Crise migratoire: désormais, «Biden fait comme Trump et met la pression sur le Mexique»
12:13 14.09.2021 (Mis à jour: 12:34 14.09.2021)
S'abonner
Depuis que Joe Biden s’est montré plus ouvert que Donald Trump envers les migrants, la crise migratoire ne cesse d’empirer à la frontière. Le phénomène touche le Mexique et le Guatemala, forcés de «faire la police des États-Unis».
«La quantité de gens qui arrive est vraiment inhabituelle. Nous n’avions jamais eu quelque chose de semblable dans l’histoire du Mexique», s’inquiète Andrés Ramírez Silva, coordonnateur général de la Commission mexicaine d’aide aux réfugiés (COMAR) dans le journal El Universal, le 13 septembre.
Pays de destination, mais surtout de transit entre l’Amérique centrale et les États-Unis, le Mexique est frappé de plein fouet par une crise migratoire encore amplifiée par l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Entre janvier 2019 et juillet 2021, plus de 382.000 migrants ont été arrêtés par les autorités fédérales mexicaines. Fin août dernier, à la frontière sud, les chiffres excédaient déjà de 10% le record de 2019.
Le Mexique, pays-tampon dans la crise migratoire
Le premier jour de son mandat, Joe Biden s’était empressé de signer un décret ordonnant la suspension de la construction du mur frontalier avec le Mexique. Par la même occasion, le Président Démocrate avait divulgué son intention de régulariser la situation des «dreamers», ces 700.000 personnes arrivées clandestinement aux États-Unis alors qu’elles étaient mineures. Des dizaines de milliers de migrants y vont vu le signal de la réouverture de la frontière étasunienne.
Côté mexicain, l’immense majorité des migrants appréhendés sont emmenés dans des centres de détention dans la ville de Tapachula, dans l’État du Chiapas, aux confins du Guatemala. Non seulement des milliers de migrants sont tous les mois bloqués à la frontière méridionale, mais les États-Unis en expulsent aussi régulièrement vers cet État et celui du Tabasco, avant que Mexico ne prenne le relais et les expulse hors de son territoire.
En Huixtla, Chiapas, agentes del @INAMI_mx y la @GN_MEXICO_ lanzaron un nuevo operativo contra la caravana de migrantes. Aunque lograron dispersarla y hubo detenidos, la mayoría logró escapar y ahora avanzan en pequeños grupos.
— Animal Político (@Pajaropolitico) September 5, 2021
📸 Video: @albertopradilla. https://t.co/49hkij7AX9 pic.twitter.com/u1De1H2zu4
«À Huixtla, Chiapas, des agents de l’@INAMI_mx [Institut national de migration, ndlr] et de la @GN_MEXIQUE_ [Garde nationale, ndlr] ont lancé une nouvelle opération contre la caravane de migrants. Bien qu’ils aient réussi à les disperser et qu’il y ait eu des détenus, la plupart ont réussi à s’échapper et avancent maintenant en petits groupes.»
Professeur à l’Université Del Valle dans la ville de Guatemala, capitale du pays homonyme, Aracely Martínez déplore que le Mexique et le Guatemala en soient réduits à «faire la police des États-Unis» dans la région.
Le Mexique et le Guatemala inféodés aux USA?
Directrice du programme de la maîtrise en développement socioéconomique de la même université, Mme Martínez estime que cette pratique contribue à détériorer encore davantage les conditions de passage des migrants, déjà confrontés à la violence de divers groupes criminels:
«Comme le Président mexicain Andrés Manuel López Obrador, Joe Biden avait promis d’adopter une approche plus souple envers les migrants. Dans les deux cas, c’est une déception totale. Seul le discours a changé. La situation est même appelée à empirer. […] En échange de vaccins contre le Covid-19 et de divers avantages économiques, le Mexique et le Guatemala en sont réduits à devoir remplir rôle de la Border Patrol américaine», analyse la spécialiste des migrations.
À l’été 2019, le Président Trump avait menacé le Mexique d’imposer des droits de douane sur les importations mexicaines si son homologue mexicain n’endiguait pas le flux de migrants. Andrés Manuel López Obrador avait accepté les conditions de Donald Trump pour ne pas nuire à l’économie de son pays. Le Président mexicain est-il soumis à Washington dans le dossier migratoire? Eduardo Rosales, spécialiste des relations entre le Mexique et les États-Unis, répond par l’affirmative:
«Le Mexique est devenu l’escale des migrants en direction des États-Unis. […] Trump a obligé López Obrador à utiliser une partie de la Garde nationale nouvellement créée comme bouclier contre les migrants. Maintenant, Biden fait comme Trump et met la pression sur le Mexique. Mexico devra s’affranchir de cette dynamique et créer un nouveau ministère pour gérer l’afflux de migrants», soutient le professeur de l’Université nationale automne du Mexique (UNAM).
Ces trois dernières années, plusieurs caravanes de migrants en provenance d’Amérique centrale ont traversé le Mexique pour être stoppées avant d’entrer aux États-Unis. Les observateurs avaient évoqué une crise migratoire sans précédent, crise dont la gravité pourrait être surpassée par la situation actuelle. En octobre 2018, le Pentagone a déployé 5.600 soldats à la frontière américano-mexicaine, répartis le long du Texas, de l’Arizona et de la Californie.
«Les gens vont toujours continuer d’affluer»
Pour Aracely Martínez, hélas, il n’existe aucune solution miracle à cette crise, surtout dans un contexte marqué par une grande instabilité dans plusieurs pays d’Amérique latine. Début juillet dernier, l’assassinat du Président haïtien, Jovenel Moïse, a incité des milliers d’habitants à quitter la perle des Antilles, lesquels se retrouvent maintenant à dispersés sur le continent américain.
«Les gens vont toujours continuer d’affluer et les mafias vont continuer d’en profiter. Plus il y a de contraintes, plus les mafias prospèrent. Il faut encore miser sur le développement socioéconomique des régions concernées. Il faudrait que les États adoptent des mesures concertées pouvant soulager le désespoir et la misère des gens tentés par l’exil», observe le professeur.