«40% du personnel infirmier a donné sa démission», affirmait sur RMC le chef de la réanimation à l’hôpital Lariboisière. L’annonce d’Emmanuel Macron de l’obligation pour les soignants de se faire vacciner a fait naître la crainte de voir l’hôpital déserté par ses troupes à la veille d’une éventuelle quatrième vague.
«On est assez agacés d’être montrés du doigt par le gouvernement, qui utilise les soignants pour avancer les contraintes à l’encontre de l’ensemble de la population», s’insurge Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI), au micro de Sputnik.
Pour le syndicaliste, cette incitation à la vaccination et ces menaces sont «mal perçues, parce que 91% des soignants sont déjà vaccinés, selon les chiffres de Santé publique France publiés le 20 mai.»
«Les chiffres cités par le gouvernement pour sa communication correspondent aux données de la Médecine du Travail des hôpitaux. Ce sont des données forcément incomplètes, qui ne prennent pas en compte le fait que beaucoup des soignants sont intervenus dans des centres de vaccination comme bénévoles et en ont profité pour se faire vacciner», explique Thierry Amouroux.
Les soignants, «de héros à zéros»?
Toutefois, la vague de départs n’aurait, selon le porte-parole du SNPI, «rien à voir avec les vaccinations». En réalité, elles s’avèrent liées «aux conditions de travail».
«Depuis juin, il y a une vague de fond, parce que jusque-là, avec les plans blancs, on ne pouvait pas demander sa mutation, d’indisponibilité ou donner sa démission. En juin, juillet et août, c’est le festival! Il y a beaucoup de départs», confirme M. Amouroux au micro de Sputnik.
«[En cause, ndlr], le décalage entre le métier qu’ils souhaitaient faire et ce que demandent les directions dans une logique industrielle de tarification à l’activité. Le cœur du métier d’infirmier est l’accompagnement des personnes, l’écoute, l’éducation à la santé et l’éducation thérapeutique. On veut être infirmier à l’hôpital et non un technicien spécialisé dans une usine à soins», déplore Thierry Amouroux.
Et le syndicaliste prédit l’aggravation de la situation, parce que «le gouvernement continue à fermer des lits et à supprimer des postes.»
Des démissions, oui, mais déjà planifiés
Sylvie, l’infirmière de nuit, décrit son traumatisme causé par la première vague de la pandémie, quand son service «s’est retrouvé avec plus de 50% de malades du Covid.» Assister à autant de décès, «ça laisse des traces», souffle-t-elle. Et elle n’a pas de mots assez durs vis-à-vis de la politique sanitaire française.
«Olivier Véran veut absolument fêter l’anniversaire du “Ségur de la Santé” [le 21 juillet, ndlr]. Mais nous demandons: fêter quoi? Tout ce qu’on nous a promis, on ne l’a pas eu, à part 183 euros d’augmentation», détaille l’infirmière.
«Depuis le Ségur, les gens partent. On n’engage plus de personnel. Dans notre hôpital, il y avait un service d’hématologie adulte de nuit avec 10 personnes. En octobre, il n’en restera qu’une. Le service va fermer et les gens de jour seront sollicités pour avoir des horaires aménagés», détaille l’infirmière de nuit.
Ainsi, même si la vaccination ne provoquerait pas forcément d’hémorragie de personnel, la charge de travail qui pèse sur les employés augmente constamment. «Les gens travaillent dans des conditions pas possibles, ils dépriment, ils sont en burnout, ils sont clos au lit. Ils s’en vont pour travailler dans une autre région, près de leur famille ou pour changer de métier, ne plus mettre les pieds à l’hôpital ni être soignant», s’insurge Sylvie.
Les soignants «veulent se faire vacciner», «ils n’ont pas le choix»
Créé il y a deux ans, le Collectif Inter-Hôpital et Inter-Urgences, que Sputnik a rencontré lors de différentes manifestations de médecins, ne baisse pas non plus la garde.
«Par contre, la manière dont Emmanuel Macron a annoncé les choses –“la vaccination obligatoire, sinon tu ne bosses plus”– pousserait quelques-uns à partir. Il y en aura très peu, quelques personnes par hôpital, mais il y en aura», avertit Sylvie.
Elle assure être au courant de «très peu de gens qui n’ont pas étés vaccinés à Paris.» Cette activiste, connue dans le milieu, soutient que «la majorité des gens non vaccinés veulent se faire vacciner.»
«Ils n’ont pas le choix. Ils ne veulent pas perdre leur boulot. En plus, ils ne pourront aller bosser nulle part. Sans parler du fait qu’ils ne pourront même pas aller faire leurs courses au supermarché [sans le pass sanitaire, ndlr]», déplore l’infirmière.
En dehors des infirmières et aides-soignants qui ne veulent pas se faire vacciner, influencés par le «le discours habituel des antivax», il y a ceux qui veulent attendre le vaccin Sanofi.
«Je pense que s’il y avait le vaccin Sanofi, il aurait plus de volontaires pour la vaccination. Il est promis pour la fin de l’année 2021, mais avec les annonces, on n’a plus le temps d’attendre», conclut l’infirmière.