Vaccination des enfants et des ados contre le Covid: «indispensable» ou «irresponsable»?

© AFP 2024 DAVID GANNONDeux enfants attendent leurs parents devant un lieu de dépistage du Covid-19, à Berlin en Allemagne
Deux enfants attendent leurs parents devant un lieu de dépistage du Covid-19, à Berlin en Allemagne - Sputnik Afrique, 1920, 26.07.2021
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Le vote final des parlementaires l’a confirmé: le pass sanitaire s’appliquera bien aux jeunes âgés de 12 à 17 ans. Et ce, dès fin septembre. La vaccination des mineurs est-elle pour autant parfaitement sûre? Trois spécialistes du sujet s’affrontent sur la question au micro de Sputnik.
«Le pass sanitaire devrait s’appliquer à tout le monde si on veut qu’il soit vraiment efficace», lance d’emblée le Dr Alexis Hautemaniere au micro de Sputnik.

Les parlementaires ont définitivement adopté dimanche le projet de loi comportant les nouvelles mesures sanitaires face au Covid-19. Malgré les réserves des sénateurs, le pass sanitaire s'appliquera bien aux mineurs âgés de 12 à 17 ans à partir du 30 septembre prochain. Mais, pour Alexis Hautemaniere, il aurait même fallu aller plus loin si l’on voulait endiguer les contaminations. «En bornant le pass sanitaire à 12 ans, on rate une partie de l’objectif: les enfants, même de moins de 12 ans, sont porteurs du virus et peuvent le transmettre», plaide l’épidémiologiste et hygiéniste. «Il faudrait au moins que, entre 6 et 11 ans, le pass sanitaire soit opérationnel», préconise-t-il.

Un avis très tranché qu’est loin de partager Stéphane Gayet, médecin infectiologue-hygiéniste au CHU de Strasbourg. Si un test PCR ou antigénique négatif ou un certificat de rétablissement de moins de six mois pourra faire office de pass sanitaire, le non-remboursement des tests de dépistage prévu à l’automne équivaut selon lui à une obligation vaccinale:

«Les autorités de santé ont décidé d’une vaccination massive de toute la population. Par conséquent, étendue aux mineurs. Mais cela ne me semble pas du tout raisonnable», assène Stéphane Gayet au micro de Sputnik.

«Je rappelle que les essais ne sont pas terminés pour les vaccins utilisés en France contre le Covid: on est toujours en phase 3», fait observer le médecin infectiologue. Le protocole du vaccin Pfizer, par exemple, doit en effet s’achever en mai 2023.

Un seul cas de mortalité avéré due au Covid-19 chez les mineurs en France

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En ce qui concerne la vaccination des enfants, le rapport bénéfice-risque doit être évalué de la même manière que pour les adultes ou les populations à risques, poursuit Stéphane Gayet. Or, depuis le début de l’épidémie de Covid-19 en France, en mars 2020, «seulement» une dizaine de décès sont à déplorer chez les moins de 18 ans. Selon les chiffres communiqués le 2 juillet dernier par Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste de Santé Publique France, on comptait «treize décès d’enfants dont dix étaient considérés comme imputables au Covid-19, et pour les trois autres [le lien avec le Covid était] considéré comme possible». Mais, dans le détail, «il n’y avait qu’un seul enfant pour lequel le décès était survenu dans un contexte où la seule cause possible était le Covid-19», précisait alors le spécialiste.

«Le rapport n’est pas, de toute évidence, en faveur des bénéfices, car les enfants s’immunisent bien. Pour ceux qui ne font pas de forme grave, ils contractent une forme paucisymptomatique. C’est-à-dire avec peu de signes et des symptômes qui ne durent pas longtemps. L’infection au Covid-19 reste essentiellement bénigne chez les enfants», estime Stéphane Gayet.

«La balance bénéfice-risque penche clairement en faveur des bénéfices», considère à l’inverse Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l’Inserm et présidente du comité vaccin Covid-19 en France. À titre individuel, la vaccination des plus jeunes permet selon notre interlocutrice «d’éviter les risques de maladie sévère, même s’ils sont rares, et les Covid longs». Alexis Hautemaniere admet que la mortalité du Covid est «très faible» chez les enfants, mais il insiste lui aussi sur les effets de la maladie à plus long terme. Un paramètre qui lui semble occulté dans le débat public:

«Il faut arrêter de ne considérer que la mortalité du Covid. C’est une hérésie! On ne regarde que la partie émergée de l’iceberg. Les séquelles et les handicaps, parfois graves, des Covid longs, doivent être pris en compte. Les enfants en font également», assure Alexis Hautemaniere.

Et le médecin épidémiologiste à Avranches de citer une étude britannique portant sur les syndromes neurologiques associés au Covid-19. Parue le 8 juillet dernier dans la revue spécialisée Brain et réalisée par une équipe de scientifiques de l’University College London (UCL), celle-ci conclut notamment «que les diverses pathologies neurologiques et neuropsychiatriques observées au cours ou au décours [période de déclin, ndlr] de la maladie Covid-19 affectent le système nerveux central et périphérique, notamment la circulation sanguine cérébrale». Plus inquiétant encore, l’encéphalopathie aiguë disséminée (ADEM), une pathologie inflammatoire cérébrale apparue chez certains patients infectés par le Covid, «est plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte», selon les auteurs de l’étude. «Voilà un bénéfice individuel bien précis de la vaccination pour les enfants», souligne Alexis Hautemaniere.

La vaccination des enfants, indispensable pour atteindre l’immunité collective?

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L’autre argument invoqué par les défenseurs d’une vaccination étendue aux mineurs concerne le «bénéfice collectif» d’une couverture vaccinale plus large. «La vaccination de cette tranche d’âge contribuera à “casser” l’épidémie, surtout avec des variants extrêmement contagieux, comme le Delta», plaide Marie-Paule Kieny. L’experte en santé publique ajoute qu’une immunisation étendue aux enfants pourrait «permettre la continuité de l’éducation en évitant les fermetures de classes dues à des clusters».

Certes, les différents spécialistes s’accordent sur la rareté des formes graves du Covid-19 parmi les enfants. Mais il n’en reste pas moins que ces derniers peuvent contaminer des adultes à risques. En raison du variant Delta, désormais majoritaire en France, le Conseil scientifique estime désormais qu’il faudrait atteindre le seuil de 90% à 95% de personnes vaccinées ou contaminées pour espérer maîtriser l'épidémie. «Pour avoir une immunité populationnelle, il faudra obligatoirement étendre l’âge de la vaccination. Avec le seuil de 12 ans, on n’aura pas suffisamment de gens vaccinés», précise Alexis Hautemaniere. «En réalité, les enfants, surtout en bas âge, ne contaminent que très rarement les adultes», lui objecte Stéphane Gayet.

«Chez les enfants, la contagiosité est plus courte que chez l’adulte, chez qui l’infection dure de sept à dix jours dans 80% à 85% des cas. Le système immunitaire des enfants étant très performant, l’infection dure moins longtemps: le plus souvent moins de sept jours», argue l’infectiologue au CHU de Strasbourg.

Reste une question cruciale: quid des effets secondaires à court ou moyen terme de la vaccination sur des organismes encore en formation? «Entre un enfant de 6 à 12 ans et un enfant de 12 à 18, physiologiquement et immunologiquement, il n’y a pas beaucoup de différences», répond Alexis Hautemaniere.

Des complications majeures peu probables chez les plus jeunes

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Le 23 juillet dernier, l’Agence européenne des médicaments a approuvé l’utilisation du vaccin Moderna pour les jeunes de 12 à 17 ans. C’est le second vaccin à être autorisé pour les adolescents au sein des vingt-sept pays de l’Union européenne, après celui de Pfizer-BioNTech. «Les effets secondaires rapportés pour ces deux vaccins sont “classiques” et sans gravité (douleur au point d’injection, fatigue, fièvre). Ils ne sont pas plus fréquents que chez les adultes», détaille Marie-Paule Kieny. Et la vaccinologue de rappeler au passage que «des millions d’enfants et d’adolescents de 12-17 ans ont déjà été vaccinés avec le vaccin Pfizer dans le monde». Mi-juin, 3,6 millions d’adolescents âgés de 12 à 15 ans avaient déjà reçu une injection aux États-Unis. 1,1 million avaient reçu une seconde piqûre.

«L’ARN messager, tel qu’il fonctionne, ne peut pas modifier le génome ni avoir d’incidence sur le fonctionnement cellulaire», assure le Dr Hautemaniere. «L’injection du vaccin se fait dans un muscle: il n’y a pas de diffusion du produit. Ce n’est pas comme un antibiotique qui passe dans tout le sang. Le vaccin reste très local en réalité.»

Autre argument en faveur de la vaccination des enfants: son efficacité. Celle-ci serait «de 100% sur les formes symptomatiques chez les enfants de 12 à 15 ans», avance Marie-Paule Kieny. «Plus vous êtes jeune, plus l’efficacité est bonne, car vous avez une mémoire immunitaire plus importante», complète Alexis Hautemaniere. Les cas de thrombose artérielle après injection d’AstraZeneca ou les occurrences de myocardites après des secondes doses de Pfizer devraient toutefois inciter à la prudence, prévient Stéphane Gayet:

«Chez les petits, la vaccination me semble irresponsable. On n’a jamais fait ça avec d’autres vaccins, sauf avec la polio, car elle peut entraîner des paralysies chez les jeunes enfants. Mais le vaccin contre la polio est très sûr, on n’a pas commencé à l’utiliser avant que les essais soient terminés!» avertit Stéphane Gayet.

«Au vu du haut niveau de sécurité de ces vaccins chez les plus de 12 ans, des complications majeures chez les plus jeunes sont peu probables», relativise toutefois Marie-Paule Kieny. Alors que la question de la vaccination des enfants de moins de 12 ans est déjà expérimentée par les laboratoires Pfizer, celle qui a reçu le prix international de l'Inserm en 2018 se veut pragmatique:

«La vaccination des 0-11 ans pourrait en effet être envisagée si les données de sécurité démontraient sans ambiguïté que le vaccin est sûr pour cette classe d’âge», prévient Marie-Paule Kieny.

Pfizer s’attend à disposer de résultats en septembre chez les 5-11 ans. Le labo compte bien demander dans la foulée une autorisation d’urgence à l’agence américaine des médicaments FDA. Pour les nourrissons, le laboratoire table sur octobre-novembre. L’américain Moderna, de son côté, a commencé un essai clinique chez les enfants en mars. Les résultats sont attendus pour la fin de l’été.

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