Eurodéputés sur liste noire: l’UE «cherche à se donner le monopole de la vertu démocratique», riposte un élu RN

© AFP 2024 Frederick Florin Parlement européen
Parlement européen - Sputnik Afrique, 1920, 29.06.2021
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Le Parlement européen a sanctionné huit eurodéputés pour avoir participé à des missions d’observation électorale en Russie, au Kazakhstan et au Venezuela. Des pays qui n’ont pas les faveurs de la diplomatie européenne. Un glissement qui inquiète deux des eurodéputés incriminés, Hervé Juvin et Leïla Chaibi. Entretien croisé.

«De quoi parle-t-on exactement?» Deux jours auparavant, Hervé Juvin, député européen du Rassemblement national, a perdu les élections régionales dans les Pays de la Loire, où il était tête de liste. Il n’a guère la tête à se préoccuper de la sanction de Bruxelles le concernant et il nous en demande confirmation. Avec sept autres eurodéputés, celui-ci a été placé sur une «liste noire» du Parlement européen, l’excluant de toute mission d’observation électorale officielle pour un an.

Les faits qui leur sont reprochés? S’être prévalus de leur qualité de député européen dans des scrutins que le Parlement européen n’a pas reconnus. C’est le cas des élections en Crimée et au Kazakhstan pour cinq députés du Rassemblement national, mais aussi au Venezuela et en Équateur pour trois autres députés de la gauche européenne. Rappelons que Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, a annoncé le 22 février des sanctions contre Caracas et Moscou. Après le Conseil européen qui a refusé de dialoguer directement avec la Russie, le Parlement européen blackliste désormais toute voix alternative à la diplomatie promue par Bruxelles. Une «décision politique» du Parlement européen, s’inquiète Hervé Juvin.

Des sanctions très orientées

Et l’eurodéputé, tête pensante de l’écologisme du Rassemblement national de renchérir, estimant que cette annonce participe d’une «dégradation rapide des relations» que l’Union européenne entretient avec «son étranger proche». Il évoque certains pays à l’intérieur de l’UE, comme la Hongrie. C’est également vrai vis-à-vis de la Russie et certains pays d’Asie centrale. «Ce durcissement des relations n’est pas un bon signe», s’alarme-t-il, replaçant ces sanctions dans un contexte plus large.

«Le vrai débat, c’est que l’Union européenne et un certain nombre d’alliés cherchent à se donner le monopole de la vertu démocratique et affirment qu’ils représentent la liberté, le respect de la volonté des peuples et du suffrage universel alors que les pays rivaux ne les respectent pas. Nous constatons chaque jour l’inverse au Parlement européen, que la volonté des peuples est bafouée au nom de prétendues valeurs européennes, en réalité au nom d’une mise en conformité à l’agenda globaliste et mondialiste.»

L’homme politique français ne se prive pas de tacler au passage les dysfonctionnements constatés lors des élections régionales et départementales. Il pointe l’envoi très tardif des professions de foi des candidats, les bureaux de vote qui n’ont pas pu ouvrir «faute d’assesseurs» et les «conditions acrobatiques» du dépouillement. «J’aurais aimé que des observateurs de l’Union européenne se prononcent», ironise-t-il.

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Mais l’UE a d’autres priorités: celle de sanctionner très officiellement des députés pour avoir assisté à des élections à l’étranger, en mission non officielle. C’est le média anglophone spécialisé EU Observer qui a révélé le 28 juin la mise en place de cette mesure émanant d’une commission de du Parlement européen, le groupe de coordination pour les élections et le soutien à la démocratie (DEG). Selon celui-ci, de «fausses missions» d’observation électorale ont été menées par cinq eurodéputés du RN: Virginie Joron, Hervé Juvin, Jean-Lin Lacapelle, Thierry Mariani et Philippe Olivier, lors du référendum constitutionnel russe de juillet 2020 en Crimée.

Régionales: «j’aurais aimé que des observateurs de l’UE se prononcent!»

Un territoire russe que les instances européennes ne reconnaissent toujours pas comme tel. C’est aussi la venue de Thierry Mariani au Kazakhstan pour les élections législatives en janvier 2021 qui a déplu aux instances européennes. L’un de ses collègues, Fulvio Martusciello, eurodéputé et membre du PPE, s’est aussi rendu à Noursoultan à la même période. Il n’aurait reçu pourtant qu’un simple avertissement.

Un deux poids, deux mesures que fait remarquer ironiquement dans Le Point Thierry Mariani, soulignant la proximité partisane de Fulvio Martusciello avec le groupe de coordination pour les élections. L’ancien sénateur Yves Pozzo di Borgo a apporté son soutien à Mariani sur Twitter, arguant de la liberté politique des parlementaires.

​Citée par EU Observer, Stefanie Schiffer, responsable de l’ONG European Platform for Democratic Élections, dénonce les invitations tous frais payés par des «gouvernements autocratiques» de ces eurodéputés, qui seraient ainsi corrompus pour affirmer que les votes y sont «libres et équitables». Celle-ci a pris part au débat organisé la semaine précédente par le DEG.

Transparente, l’ONG affiche ses plus importants donateurs sur son site Internet. On y retrouve sans surprise le groupe écologiste (The Greens/EFA) au Parlement européen, la Commission européenne, les gouvernements norvégien et allemand. D’autres contributeurs marquent encore plus clairement l’orientation politique de l’ONG, c’est le cas de la German Marshall Fund of the United States, think tank qui vise à promouvoir les relations transatlantiques, mais surtout de l’Open Russia foundation, dirigée par l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski, condamné à dix ans de prison en Russie pour fraude et évasion fiscale.

Derrière les accusations, une ONG «financée depuis l’étranger»

Selon cette ONG assez particulière, 5.000 «faux observateurs» auraient été invités en Russie pour la dernière élection présidentielle en 2018. Les accusations de Stefanie Schiffer vont même très loin: «c’est souvent une passerelle vers la corruption, via des cadeaux financiers ou même des jeux de séduction [sexuelle], qui plus tard crée des réseaux corrompus dans les institutions européennes», a-t-elle déclaré dans le site spécialisé.

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Si Thierry Mariani a menacé de poursuivre en diffamation les auteurs de ces accusations, son collègue Hervé Juvin répond à Sputnik n’avoir «jamais rien constaté de tel». Et quant au rôle des ONG «financées depuis l’étranger» au sein de l’UE, il est «bien connu et ne mérite pas davantage de commentaires». Un tacle à peine voilé contre les organisations de la galaxie Soros, bête noire des mouvements populistes à travers l’Europe, qui a notamment financé le Conseil de l’Europe à hauteur de 1,4 million d’euros entre 2004 et 2013, mais aussi la Cour Pénale internationale en 2017 avec un don de 115.000 dollars, selon des chiffres du directeur de l’European Center for Law and Justice, le docteur en droit Grégor Puppinck.

D’ailleurs, l’eurodéputé ne cache pas que son séjour d’observation électorale officieux avait été financé par la Russie, «à ma connaissance», dit-il. D’ailleurs, s’il a eu l’occasion de visiter plusieurs bureaux de vote, il minimise la portée de ces vérifications, officieuses ou officielles:

«Ces visites d’inspection n’ont qu’une portée très limitée puisqu’elles ne nous permettent pas de vérifier ni les listes de votants, ni l’identité de ceux qui votent, ni les conditions du dépouillement. Mais à ma connaissance, c’est ce qu’il se passe dans toutes les missions d’observation.»

Après les cinq députés du Rassemblement national, le Parlement européen a inscrit aussi sur sa liste noire trois parlementaires du groupe Gauche unitaire européenne/Nordic Green Left (GUE/NGL), les Irlandais Clare Daly et Mick Wallace ainsi que l’Espagnol Manu Pineda, pour s’être rendus en mission d’observation électorale en Équateur et au Venezuela.

Un avertissement pour un tweet

À l’instar de Fulvio Martusciello, deux autres eurodéputés du groupe GUE/NGL ont reçu un avertissement, l’Espagnole Idoia Villanueva Ruiz et de la Française Leïla Chaibi sont dans le collimateur. «Moi, ce qui m’a embêté dans l’histoire, c’est surtout d’être mêlé aux députés du Rassemblement national», affirme cette dernière au micro de Sputnik.

Présente pour le scrutin présidentiel en Equateur en avril 2021, celle-ci estime avoir été très vigilante concernant son impartialité de façon à ne «pas laisser penser que l’on représente le Parlement européen». Elle le dit, «ce n’était pas une mission officielle», elle s’y est rendue en tant que membre de son groupe politique afin de participer à la «consolidation démocratique».

Leïla Chaibi en veut pour preuve que son favori, Andrés Arrauz, a perdu face au nouveau Président de droite, Guillermo Lasso. Elle admet toutefois une erreur. «J’ai fait une connerie qui n’est pas à refaire», répondre à un commentaire toujours visible sur Twitter, se targuant d’être envoyé officiellement par Bruxelles. Une mission d’observation électorale payée sur son enveloppe de députée européenne, affirme-t-elle. Si elle est révoltée contre ces accusations «pour un tweet, certes déplacé», elle préfère ne pas accuser, comme le fait Hervé Juvin, les biais idéologiques de ces sanctions et avertissements. «Je ne l’espère pas», appelant à ce stade à ne pas tirer «de conclusions hâtives».

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