saïd Ould Joumani de son vrai nom, était un des terroristes les plus recherchés au monde.

Raid aérien

Lors d’une conférence de presse animée jeudi 16 septembre, Florence Parly, la ministre française des Armées, a indiqué que l’émir de l’EIGS* avait «succombé à des blessures provoquées par une frappe de la force Barkhane en août 2021». Présent à cette conférence de presse, le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées françaises, a expliqué que le raid aérien contre des positions de l’EIGS* s’est déroulé dans la région d'Indelimane, dans l’est du Mali, près de la zone des trois frontières (Mali-Niger-Burkina Faso).
«Ils étaient en déplacement, peut-être ayant détecté des mouvements aériens sur zone. Ils se déplaçaient effectivement isolément, ce qui était néanmoins une des caractéristiques qui entouraient ses modes de déplacement. Cela nous confortait sur cette identification. S’en est suivi une phase d’engagement à terre, du 20 au 22 août, avec la mise en place par héliportage d’un groupe commando d’une vingtaine de soldats. Ils avaient pour mission de reconnaître et de fouiller l’ensemble de la zone. Entre le 17 et le 22, plusieurs membres de l’EIGS*, estimés à une dizaine, ont été neutralisés, dont d'Abou Walid al-Sahraoui», a souligné le général Burkhard.
Né en 1973 à Laâyoune, la capitale du Sahara occidental, Adnane Abou Walid al-Sahraoui aurait fait un passage par les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf. Vu son âge, il est peu probable qu’il ait participé à la première guerre qui a opposé le Front Polisario au Maroc qui a pris fin en septembre 1991. Après un passage dans les rangs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique* (AQMI), Adnane Abou Walid al-Sahraoui participe à la création du Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), une organisation terroriste dont la première action a été le kidnapping, en octobre 2011, de deux Espagnols -un homme et une femme- et d'une Italienne, qui travaillaient dans des camps de réfugiés sahraouis comme coopérants pour des associations humanitaires.
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Le MUJAO avait également à son actif le kidnapping de sept diplomates du consulat d’Algérie à Gao en avril 2012. En 2013, ce groupe terroriste avait fait jonction avec le groupe des «Signataires par le sang» du terroriste algérien Mokhtar Belmokhtar pour créer l’organisation Al-Mourabitoune. C’est en qualité de chef de la faction malienne d’Al-Mourabitoune qu’Adnane Abou Walid al-Sahraoui a annoncé son allégeance, le 13 mai 2015, à Daech* et la création de l’État islamique* dans le grand Sahara (EIGS).

Sortir la tête haute

Contacté par Sputnik, Djallil Lounnas, professeur en relations internationales à l’université américaine Al Akhawayn d’Ifrane, au Maroc), spécialiste des groupes terroristes dans le Sahel et au Maghreb, estime que l’armée française a frappé «un grand coup» en éliminant Adnane Abou Walid al-Sahraoui. C’est une façon pour Paris de dire que «nous avons éliminé les chefs des principaux groupes terroristes» au moment de sortir du bourbier malien. Mais aujourd’hui, la question qui se pose est: qui pourrait remplacer Adnane Abou Walid al-Sahraoui à la tête de l’EIGS*?
«Il y aura certainement un successeur, mais il semble qu’il n’y ait aucune figure qui a la capacité de diriger une organisation pareille. Il est difficile de savoir qui a été tué avec lui lors de l’opération. Il y avait Abdelhakim Sahraoui, un de ses lieutenants, mais il a été tué plusieurs mois avant lui. Il est certain que des cadres de son organisation ont péri avec lui. D’ailleurs, ces derniers mois, au moins six responsables de l’EIGS* ont été neutralisés, soit tués ou arrêtés, lors d’opérations antiterroristes», indique Djallil Lounnas.
Néanmoins, selon le professeur en relations internationales, l’EIGS* est une organisation qui reste très peu connue, car elle ne communique pratiquement pas. «L'EIGS* dispose de structures de commandement au Mali, au Niger et au Burkina Faso au sein desquelles évoluent des chefs capables de diriger le groupe. Il faut également comprendre qu’Adnane Abou Walid al-Sahraoui a été tué depuis un mois, mais que son organisation a continué à activer, ce qui signifie qu’il y a des cadres aux postes de commandement. Il faut donc rester très prudent et éviter de déclarer la fin de l’EIGS*». Djalil Lounnas présente d’autres éventualités quant à l’avenir de cette organisation.
«Il est également possible que l’EIGS* fusionne avec l’organisation de l’État islamique* dans la province de l'Afrique de l'Ouest (ISWAP), qui est considérée comme ayant l’autorité sur le groupe d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui. Cependant, il faut savoir que beaucoup d’éléments de l’État islamique* au grand Sahara viennent essentiellement du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) que dirige Iyad Ag Ghali. Il est donc possible qu’ils retournent dans leur groupe d’origine. C’est une hypothèse qui est plausible», ajoute-t-il.
Finalement, il semble que, ces deux dernières années, l’action antiterroriste française au Mali ait indirectement bénéficié au GSIM*. Les militaires français ont éliminé, en juin 2020, Abdelmalek Droukdel, chef d’AQMI* et donc supérieur hiérarchique d’Iyad Ag Ghali qui se débarrasse ainsi de tout ascendant. L’élimination d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui, son principal adversaire dans l’espace djihadiste sahélien, est également une aubaine. Au passage, Ag Ghali a pu renforcer les capacités de son organisation en libérant ses éléments et en empochant un pactole de plusieurs millions d’euros, d'après les autorités algériennes.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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