Le Président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui fait toujours face à une crise politique profonde dans son pays, a nommé ce 30 juin Aïmene Benabderrahmane au poste de Premier ministre, à la suite d’élections législatives largement boycottées par la population algérienne.
L’ancien ministre des Finances, qui prend la place d’Abdelaziz Djerad, devra «poursuivre les consultations avec les partis politiques et la société civile pour former un gouvernement dès que possible», explique un communiqué de la présidence algérienne. Surtout, il devra tenter d’apaiser les tensions entre le pouvoir et la population algérienne, en conflit politique ouvert depuis le début du Hirak, en février 2019.
Selon le géopolitologue algérien Yahia Zoubir, professeur en relations internationales à la Kedge Business School, cette nomination, au moins sur le plan symbolique, peut être un premier pas vers une possible paix sociale.
«Cette nomination de l’ancien ministre des Finances atteste qu’au plus haut niveau, il y a une prise de conscience de la nécessité de redresser l’économie pour retrouver une forme d’unité dans le pays», estime-t-il.
«Nécessité d’unicité à l’intérieur du pays»
Une prise de conscience qui découlerait avant tout d’un raisonnement géopolitique: «L’Algérie est menacée à l’est par l’instabilité en Libye, au sud par la crise au Sahel et à l’ouest par sa confrontation froide avec le Maroc.»
«Pour faire face à ces menaces, le pouvoir a compris la nécessité d’unicité à l’intérieur du pays», estime le chercheur.
Si les revendications du Hirak sont politiques, centrées sur le renouvellement de la classe dirigeante, elles résultent aussi d’une crise économique et sociale majeure, aggravée par une la double peine de la pandémie de coronavirus et de la baisse des prix du pétrole. Un dernier point qui a particulièrement affecté le pays, toujours très dépendant de cette rente. Les exportations d’or noir, qui représentent 60% du budget de l’État, ont plongé de 41% en 2020.
Dans le même temps, près d’un quart des jeunes Algériens sont au chômage, tandis que le taux pour la population active oscille autour des 15%. À cela s’ajoutent des problèmes endémiques de corruption et une bureaucratie lente et opaque, qui décourage l’entrepreneuriat et la diversification économique.
Jeune technocrate «hors du jeu des partis»
Pour faire face à ces nombreux défis, Yahia Zoubir estime que le choix d’Aïmene Benabderrahmane pourrait être judicieux.
«En nommant un technocrate assez jeune, habitué à traiter les questions économiques et hors du jeu des partis, le Président Tebboune envoie un message fort d’une priorisation vers l’économique et le social», précise notre interlocuteur.
Issu de l’École nationale d’administration, le nouveau chef de gouvernement n’a de surcroît que récemment lancé sa carrière politique. Entré aux responsabilités en novembre 2019 au poste de gouverneur de la Banque d’Algérie pour assurer un intérim, il a toujours connu des responsabilités dans la fonction publique. Le technocrate a ensuite été nommé ministre des Finances au sein du gouvernement Bedoui II. Il a occupé ce poste de juin 2020 jusqu’au 30 juin de cette année.
Bilan mitigé pour Abdelaziz Djerad
Âgé de 54 ans, Benabderrahmane n’est pas un «vieux dinosaure» des partis. Ce qui se révèle être une force plutôt qu’une faiblesse à l’heure actuelle en Algérie. Il n’est, par exemple, pas aussi «attaquable» que pouvait l’être son prédécesseur, Abdelaziz Djerad, membre du comité central du Front de libération nationale, le parti présidentiel.
Le chef de l’État a toutefois remercié son ex-Premier ministre pour avoir dirigé le gouvernement «dans des conditions difficiles», notamment en raison de la pandémie de Covid-19. Un au revoir courtois donc, malgré les critiques passées à l’encontre de son ancien Premier ministre. En janvier 2021, il avait publiquement exprimé son insatisfaction devant l’inaction de son gouvernement.