Chiffre d’affaires en hausse, Pfizer peut remercier l’UE

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Pfizer - Sputnik Afrique, 1920, 29.07.2021
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Les recettes mondiales générées par le Comirnaty ne cessent de grimper pour Pfizer, premier laboratoire dont le vaccin anti-Covid a été homologué en Occident. Un succès commercial mérité, mais également boosté par la politique d’achats des Européens. En déléguant à Bruxelles cette mission, ils ont en effet facilité la tâche aux labos.

Pfizer dans les étoiles.

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Mercredi 28 juillet, le groupe pharmaceutique américain a revu à la hausse les prévisions de revenus de son sérum anti-Covid pour cette année. 33,5 milliards de dollars, contre les 26 milliards sur lesquels il tablait en mai, c’est deux fois plus que les 15 milliards qu’il prévoyait en février. En tout, le laboratoire revendique pour 80 milliards de dollars de commandes.

Un début plus que prometteur, qui commence à faire de l’ombre à son précédent best-seller: le Lipitor (appelé Tahor en France). Jusqu’à l’expiration de ses brevets aux États-Unis et en Europe fin 2011 et début 2012, cet anti-cholestérol était considéré comme le médicament le plus vendu au monde. Lors de sa dernière année pleine d’exploitation, ses ventes avaient généré plus de 10 milliards de dollars de recettes, soient 15% des 67,8 milliards de chiffre d’affaires de la firme.

Bruxelles, meilleur client… et allié de Pfizer?

Un score qu’a donc battu à plate couture le Comirnaty, nom commercial du sérum anti-Covid développé par Pfizer et BioNTech. Un filon qui est loin d’être tari, tout particulièrement en Europe, où la Commission a passé mi-mai une nouvelle commande de 1,8 milliard de doses (900 millions fermes et autant en option) supplémentaires pour couvrir les besoins des 27 jusqu’en 2023. Face aux variants, les laboratoires, Pfizer en tête, préconisent une troisième injection. Bonne élève, la Commission s’aligne. D’ailleurs, l’organe exécutif européen est aujourd’hui considéré –et de loin– comme le meilleur client du laboratoire.

Il faut dire que ce dernier doit déjà une fière chandelle à Bruxelles. En 2004, c’est la Commission qui lui avait offert sur un plateau le médicament phare d’Aventis, alors racheté par Sanofi. Au nom des règles européennes de la concurrence, Bruxelles avait forcé le français à vendre son traitement-phare contre le cancer colorectal (Campto) à Pfizer, qui le commercialisait sous licence aux États-Unis. Dans ce qui semble être un cynique retour des choses, le labo new-yorkais impose aujourd’hui son écrasante domination sur le marché européen avec l’aval de cette même Commission. Elle a en effet «sécurisé» au total 2,4 milliards de doses de Comirnaty, soit près de 55% des 4,365 milliards d’unités négociées auprès de six laboratoires.

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Pour cette fidèle cliente, Pfizer a rehaussé ses prix de 26%: 19,5 euros pour les doses livrées en 2022, contre 15,5 euros précédemment. Tarif qui, au cœur de la crise, était plus avantageux que celui des Américains (16,3 euros) et des Israéliens (22,7 euros)… livrés les premiers.

Des conditions tarifaires régulièrement au cœur des polémiques sur l’opacité des contrats, motivée par le secret des affaires. Omerta, qui n’avait pas manqué de susciter l’indignation d’élus du Parlement européen. En effet, l’accès à ces contrats est jalousement gardé: seule une poignée d’eurodéputés triés sur le volet et soumis à des règles strictes de confidentialité ont eu droit de le consulter.

Contrats Pfizer: une omerta finalement levée?

Ainsi, l’eurodéputé LREM Pascal Canfin a-t-il expliqué début janvier 2021 à Mediapart qu’il avait eu accès aux documents dans une salle à l’entrée de laquelle il fallait laisser son téléphone et avec interdiction de prendre des notes ou de parler de ce qu’il pouvait lire. Pascal Canfin appelait alors à ce qu’au moins les informations d’intérêt général soient rendues publiques, afin notamment de lutter contre la défiance que ce silence générait dans la population.

Il faudra attendre fin avril pour que cette omerta soit partiellement levée. TF1 et LCI parviendront à mettre la main sur le tout premier contrat signé l’hiver dernier entre la Commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, et la présidente de la branche vaccins de Pfizer, Nanette Cocero. Celui-ci portait alors sur 200 millions de doses, assorti d’une option pour 100 millions supplémentaires. Un «pari risqué», soulignaient les médias. En effet, lorsque l’UE signa ce premier chèque à Pfizer le 20 novembre, le laboratoire américain n’avait même pas déposé la demande d’homologation de son vaccin auprès de l’autorité de santé européenne.

Pfizer le fit dans la huitaine. Sous pression, l’Agence européenne du médicament (EMA) promit de fournir une réponse «au plus tard le 29 décembre.» Elle la donna finalement dès le 21 décembre, à peine plus d’une semaine après l’aval de l’agence américaine des médicaments (FDA) elle aussi sous pression, ouvrant la voie à un succès planétaire. Le vaccin de Pfizer-BioNTech est le deuxième plus répandu à travers le monde, administré dans 102 pays, derrière Astra-Zeneca-Oxford et son aire de distribution de 171 pays.

Accords avec les labos, des précédents fâcheux

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Par ailleurs, la Commission avait à l’époque ratissé large afin d’assurer un approvisionnement rapide des Européens en vaccins dès que ceux-ci seraient disponibles. Si Pfizer a pris la concurrence de vitesse, début 2021 cinq autres laboratoires avaient un contrat d’achat anticipé signé avec Bruxelles pour leurs candidats-vaccins. Une précipitation européenne qui a eu un coût en termes d’image, en partie parce que Bruxelles a été plus lente à agir que des États membres et parce que certains contrats avaient jeté le discrédit sur la Commission, comme celui passé avec Gilead. Début octobre 2020, l’exécutif européen n’était pas peu fier de signer un chèque en blanc d’un milliard d’euros –au nom du contribuable européen– pour l’approvisionnement en remdesivir de tous les États membres de l’UE, de l’Islande, de la Norvège et des six pays candidats ou candidats potentiels des Balkans. Sauf qu’au moment de signer avec Bruxelles, Gilead savait que son traitement était considéré par l’OMS comme inefficace, mais n’avait pas jugé bon d’en informer la Commission. Interrogé sur cet épisode par la presse, le laboratoire a répondu ne reconnaître que la validité scientifique des tests des autorités américaines. Des tests auxquels il avait directement participé.

Pour en revenir au premier contrat de Pfizer, certaines de ses clauses avaient fuité dans la presse fin avril 2021. On avait alors découvert que la Commission avait payé une avance de frais afin de «sécuriser le volume commandé» de l’ordre de 700 millions d’euros et que les doses étaient légèrement plus chères que douze euros. Un tarif qu’avait laissé entendre en décembre des documents accidentellement révélés par la secrétaire d’État belge au Budget et à la Protection des consommateurs, Eva de Bleeker.

Dernière information révélée, et non des moindres, chaque État membre s’engage à «indemniser et dégager de toute responsabilité le laboratoire, ses filiales, sous-traitants, partenaires sous franchise, ainsi que ses dirigeants, directeurs, employés et autres agents et représentants de chacune de ces entités, en cas de plainte d’un tiers, relative aux dommages et préjudices […] qui surviendrait lors de l’utilisation ou du déploiement des vaccins.»

Les pots cassés pour les contribuables, les bénéfices pour les labos

Des clauses qui n’avaient pas particulièrement surpris. D’une part parce qu’en France, certains politiques de premier rang les dénonçaient depuis plusieurs mois, et d’autre part parce que celles-ci n’étaient pas inédites. Là encore, un précédent avait marqué les esprits: celui de la crise de la grippe H1N1 à la fin des années 2000. Déjà à l’époque, les laboratoires avaient exigé des États clients de les couvrir en cas de pépin occasionné par leurs traitements développés en urgence.

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En 2010, le Sénat avait ainsi pointé du doigt les conditions de ces contrats signés dans l’urgence entre gouvernements et laboratoires pharmaceutiques. Contrats qui s’illustraient, aux yeux de la chambre haute du Parlement, par un «remarquable déséquilibre et par la légalité douteuse de certaines de leurs clauses».

Le rapport des sénateurs soulignait également la manière dont les labos avaient «insisté pour la signature très rapide de lettres d’intention», sur le respect d’une stricte procédure logistique qui de facto tenait à l’écart les médecins généralistes et pharmacies, ainsi que de recourir à une «vaccination à double injection, alors qu’une seule dose suffit en principe pour les vaccins antigrippaux.» Des éléments qui rappellent étrangement ceux observés ces sept derniers mois.

Toutefois, comme le notait le rapport, certains États européens avaient à l’époque tenu tête aux laboratoires. Ce fut notamment le cas de la Pologne. D’autres pays, comme la France, avaient pu également réduire les frais engagés au plus fort de la crise en résiliant les contrats d’approvisionnement signés avec les laboratoires pharmaceutiques.

Autant de potentiels obstacles et réticences nationales qui cette fois-ci ont été levés au nom de la «solidarité» européenne. En effet, si les exigences des laboratoires n’ont donc rien de nouveau en des temps de crise sanitaire, en revanche l’initiative d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel de concentrer dans les mains de la seule Commission européenne l’achat des vaccins pour l’ensemble des États membres a très clairement joué en faveur des laboratoires, en plus de retarder les premières livraisons. Bref, les enseignements de la «première pandémie du XXIe siècle» de la grippe A n’ont pas été retenus, du moins pas par les dirigeants politiques européens.

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