La France n'est pas près de quitter l'Irak!

© AFP 2024 LUDOVIC MARIN Emmanuel Macron en visite dans une église de Mossoul
 Emmanuel Macron en visite dans une église de Mossoul - Sputnik Afrique, 1920, 30.08.2021
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La France maintiendra des troupes en Irak pour combattre les djihadistes. C’est ce qu’a annoncé Emmanuel Macron en visite dans le pays. Malgré sa défaite territoriale en 2019, Daech* reste présent en Syrie et en Irak où plusieurs bombes à retardement sont à surveiller, selon un militaire français ayant fait partie de la coalition internationale.
La France reste en Irak. En déplacement dans ce pays le week-end dernier, le Président français a coorganisé un sommet régional avec le Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi. Ce forum réunissait l’Arabie saoudite, l’Iran, la Turquie, l’Égypte, la Jordanie, le Koweït et le Qatar. Les délégations ont passé en revue les principaux défis et enjeux régionaux. Malgré les divergences d’intérêts, les pays présents ont appelé à la stabilité régionale et à la lutte contre le terrorisme islamiste.
Dans son allocution, le chef d’État français a proclamé: «La France est engagée aux côtés de l'armée irakienne dans la guerre contre le terrorisme.» Balayant les doutes sur une éventuelle dépendance des forces françaises à l’égard des troupes américaines, il a dit vouloir maintenir la présence française en Irak pour lutter contre le terrorisme, «aussi longtemps que les groupes terroristes continueront à opérer et aussi longtemps que le gouvernement irakien demandera cet appui. Et nous avons les capacités opérationnelles pour assurer cette présence, quels que soient les choix américains.»

Contingent français en Irak

Cette présence militaire en Irak résulte «d’une protection du territoire national» français, selon un militaire français qui était présent sur place au sein de la coalition internationale contre l’État islamique (EI)*.
«La France dispose de forces en Irak et en Syrie, des forces dédiées à la lutte contre Daech*. Elles travaillent sous un commandement national parce que nous avons conscience que ce combat permet de fixer les terroristes loin de nos frontières. C’est une protection du territoire national depuis l’extérieur, ce qu’on appelle une défense de l’avant», précise-t-il sous couvert d’anonymat au micro de Sputnik.
Et d’ajouter que cela se fait en étroite collaboration avec les forces américaines. Ainsi 800 militaires français travaillent conjointement avec pas moins de 2.500 soldats américains qui sont encore en Irak. «Dans le cadre de la coalition, on a besoin de coordonner avec eux pour les frappes au sol», explique le militaire français.
Par ailleurs, la France entend renforcer sa coopération avec les forces irakiennes, notamment dans le combat en montagne et en milieu désertique. Paris participe à la formation de l’armée locale. À ce propos, la Task Force Narvik, qui soutient depuis mars 2015 l’Iraki Counter Terrorism Service, unité d’élite de l’armée de Bagdad, a formé plus de 8.000 soldats irakiens et plus de 300 instructeurs.
Cette présence française serait vouée à s’inscrire dans la durée tant que perdurera la menace terroriste.

Daech* en train de relever la tête?

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En 2019, les forces arabo-kurdes ont repris le dernier bastion de l’État islamique* à Baghouz en Syrie. Mais cela ne signifiait pas pour autant la fin du terrorisme. Selon le site libanais Daraj, depuis 2020, les djihadistes ont intensifié leurs opérations, tuant plus de 1.300 soldats de l’armée syrienne, deux membres des forces russes ainsi que 145 miliciens pro-Iran. Florence Parly, ministre français des Armées, s'est même inquiétée de la «résurgence» du groupe djihadiste. «La France considère que Daech est toujours présent. On peut même parler d'une forme de résurgence de Daech* en Syrie et en Irak», soulignait-elle en janvier dernier.

«La présence terroriste est loin d’être anecdotique, on les compte sur plusieurs dizaines de milliers, ils n’ont juste plus d’encrage territoriale comme avant», commente, pour sa part, notre interlocuteur. Compte tenu de la porosité de la frontière irako-syrienne, le déplacement des djihadistes se ferait facilement. Ainsi, l’État irakien a renforcé la sécurité dans cette zone. En mai dernier, Bagdad a commencé la construction de tunnels, de tranchés, mais également des opérations de surveillance.
«On sait que Daech* reste présent dans les villes proches du Tigre. Les islamistes y cachent du matériel d’entraînement, des armes. L’interconnexion avec la Syrie complique la tâche de l’État irakien. On sait que les terroristes circulent facilement d’un pays à l’autre. Au niveau de la Middle East River Valley, le long de l’Euphrate qui remonte jusqu’à Deir ez-Zor, Daech* arrive à se cacher et reçoit le soutien des tribus locales», témoigne le militaire.
Malgré la traque des terroristes, rien n’y fait. La géographie désertique et montagneuse de l’Irak jouerait en leur faveur. En février dernier, les djihadistes ont tendu une embuscade dans une vallée rocailleuse dans le nord du pays. Huit soldats irakiens sont morts. «Des djihadistes se cachent toujours dans des trous… Ils sont très durs à attraper! On a du mal à les localiser, car la vallée est vaste et difficile à contrôler», expliquait le général irakien Al Soudani. La capacité de nuisance du groupe islamiste resterait donc intacte. Dernièrement encore, Daech* a perpétré plusieurs attentats non loin de Bagdad. En juillet dernier, deux attaques terroristes ont respectivement fait quatre et 12 victimes.
Mais là n’est pas le plus inquiétant pour le militaire: à moyen terme, le véritable défi serait, selon lui, les camps de détention et le camp d’Al-Hol contrôlé par les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes.

Faire plus d’enfants pour renouveler les combattants de Daech*

Talibans Kaboul - Sputnik Afrique, 1920, 27.08.2021
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Dans le camp de réfugiés d’Al-Hol, au nord-est de la Syrie, s’entassent pas moins de 40.000 Irakiens et plus de 20.000 Syriens. Depuis 2020, les ONG internationales présentes sur place alertent les autorités sur la dégradation de la sécurité, la multiplication des actes criminels, les incendies suspects de tentes, les agressions de personnels humanitaires et de gardes, les assassinats à l’arme blanche ou au pistolet et même les décapitations. On dénombre plus de 117 assassinats en moins de deux ans. Le soldat français y verrait la responsabilité de l’État islamique*. «Daech* a la main sur le camp, non pas par le biais de combattants, mais en exploitant la présence des épouses, qui font de la propagande, qui tuent des gens dans les camps avec des couteaux ou des silencieux.»

Entre la pauvreté, le manque d’hygiène, les tensions avec les forces kurdes, tous les éléments seraient réunis pour que l’idéologie radicale islamiste se développe de nouveau.
«Ce camp est intenable, c’est une bombe à retardement pour la région. L’idéologie et la propagande de Daech* y prolifèrent à toute vitesse. Les femmes sont forcées à faire beaucoup d’enfants pour renouveler les combattants de Daech*, ce qui pourrait constituer une réelle menace dans les 15 prochaines années», avertit le militaire.
Les forces kurdes se plaignent de ne pas avoir les moyens de gérer le camp. Elles soulignent l’importance des centres de réhabilitation pour les enfants de djihadistes. De surcroît, les prisons pour les anciens combattants de l’EI*, également contrôlées par les Kurdes, sont aussi «de véritables incubateurs idéologiques», avertit le militaire français. Et de rappeler que «selon la loi imposée par l’autorité kurde, il ne peut y avoir des sanctions pénales supérieures à vingt ans de prison, ce qui constitue un réel défi pour la coalition».
*Organisation terroriste interdite en Russie
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