Indépendance de la Nouvelle-Calédonie: la Chine va-t-elle remplacer la France?

© AP Photo / Thibault Camus Emmanuel Macron et Xi Jinping à Paris en 2019
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Les conséquences du oui et du non lors du troisième référendum d’autodétermination du 12 décembre sont désormais connues en Nouvelle-Calédonie. Son indépendance aurait de larges répercussions sur le niveau de vie de sa population, prévient Bastien Vandendyck, spécialiste de la région Pacifique.

1,49 milliards d’euros, c’est la somme que la France a transférée en 2020 à la Nouvelle-Calédonie pour son bon fonctionnement, soit 19% du PIB de l’île. Si le oui à l’indépendance l’emportait au troisième référendum, le 12 décembre, ce mécanisme financier n’aurait «plus de fondement juridique». Il serait «caduc dans l’hypothèse de l’indépendance» selon le document sur les conséquences du oui et du non publié par l’État. Privé de ressources financières et techniques essentielles, l’archipel du Pacifique, s’il se séparait de la France, verrait rapidement son économie et ses compétences régaliennes s’effondrer. Bastien Vandendyck, spécialiste de la géopolitique du Pacifique au sein du cabinet de conseil Vae Solis, le confirme: «La Nouvelle-Calédonie n’a pas les moyens financiers, ni humains ni techniques d’être indépendante et de conserver le niveau de vie qu’elle a aujourd’hui.» Deux scénarios post-référendaires s’offrent alors à elle. Soit l’île reste française et elle «maintient son niveau de vie». Soit elle devient indépendante et elle sera «obligée de s’allier avec un pays tiers» pour «maintenir son niveau de vie». Une seconde hypothèse qui irait à l’encontre même de son indépendance.

La tentation chinoise

Un choix qui, selon le spécialiste, n’est pas clairement explicité par les partisans de l’indépendance.

«Il ne faut pas mentir, dire tout et n’importe quoi. Si vous parvenez à l’indépendance, vous allez payer pour vos soins. Oui, vos enfants auront moins accès à l’éducation. Oui, vous allez être isolés. Oui, votre niveau de vie va baisser. […] C’est la réalité des Fidji, des Vanuatu, des îles Salomon, la réalité des petits pays avec une petite population et de petites richesses.»

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Des petits pays qui n’ont pourtant pas le sous-sol calédonien riche en nickel. Un minerai qui intéresse tout particulièrement la puissance montante dans la région, la Chine. Si le Caillou indépendant décidait d’établir un grand partenariat avec Pékin, cela signifierait notamment l’augmentation des exportations de son nickel vers l’empire du Milieu, déjà client à hauteur de 55% en 2019. Moteur essentiel de la croissance de l’île, cette matière première représente un emploi sur quatre dans le secteur privé. Très prisé, le nickel entre dans la composition d’armes, de l’acier inoxydable et des batteries de voitures. Mais notre interlocuteur est pessimiste sur l’avenir de cette filière qui ne vaut plus que 6% du PIB de la Nouvelle-Calédonie contre 30% dans les années 1970. «On en fait des tonnes sur le nickel calédonien», mais actuellement celui-ci se situe dans une «situation très compliquée», engendrée notamment par la volatilité des cours, estime-t-il.

Le nickel peut-il alors favoriser l’indépendance? Si la Chine est rarement mentionnée, elle est présente dans tous les esprits. «Ce serait la seule puissance capable de financer au même niveau que la France», justifie le spécialiste, auteur à l’IRIS de l’étude «Deuxième référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie: horizons incertains». Sauf que, au contraire de Paris, Pékin a sa propre stratégie déjà à l’œuvre dans le Pacifique, au Vanuatu et en Papouasie Nouvelle-Guinée. Ce sont les nouvelles routes de la soie.

«La Chine ne financerait pas un système social comme le fait aujourd’hui la France, juge Bastien Vandendyck. La Chine n’ouvrirait pas ses universités aux étudiants de Nouvelle-Calédonie ou très peu. La Chine a des rapports très commerciaux avec les pays. Ensuite la Chine prend l’avantage parce que les rapports commerciaux bilatéraux sont disproportionnés. On le voit en Afrique ou même en Europe, au Monténégro.»

Pékin deviendrait plutôt un «partenaire des indépendantistes» qui le perçoivent comme une possibilité alternative de développement économique.

L’indépendance, scénario catastrophe?

Au-delà des montants versés pour l’administration, la France a également investi des «centaines de millions, voire des milliards» d’euros dans le nickel. Résultat: «gabegies et échecs industriels comme l’usine du Nord».

​Même au sein d’un futur partenariat avec Paris, il est certain que «Bercy ne mettra pas du tout autant d’argent». Des sommes auxquelles il faut ajouter les volontés de départ de nombreux fonctionnaires et autres Français de l’île, des effectifs qui seraient compris entre 10.000 et 70.000 personnes selon une étude récente.

«On ne peut pas dire aujourd’hui à l’État français “va-t’en”, parce que c’est ça qu’on lui dit quand on veut prendre son indépendance, et “laisse-moi ta nationalité, laisse-moi ton argent et tes compétences techniques”.»

L’erreur de l’État français dans les négociations récentes, c’est d’avoir répondu trop «tardivement à ces questions» essentielles pour l’avenir du territoire, estime Bastien Vandendyck. En cas de traité pour mettre en place l’indépendance, le document sur les conséquences du oui et du non précise très clairement que la «conservation de plein droit de la nationalité française et de la binationalité» ne pourrait être généralisée à toute la population. «Il y aura d’ailleurs très peu de doubles nationalités, voire aucune», prédit ainsi le spécialiste. Sauf que, longtemps, les partisans de l’indépendance ont défendu la possibilité d’obtenir à la fois l’indépendance et la double nationalité.

«Les Kanaks ne sont pas anti-France, ils sont pro-indépendance, c’est-à-dire qu’il y en a beaucoup qui sont attachés à la nationalité. Mais ils sont lucides aussi, ils savent que [la double nationalité] va leur permettre d’être soignés gratuitement, pouvoir faire des études en France et ne rien payer, leur donner accès à Erasmus, etc.»

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En cas de victoire du oui, la France changerait donc son fusil d’épaule, en priorisant les autres territoires français dans le Pacifique, à savoir Wallis-et-Futuna et la Polynésie française. La possibilité de laisser une base militaire en Nouvelle-Calédonie? Même cette hypothèse qui pourrait se révéler une source de revenus non négligeable pour Nouméa pourrait tomber à l’eau, car l’Australie aurait proposé à la France d’accueillir gracieusement une base. «Ceux qui décident en la matière, c’est Bercy, et autant vous dire que les choses seront vite réglées.»

Une majorité des Calédoniens «souhaitent rester français»

Ainsi, la dynamique électorale reste du côté des partisans de l’indépendance. Le 8 juillet, pour la première fois depuis 1998 et l’accord de Nouméa, ceux-ci ont pris la tête du gouvernement collégial. Le succès des partisans d’une Nouvelle-Calédonie française avec 53,3% au référendum du 4 octobre 2020 ne peut pas occulter le progrès de trois points des indépendantistes par rapport à 2018. Mais Bastien Vandendyck n’y croit pas, estimant qu’une majorité des Calédoniens «souhaitent rester français». Mais aussi à la lumière des récents troubles.

«Entre les cinq mois de vacances du gouvernement, le conflit à l’usine du Sud, le document oui/non pour le gouvernement, tout cela fait dire aux gens que la Nouvelle-Calédonie n’est pas prête pour le moment à l’indépendance. Elle le sera peut-être dans cent ans, mais je crois que le non à l’indépendance va l’emporter le 12 décembre. Les deux seuls variants à gérer, c’est de ne pas générer de trop fortes tensions et de réfléchir tout de suite à la création d’une architecture institutionnelle entre la Nouvelle-Calédonie et la France.»
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