Le gouvernement peut-il encore justifier un nouveau tour de vis alors que la vaccination progresse?

© AFP 2024 VALERY HACHELa promenade des Anglais en plein confinement à Nice, février 2021
La promenade des Anglais en plein confinement à Nice, février 2021 - Sputnik Afrique, 1920, 27.07.2021
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Alors que les indicateurs de l’épidémie sont à la hausse et que les contaminations continuent d’augmenter, le gouvernement a annoncé de nouvelles «mesures de freinage» dans différents territoires. De nouvelles restrictions sanitaires sont-elles un «non-sens» dans le contexte actuel?
«Il va falloir accepter l’idée de reprendre une vie normale. Si le critère, c’est le nombre de personnes contaminées et le nombre de morts, on ne s’en sortira jamais. La grippe fait aussi des milliers de morts, on ne met pas le pays à l’arrêt et on ne fait pas des couvre-feux pour autant!»

Philippe Lemoine, doctorant en logique et philosophie des sciences, se penche sur la dynamique à la hausse des contaminations en France. En l'espace d'une semaine, la moyenne des cas sur les sept derniers jours a atteint une augmentation de 118%. Pis, à l’échelle départementale, 15 territoires ont actuellement un taux d’incidence au-delà du seuil d’alerte maximale établi par Emmanuel Macron.

Cette flambée des contaminations sur le territoire français ne justifie en rien les nouvelles «mesures de freinage» promises par l’exécutif en cas de reprise de l’épidémie, estime pourtant Lemoine.

«La vaccination a montré qu’elle pouvait casser le lien entre incidence et mortalité. De nouvelles mesures seraient totalement superflues.»

La barre des 7.000 patients hospitalisés du Covid-19 a été franchie une nouvelle fois ce lundi 26 juillet. Selon Santé Publique France, 952 patients sont actuellement traités dans les services de soins critiques.

La mortalité en baisse continue en Angleterre, malgré le Delta

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Toutefois, avec une couverture vaccinale de plus en plus large (60% de la population a reçu au moins une dose de vaccin, 50% des Français sont entièrement vaccinés), la fameuse «quatrième vague» promise par les autorités sanitaires «sera sans commune mesure avec les précédentes, et le lien avec la mortalité sera encore plus faible», veut croire Philippe Lemoine.

«En Angleterre, on voit bien qu’on peut avoir un grand nombre de cas sans que cela se traduise par une mortalité similaire à celle que l’on a observée lors des vagues précédentes.»

Au pic de la deuxième vague en Angleterre (variant Alpha, dit «anglais», majoritaire), le lien entre le nombre de contaminations et le nombre de morts faisait peu de doute: le 28 octobre 2020, on enregistrait 33 cas pour 100.000 habitants au Royaume-Uni, ce qui équivalait à l’époque à 36 morts en moyenne pour 10 millions d’habitants. Au pic de la troisième vague cette fois, le 4 juin 2021 (variant Delta dit «indien» majoritaire), les 33 cas pour 100.000 habitants équivalent à… deux morts pour 10 millions d’habitants. Entre-temps, 70% de la population anglaise a reçu au moins une dose de vaccin anti-Covid.

Si la France est légèrement en retard sur le Royaume-Uni, Philippe Lemoine prédit un scénario identique ou presque dans l’Hexagone, à savoir une hausse des contaminations, voire des entrées à l’hôpital, mais une mortalité très faible. «Il ne faut pas oublier qu’outre les personnes vaccinées, au moins 20% de la population a une immunité naturelle en ayant été infecté au cours des derniers mois», ajoute celui qui est aussi chargé de recherche au Center for the Study of Partisanship and Ideology, think tank spécialisé dans l’analyse et le conseil en politiques publiques. Au 8 mars dernier, l’Institut Pasteur estimait à 17% environ la part des plus 20 ans ayant été infectés par le Covid-19 en métropole.

Vers de nouveaux couvre-feux

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Le rebond des contaminations préoccupe en tout cas particulièrement les autorités. En Haute-Corse, où le taux d’incidence est de 607 cas pour 100.000 habitants, le préfet a rétabli le port du masque dans six grandes communes et interdit les rassemblements de dix personnes après 21 heures sur les plages et espaces publics.

Dans le Bas-Rhin, le préfet a lui aussi rétabli le port du masque en extérieur et s’apprête à imposer un horaire de fermeture des bars et restaurants, ainsi qu’une restriction de la vente d’alcool dans l’espace public. Le masque devient aussi obligatoire pour une grande partie de la côte des Pyrénées-Atlantiques, a annoncé la préfecture lundi 26 juillet. Un «non-sens total», pour Philippe Lemoine:

«À supposer que ces mesures aient un impact, celui-ci est extrêmement faible sur la dynamique de l’épidémie. Il serait sinon très facile à détecter. Le fait de porter des masques en extérieur, par exemple, n’a rigoureusement aucun effet. En revanche, ces restrictions ont un effet très important sur la santé mentale des gens», avance l’universitaire.

Alors que le pass sanitaire doit être mis en application dans les jours qui viennent, dès lors que le Conseil constitutionnel aura statué sur la loi portant cette mesure, peut-on imaginer un scénario où l’instauration du laissez-passer coïnciderait avec de nouvelles restrictions sanitaires, potentiellement plus drastiques? «Je suis prêt à parier que la mise en application du pass sanitaire n’empêchera pas le gouvernement de remettre en place des mesures comme le couvre-feu, si l’incidence continue à croître», rétorque Philippe Lemoine.

Pour notre interlocuteur, le gouvernement et les autorités sanitaires devraient cesser de se fier uniquement au taux d’incidence afin de mesurer l’ampleur et la gravité de l’épidémie, comme c’est actuellement le cas. En Allemagne, la question se pose désormais ouvertement. «Le taux d’incidence devient de moins en moins significatif au fur et à mesure que la campagne de vaccination progresse», a fait valoir Jens Spahn, ministre de la Santé d’Angela Merkel.

«Il faut que l’on arrête de se focaliser sur l’incidence désormais que le lien entre incidence et mortalité a été cassé, comme on le voit actuellement en Angleterre et comme on le verra prochainement en France», assure Philippe Lemoine.
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