Les migrants qui ont quitté le Honduras au milieu du mois d'octobre sont maintenant pour la plupart dispersés le long de la frontière américano-mexicaine. Pendant deux semaines, environ 6.000 migrants ont été hébergés dans un vaste centre sportif à Tijuana, non loin de la frontière. L'entassement des migrants a donné lieu à plusieurs scènes de détresse relayées par les médias. De quoi susciter l'émoi un peu partout dans le monde.
Depuis le début de la crise, le Pentagone a déployé 5.600 soldats à la frontière américano-mexicaine, répartis le long du Texas, de l'Arizona et de la Californie. Vers la fin de novembre, les autorités américaines ont bloqué la route à 500 migrants qui tentaient d'entrer aux États-Unis. Cet épisode aurait convaincu un certain nombre de migrants de retourner dans leur pays d'origine ou de s'installer au Mexique. Depuis le 20 octobre dernier, plus de 7.000 Honduriens seraient d'ailleurs repartis vers leur pays grâce au plan «Retour sans danger» lancé par leur gouvernement.
Les Honduriens sont-ils les nouveaux Mexicains?
Saúl Sánchez a d'abord observé que les médias mexicains avaient véhiculé une image négative des migrants ces derniers mois. Si de nombreux chroniqueurs se sont dits favorables à une politique migratoire assez souple, la réaction aurait tout de même été globalement défavorable au passage de la caravane. «Les médias mexicains ont parlé d'une invasion», a-t-il souligné.
«Une partie de la population mexicaine est devenue xénophobe envers les migrants, comme une partie de la population américaine est xénophobe envers les Mexicains», a affirmé le docteur en sociologie.
Au mois de novembre, des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux, montrant notamment des migrants refuser la nourriture qui leur était donnée par les autorités mexicaines. L'histoire d'une migrante hondurienne critiquant des haricots a particulièrement indigné la Toile mexicaine. Saúl Sánchez ne défend pas ces comportements, mais estime que les médias ont trop mis l'accent sur ces cas déplorables, qui rappellent d'ailleurs d'autres histoires de migration de l'Afrique vers l'Europe.
“La comida que están dando aquí es fatal (…) puro frijoles molidos como si le estuvieran dando de comer a los chanchos” esto piensa está migrante hondureña de la comida que en México les están dando de buena voluntad
— Imágenes Históricas (@HistoriaEnFotos) 18 novembre 2018
¿Qué piensan de esto? pic.twitter.com/oi0ZVTv93n
Saúl Sánchez a observé un phénomène de «trumpisation» de l'opinion publique.
«Certains Mexicains réfléchissent de la même manière que Trump. Ils ont le même genre de pensée, le même genre de rhétorique et les mêmes arguments. Comme le président américain, ils présentent les migrants comme des criminels et des violeurs» a mentionné M. Sánchez en entrevue.
Le sociologue a aussi rappelé qu'un petit nombre de Mexicains disposant de la double nationalité avaient voté pour Donald Trump aux dernières élections présidentielles américaines. Toutefois, il y aurait des Mexicains hostiles aux migrants autant dans les partis de gauche que dans ceux de droite.
La «trumpisation» de l'opinion mexicaine
Pour expliquer la montée d'un sentiment anti-migrants au Mexique, M. Sánchez a évoqué l'influence de l'imaginaire colonial au Mexique. On présenterait les Latinos d'Amérique centrale comme des «sous-Mexicains», notamment en raison de leurs origines amérindiennes. «Au Mexique, les descendants des Espagnols occupent souvent de hautes fonctions, les gens métissés forment la classe moyenne et les Autochtones sont souvent au bas de l'échelle. Puisque les Centre-Américains sont souvent autochtones, on a tendance à les inférioriser», a expliqué le sociologue.
«Certains Mexicains ont un complexe d'infériorité par rapport aux États-Unis. Ce complexe se transforme ensuite en complexe de supériorité envers les gens qui viennent de l'Amérique centrale», a affirmé M. Sánchez à Sputnik.
Enfin, Saúl Sánchez a rappelé que le gouvernement américain était maintenant beaucoup plus préoccupé par les migrants d'Amérique centrale que par ceux en provenance du Mexique, signe d'un revirement de situation.