L’activité du secteur manufacturier en Chine du mois d’octobre a atteint un niveau record depuis dix ans sous l’effet de la demande intérieure, selon les conclusions d’une enquête privée. Après les chiffres publiés le 19 octobre d’une croissance du pays au troisième trimestre évaluée à 4,9%, la dynamique de l’économie chinoise semble s’être tout à fait remise des conséquences de la crise sanitaire. À tel point que Pékin devrait être le seul pays du G20 à parvenir à une croissance positive en 2020, que le Fonds monétaire international (FMI) estime à 1,9%. Oui, car l’embellie de l’été pour les Européens aura été de courte durée avant un automne noir, ravagé par la deuxième vague. Après l’un des plus gros reculs hebdomadaires depuis mars à la Bourse de Paris, l’exécutif français a annoncé le 30 octobre prévoir une contraction du PIB de 11% sur l’ensemble de l’année 2020, contre -10% prévu jusqu’alors. Alors que la France comptabilise plus de 35.000 victimes du Covid-19 et que les États-Unis en déplorent 230.934, la Chine accuse pour le moment moins de 5.000 décès et les rares cas encore détectés proviennent de l’étranger.
L’absence de deuxième vague en Chine
Souffrant d’une image écornée en Occident du fait de l’origine du coronavirus, du traitement des Ouïghours, de la répression à Hong-Kong et de l’agressivité de ses diplomates, la Chine a pourtant réussi à tirer son épingle du jeu sur le plan sanitaire et économique. Interrogé par Sputnik, Jean-François Di Meglio, président de l’institut de recherche Asia Centre, estime qu’un des facteurs les plus déterminants de ce rebond chinois est l’absence de deuxième vague.
«Tous les pays connaissent plusieurs vagues de pandémie. Et il est objectif, il n’y a rien à dire, on ne peut absolument pas contester cela. La Chine ne connaît pas de deuxième vague de pandémie, ce qui explique aussi considérablement le rebond. C’est aussi une limite parce que s’il n’y a pas de deuxième vague de pandémie, si on est dans un monde normal, finalement le rebond devrait être plus élevé que 4%. Ce chiffre nous montre simplement que l’économie chinoise reste extrêmement dépendante de tout ce qui se passe dans le reste du monde.»
La relance de l’activité a été permise en Chine grâce à des «confinements stricts, des tests de dépistage à grande échelle et un suivi des cas contacts», a relevé pour l'AFP l'analyste Ting Lu, de la banque d'affaires Nomura. 55 jours de confinement ont été imposés en France contre 90 jours en Chine, notamment à Wuhan, rappelle Di Meglio.
«La pandémie a été reconnue le 23 janvier en Chine. Il faut rappeler que le confinement en France date du 16 mars. Il y a systématiquement une avance qu’on évalue à deux mois de tout ce qui se passe en Chine par rapport à ce qui se passe dans les autres pays.»
Le président d’Asia Centre évoque pour Sputnik des facteurs supplémentaires de ce rebond, spécifiques à la Chine.
Digitalisation et étatisation, les deux mamelles de la Chine
Dans un long article, France 24 s’interroge sur le gonflement relatif des chiffres officiels et remet en cause leur transparence, citant la spécialiste de l’économie chinoise Mary-Françoise Renard, «car on ne sait pas comment précisément elles sont construites».
Une incertitude qui ne contredit pas toutefois la tendance selon laquelle l’économie chinoise «tourne à nouveau». La reprise de la consommation intérieure est un indice relevé par Jean-François Di Meglio qui indique celle-ci est fortement «digitalisée». Représentant un «accélérateur de rebond», «la digitalisation considérable de l’économie chinoise» a permis de faire face plus rapidement à la crise, contrairement aux économies occidentales plus dépendantes de la consommation:
«En termes de consommation, l’économie chinoise est ventilée très différemment de la nôtre. C’est une économie avant tout d’investissement, dans laquelle la consommation représente entre 20 et 30% de la croissance, par opposition à 50-60% chez nous, et où la consommation ne représente pas 30% du PIB alors que chez nous, ça peut être 60- 70 %.»
Autre raison décisive, le poids de l’État dans l’économie chinoise. Depuis la crise, en Occident, l’État a tenté de reprendre la maîtrise de l’économie, avec l’injection massive de liquidités, des subventions massives aux secteurs en difficultés, avec l’exemple du chômage partiel en France.
«En Chine, l’État est déjà présent dans l’économie. Donc il dispose de tous les leviers pour relancer l’économie et il le fait.»
Il cite ainsi d’importants programmes d’investissements et de grands travaux. Mais attention, il s’agit pour la Chine de chiffres «légèrement inférieurs à ce qu’on aurait pu attendre», relève le président d’Asia Centre, qui s’attendait à 5,5% de croissance au troisième trimestre. Car ce qui est une force dans cette crise, l’étatisation et la planification, lui donnent «une capacité à réagir» mais cela peut devenir une limite. En effet, cela ne lui procure pas non plus «une élasticité aussi forte que ce que l’on peut observer dans l’économie américaine».
«Ce qu’on observe aux 2e et 3e trimestres, par opposition à tout ce qui avait précédé immédiatement à la pandémie, c’est un retour à une forme d’économie chinoise semblable à ce qu’on avait il y a 4 ou 5 ans, c’est-à-dire une machine à exporter, avec une très forte part des exportations dans la croissance. Évidemment pas en direction des USA comme c’était le cas auparavant, avec la guerre commerciale, mais des exportations vers l’Union européenne et vers toute l’Asie.»