Amie ou ennemie? Alors que les Occidentaux pointent régulièrement du doigt la Chine et que Joe Biden a placé sa tournée européenne sous le signe du ralliement contre Pékin, la France accueille à bras ouverts 2 milliards d’euros d’investissements en provenance de Chine. Officialisée le 28 juin, cette manne est plus que bienvenue dans la région des Hauts-de-France, dont le tissu industriel est sinistré. S’installera donc une «gigafactory» de batteries pour véhicules électriques à proximité immédiate de l’usine Renault de Douai. La création de 2.500 emplois, à l’horizon 2030, en est la clé de voûte.
Ces accusations s’ajoutent aux habituels discours de dénigrement des Occidentaux à l’encontre de la Chine, sur fond de dumping social, de sous-évaluation du yuan ou encore au nom de la lutte contre le dérèglement climatique. Pourtant, ce tableau noir semble être enterré par les leaders politiques européens dès lors que l’argent de Pékin coule sur leur sol, comme à l’occasion de ce contrat pour lequel Emmanuel Macron a fait le déplacement à Douai.
«On a l’impression que le discours antichinois forcené depuis quelques années en Occident qui, sous la houlette de Biden, atteint aujourd’hui son apogée, ne résiste pas beaucoup à la réalité des faits», tranche au micro de Sputnik l’économiste Jean-Paul Tchang, spécialiste de la Chine.
Rappelant que les griefs de Washington contre Pékin ne sont pas les mêmes que ceux des chancelleries occidentales, ce spécialiste de la Chine estime que le principe de réalité ne peut que prévaloir face aux tenants d’une ligne plus idéologique.
«On ne peut pas continuer à pratiquer des relations internationales uniquement sur un ton agressif: des sanctions, des sanctions, des sanctions», estime-t-il, rappelant notamment les effets contre-productifs pour les agriculteurs français des sanctions européennes contre la Russie.
«Un spectacle d’incohérence»
«La France a besoin d’investisseurs étrangers», relativise Jean-Paul Tchang. Ce dernier souligne ainsi que les sanctions européennes sont le fruit du Parlement, alors qu’au niveau des chefs d’État du Vieux Continent, le Président français et la Chancelière allemande avaient mis tout leur poids dans la balance fin 2020 afin de conclure l’accord UE-Chine sur l’encadrement des investissements.
«Que cela soit Angela Merkel ou Emmanuel Macron, ils savent bien qu’on ne peut pas se permettre de se couper d’une relation économique ou financière avec la Chine», insiste l’économiste. «On a beau dire qu’on se range du côté des Américains, on ne peut pas aller dans les mêmes extrémités qu’eux.»
Pour autant le mal est fait: pointer du doigt la Chine tout en plébiscitant ses fonds, «cela donne une apparence d’incohérence totale dans la communication». Cette «incohérence», apparente, de la ligne de certaines chancelleries européennes concernant Pékin pourrait notamment s’illustrer à travers le discours de Jean-Yves Le Drian. Le 18 juin, le chef de la diplomatie française défendait ainsi la nécessité d’adopter une posture «diversifiée» à l’égard d’une Chine perçue tant comme un compétiteur qu’un partenaire sur le plan économique, ou qu’un adversaire en matière de «modèle politique».
Le rapprochement peut paraître exagéré entre un fabriquant de batteries pour véhicules électriques et un géant qui allait imposer ses normes dans un domaine hautement stratégique où il y a encore deux décennies les Européens régnaient alors en maîtres, mais «on ne peut rien exclure dans la folie idéologique», concède notre intervenant.