«En cas d’élection de Joe Biden, on peut légitimement penser qu’il y aurait une détente, mais pas une annulation de ces tensions. Que ce soit Joe Biden ou Trump qui remporte les élections, in fine, la Chine restera non pas un ennemi, mais un adversaire pour les États-Unis.»
Bastien Vandendyck est lucide quant à l’avenir des relations sino-américaines avec la probable élection de Joe Biden. Analyste en relations internationales et spécialiste de la géopolitique du Pacifique, celui-ci considère que la Chine a été «la cible prioritaire de Donald Trump» durant ses quatre années de mandat, notamment avec la guerre commerciale lancée par le locataire de la Maison-Blanche et l’interdiction de Huawei sur le territoire américain.
C’est pourtant le Démocrate Barack Obama qui a mis en place cet antagonisme avec son «pivot asiatique», c’est-à-dire le rééquilibrage de la politique américaine vers une région jugée prioritaire face à la montée en puissance chinoise: «Les États-Unis ont toujours besoin d’une entité antagoniste dans leurs relations internationales et aujourd’hui, c’est la Chine.» Signe de ces tensions, le cas emblématique de l’Australie, qui est un allié proche de Washington depuis des décennies et qui ne craint plus de s’aliéner la Chine, pourtant partenaire économique majeur.
L’Australie impuissante face à l’expansion chinoise?
Après avoir soutenu en avril la mise en place d’une enquête internationale sur l’origine du coronavirus, Canberra s’est vu imposer des sanctions commerciales par Pékin sur les importations de bœuf et d’orge. Un embargo sur charbon australien est également à l’étude par la diplomatie chinoise. Alors que les économies des deux pays sont interdépendantes, le fossé politique grandissant entre les deux capitales s’explique aussi par la volonté chinoise d’élargir son influence dans le Pacifique.
«L’influence chinoise ne se développe pas comme l’influence occidentale, qui a des canaux privilégiés auprès des gouvernements ou des institutions. L’influence chinoise se développe très souvent de la même manière, elle noyaute l’économie pour ensuite irriguer les réseaux politiques. C’est ce qu’elle a fait en Papouasie–Nouvelle-Guinée, c’est ce qu’elle a fait aux Fidji, c’est ce qu’elle fait au Vanuatu, c’est ce qu’elle fait partout ailleurs, notamment en Afrique.»
Une politique d’expansion dans la droite ligne des Nouvelles Routes de la Soie, la stratégie d’influence politique et économique impulsée par Xi Jinping. Selon le géopoliticien, la Chine poursuit trois objectifs dans le Pacifique: la réduction des soutiens à Taïwan, la sécurisation des approvisionnements en matières premières et l’expansion de son hégémonie. Ces deux derniers points entrent en confrontation directe avec les ambitions australiennes, similaires dans la région. Ce qui explique l’exclusion de Huawei du marché de la 5G sur le territoire national, à l’instar du parrain américain, et la participation à des manœuvres militaires début novembre avec l’Inde, le Japon et les États-Unis au sein du QUAD (Quadrilateral Security Dialogue).
L’alliance entre l’Australie et la France
Pour se défendre de l’influence chinoise, Canberra s’est rapproché de la France, également confrontée aux velléités chinoises. C’est dans ce cadre que le plus gros contrat militaire français a été signé avec la marine australienne en 2019, avec l’achat de 12 sous-marins pour un montant de 31 milliards d’euros. La victoire des anti-indépendantistes au second référendum du 4 octobre en Nouvelle-Calédonie a conforté la position française dans le Pacifique.
«Le Pacifique, c’est le futur centre des relations internationales du monde, c’est le laboratoire des relations sino-américaines, c’est là où se font face les deux plus grandes puissances du monde actuelles. En qualité de grande puissance diplomatique et historique, la France souhaite aussi faire partie demain de cette opposition et souhaite donc s’investir dans la région et elle a pour meilleur partenaire l’Australie.»