La Lituanie et la Lettonie «assaillies» par les migrants: l’arroseur arrosé?

© AFP 2023 PETRAS MALUKASL’opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaya (à droite) et la Première ministre lituanienne Ingrida Simonyte (à gauche) lors d’une manifestation à Vilnius le 9 août 2021.
L’opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaya (à droite) et la Première ministre lituanienne Ingrida Simonyte (à gauche) lors d’une manifestation à Vilnius le 9 août 2021. - Sputnik Afrique, 1920, 11.08.2021
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Confrontées à un afflux de migrants sans précédent, la Lituanie et la Lettonie accusent la Biélorussie de l’avoir organisé. Et ce afin de faire pression sur l’Union européenne. La réponse est-elle à chercher dans les tensions avec Minsk qui voit certains de ses voisins s’immiscer sans vergogne dans ses affaires?
Depuis avril, la tension monte inexorablement à la frontière orientale de l’espace Schengen. En Lettonie, les autorités ont décrété l’état d’urgence et mobilisé l’armée. En Lituanie, le Parlement a approuvé le 10 août la construction d’un mur anti-migrants. 508 kilomètres de long pour 4 mètres de haut, cette barrière surmontée de barbelés devrait coûter 152 millions d’euros.
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Ces mesures d’urgence traduisent la volonté de stopper net l’arrivée d’immigrés moyen-orientaux et africains via la Biélorussie. Plus de 4.000 d’entre eux seraient ainsi parvenus en Lituanie depuis le début de 2021. Un chiffre bien éloigné des 74 entrées illégales enregistrées en 2020 par les autorités de ce pays balte. Du côté letton, 200 migrants auraient franchi la frontière rien que ces dernières vingt-quatre heures. De part et d’autre de la frontière biélorusse, on s’accuse.

Lituaniens et Biélorusses se renvoient la balle… et les migrants

À Vilnius, on affirme notamment que les gardes-frontières biélorusses effaceraient les traces de passage des clandestins. Côté biélorusse, on invoque une certaine incompétence lituanienne et on dénonce les violences infligées aux réfugiés. Par exemple, selon le Comité biélorusse des frontières de l'État, cette vidéo montrerait des gardes-frontières lituaniens traînant une femme enceinte jusqu’à la frontière biélorusse pour l’y abandonner, inconsciente.
Les officiels biélorusses disent également recueillir quotidiennement des migrants refoulés et présentant des blessures par balles et des traces de morsures de chiens. Ils affirment aussi que le corps d’un Irakien, présentant des marques de coups, aurait par ailleurs été retrouvé le 4 août à proximité de la frontière avec la Lituanie. De la «désinformation», balaie Vilnius qui dénonce une provocation.
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Bref, à en croire les deux bords, d’une part, les Biélorusses ne respecteraient plus leurs obligations en matière de protection des frontières, et, d’autre part, les Lituaniens ne feraient pas dans la dentelle quand ils interceptent des migrants.
Du côté des autorités baltes et polonaises, on va plus loin. On accuse depuis plusieurs mois Minsk d’être à l’origine de cette crise. Des assertions reprises dans la presse locale. En cause, les sanctions prises par l’Union européenne après la réélection d’Alexandre Loukachenko et du détournement en mai dernier d’un vol Ryanair où avait pris place un opposant biélorusse. Les médias lettons fustigent la «lâcheté» de l’Union européenne face à cette «attaque hybride» (recourant à des moyens non militaires), du «régime de Loukachenko» via des migrants irakiens transformés en «arme politique» pour faire pression sur l’Europe. Une stratégie derrière laquelle certains voient même la main du Kremlin.

Une crise aux répercussions limitées?

Analyse que semble partager Ylva Johansson, commissaire européenne aux Affaires intérieures, qui a récemment apporté son soutien à Vilnius. Lors d’un déplacement le 1er août à la frontière entre la Biélorussie et la Lituanie, Bruxelles a promis un crédit de 20 à 30 millions d'euros aux autorités afin de renforcer leur contrôle frontalier. Une posture qui tranche avec l’émoi qu’avait suscité la construction par la Hongrie de Viktor Orban d’une clôture anti-migrants similaire. Un deux poids, deux mesures assez révélateur. En tout état de cause, une réunion de crise est programmée à Bruxelles le 18 août.
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Mais, loin d’embraser l’UE, cette crise semble bien plus locale que ne l’espèrent Vilnius, Riga et Varsovie. En effet, ces trois pays frontaliers de la Biélorussie et membres de l’Otan, tout particulièrement la Lituanie, s’empressent de faire bon accueil aux contestataires biélorusses. Leurs leaders politiques ne manquent jamais une occasion d’afficher leur soutien à l’opposition au régime de Minsk. Ils n’hésitent pas à s’ingérer dans les affaires intérieures de leur voisin.
C’est d’ailleurs à Vilnius (Lituanie) qu’a choisi de s’exiler Svetlana Tikhanovskaïa, cette mère au foyer de 38 ans que l’on présente en Occident comme la «principale opposante» à Alexandre Loukachenko et qui revendique ni plus ni moins que d’avoir remporté les élections présidentielles d’août dernier. Élections dont le premier anniversaire coïncide d’ailleurs avec ce regain de tension. Le 9 août, pour souffler à sa façon cette première bougie, Washington a décrété une volée de sanctions contre Minsk.
En août 2020, au lendemain de ces élections présidentielles biélorusses, le Seimas (Parlement lithuanien) votait une résolution enjoignant le Conseil européen, le Parlement et la Commission européenne ainsi que tous les parlements et gouvernements des États membres de l’UE et de l’Otan à ne pas reconnaître la réélection de Loukachenko. Moins d’un mois plus tard, le 10 septembre, les parlementaires lituaniens adoptaient une nouvelle résolution appelant la communauté internationale à reconnaitre Tikhanovskaïa comme présidente légitime de la Biélorussie.
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