C’est une nouvelle qui pourrait transformer le paysage politique au Québec. Le 16 juin dernier, la députée Claire Samson était expulsée de la Coalition Avenir Québec, le parti du Premier ministre François Legault, pour avoir fait un don au Parti conservateur du Québec. Deux jours plus tard, elle annonçait qu’elle se joignait aux Conservateurs québécois, une formation opposée aux mesures sanitaires «abusives».
«C’est un grand jour pour ceux et celles qui souhaitent une plus grande diversité au sein de notre Parlement. C’est un grand jour aussi dans l’histoire du Parti conservateur du Québec. Cela fait quand même huit décennies que ce parti est absent de l’Assemblée», s’est réjoui son chef Éric Duhaime, lors de son premier point de presse dans l’enceinte du Parlement.
Premier point de presse car l’obtention d’une députée «transfuge» permettra à Éric Duhaime de tenir des points de presse réguliers à l’Assemblée nationale, ce qui donnera une plus grande visibilité à son parti. Élu à la tête des Conservateurs québécois en avril 2021, cet essayiste, animateur de radio et ex-conseiller politique reconnu pour sa défense des droits individuels, se présentera comme candidat au scrutin de 2022 dans la grande région de Québec.
«Le gouvernement Legault ne laisse guère de latitude à ses députés»
À notre micro, Claire Samson défend son choix et son nouveau parti. D’entrée de jeu, elle confie à Sputnik que «beaucoup de députés du gouvernement ont émis des réserves» au sujet des mesures sanitaires.
«Le Parti conservateur du Québec se positionne surtout contre les incohérences des mesures sanitaires. Même le gouvernement Legault a reconnu qu’il y avait des incohérences. 3.500 personnes peuvent aller voir un match de hockey au Centre Bell, mais un mariage qui aurait lieu ce week-end ne pourrait pas accueillir plus de 25 invités. […] Je l’ai vu de l’intérieur. Sur le terrain, dans leurs circonscriptions, les députés ont été confrontés à des impacts très concrets du confinement», souligne-t-elle.
Sans surprise, la transition de Mme Samson lui vaut déjà bien des critiques. Comme le journaliste Antoine Robitaille, des observateurs estiment que son passage représente une «vengeance» contre le Premier ministre Legault, qui ne l’a pas choisie comme ministre après son arrivée au pouvoir. Une lecture que la principale intéressée rejette catégoriquement, insistant plutôt, comme son nouveau chef, sur la nécessité d’une plus grande variété de points de vue:
«Le gouvernement Legault ne laisse guère de latitude à ses députés, par exemple en commission parlementaire lorsqu’ils sont appelés à poser des questions.»
«Un dossier qui me tenait à cœur était celui des érablières [établissements consacrés à la production de sirop d’érable, ndlr] qui souffraient beaucoup des interdictions. Le gouvernement était complètement insensible au dossier. On m’a fait savoir que je ne devais plus aborder la question», dénonce l’élue qui finalement a obtenu pour ces établissements le droit à une compensation financière.
Les Conservateurs québécois, un parti en plein essor?
Formation ayant récolté moins de 2% des suffrages en 2018, le Parti conservateur n’a jamais été aussi présent dans les médias que depuis qu’Éric Duhaime en a pris la tête. Selon les données du directeur général des élections du Québec, le mouvement est celui qui peut se targuer du plus grand nombre de donateurs jusqu’à présent pour 2021. Et d’après les informations communiquées à la presse par Éric Duhaime, il compte présentement 15.000 membres, alors qu’il en affichait 700 avant l’élection de son nouveau chef.
Questionné sur le départ de sa députée défectionnaire, le Premier ministre Legault n’a pas souhaité s’étendre sur cette affaire, laquelle brise l’image consensuelle de son parti.
«Dans le cas de Mme Samson, je n’ai pas de commentaires à faire: je lui souhaite bonne chance, puis je souhaite bonne chance à M. Duhaime avec Mme Samson», s’est contenté de déclarer François Legault.
La députée conservatrice assure qu’elle terminera son mandat sous le leadership d’Éric Duhaime et ne ferme pas la porte à une candidature à la prochaine élection. «Les députés de l’Assemblée nationale ne sont pas de simples cheerleaders [majorettes, ndlr] destinées à appuyer la ligne du parti 365 jours par année. Ils devraient avoir plus d’autonomie. C’est aussi notre travail de député que de représenter les gens sur le terrain», insiste Claire Samson.