L’hommage aux trois gendarmes tués par un forcené dans un hameau isolé dans le Puy-de-Dôme en décembre 2020 a été l’occasion pour Gérard Darmanin d’annoncer l’interdiction prochaine de «l’acquisition et la détention des armes de guerre transformées».
Jean-Pierre Bastié, président de l’Union française des amateurs d’armes (UFA), estime qu’il y a environ 2.000 «armes de guerre transformées» en France.
«En France, l’arme de guerre, c’est celle qui tire par rafales. Elle est interdite pour les tirs. Il s’agit donc d’armes de guerre modifiées pour ne tirer qu’un coup à la fois», précise M.Bastié au micro de Sputnik.
Depuis 2013, les armes sont administrativement et légalement classées en quatre catégories. La catégorie A regroupe les armes de guerre et assimilées (armes de poing ou d’épaule à forte capacité, armes automatiques et semi-automatiques), interdites aux particuliers, sauf dérogation. La B et la C sont ouvertes aux tireurs sportifs, la C aux chasseurs. Les calibres et d’autres caractéristiques techniques (longueur de l’arme, capacité…) distinguent ces deux catégories.
Tireurs sportifs dans des affaires criminelles: six cas en 20 ans
Enfin, la catégorie D regroupe les objets de défense (bombes lacrymogènes, matraques, etc.), les couteaux et les armes à poudre noire ou de collection. Les armes «démilitarisées» appartiennent dorénavant à la catégorie A. Pour notre interlocuteur, ce classement mis à jour en 2018 est clair: «les gens qui les ont acquis, peuvent les garder, mais on n’a plus autorisation d’en acheter des nouvelles». La nouvelle loi risque de changer la donne.
«Ça ne touche pas un nombre trop important d’individus. Mais dans la mesure où il n’y a pas de contrepartie financière, c’est désagréable pour eux, ils vont perdre de l’argent dans cette aventure», déplore le président de l’UFA.
Néanmoins, serrer la vis aux détenteurs d’armes légales équivaut pour Jean-Pierre Bastié à se tromper de cible dans la lutte pour la sécurité. Avant de nous parler, le président de l’UFA confie avoir «fait une petite recherche». Il a comptabilisé «les tireurs sportifs impliqués, toutes armes confondues, dans des affaires criminelles»: six cas en 20 ans.
«C’est moins que deux à trois mois de faits divers dans les cités. En termes de dangerosité, ces armes ne sont pas plus dangereuses qu’une arme de chasse classique. Il fallait trouver un bouc émissaire et c’est plus facile de taper sur les tireurs que sur la délinquance», fulmine le président de l’UFA.
Le président des amateurs d’armes qualifie l’annonce de Gérard Darmanin visant les armes de guerre transformées d’«arbre qui cache la forêt», puisque par définition, les «armes totalement illégales échappent à tout contrôle».
Les armes illégales, angle mort des annonces de Darmanin
«On n’a pas de regard sur les armes qui sont dans la nature, qui servent au grand banditisme, aux règlements de comptes entre voyous. Le fait d’interdire des armes aux tireurs, ça n’aura que très peu d’impact, voire quasiment aucun sur la criminalité en France», assure M.Bastié.
Par contre, un vrai impact viendrait d’après notre interlocuteur «du croisement des fichiers informatiques des violences faites aux femmes, des agressions diverses et variées», permettant d’identifier plus facilement les personnes «à risque». L’État s’est pour le moment concentré sur la mise en place du Système d'information sur les armes (SIA) pour mettre de l’ordre dans le système d’enregistrement des armes légales.
Recouper des informations
Vraisemblablement, ce sont justement ces informations qui ont manqué aux gendarmes lors de l’intervention dramatique dans le Puy-de-Dôme. «Grâce aux recoupements des fichiers des personnes qu’on peut qualifier comme dangereuses, ayant des actions qui ont généré des plaintes ou des procès, on pourra se méfier davantage» lors de l’intervention.
Dans le Puy-de-Dôme, «les gendarmes ne s’attendaient pas à une résistance de ce type. Aujourd’hui, après deux affaires qui se sont succédé, ils sont beaucoup plus méfiants et font venir beaucoup plus tôt les forces spéciales, plutôt que se lancer dans une aventure», estime Jean-Pierre Bastié.
«Ça ne pas va rentrer dans le cadre de la nouvelle loi qui recenserait les armes à profil militaire. Puisque [l’AR-15, ndlr] n’était pas une arme transformée, mais une arme civile fabriquée d’emblée pour un calibre civil», détaille le président de l’UFA.
«Le danger est dans l’intention, non dans l’arme», souligne notre interlocuteur. Il rappelle qu’en France, «il y a 100 fois plus d’agression avec un couteau de cuisine ou un objet ménager qu’avec une arme à feu», bien qu’il soit plus spectaculaire pour la presse de «mettre en avant une arme à feu plutôt qu’un rouleau à pâtisserie».