Partis de Bandar Abbas le 10 mai, deux navires de guerre iraniens, le Makran et la frégate Sahand, ont atteint l’océan Atlantique, a annoncé le 10 juin le contre-amiral Habibollah Sayyari, coordinateur adjoint de l’armée iranienne. Une première pour des vaisseaux de guerre iraniens, qui ont contourné l’Afrique et passé le cap de Bonne-Espérance avant de pénétrer dans l’océan. «Nous considérons notre présence dans les eaux internationales comme un droit stratégique inaliénable de la marine de la République islamique d’Iran, et nous continuerons à suivre cette voie avec la même détermination», a lancé le haut responsable iranien. Sauf que les États-Unis s’en sont mêlés.
Des missiles longue portée, vraiment?
Fin mai, le site Politico révélait l’inquiétude de trois fonctionnaires américains sur la destination de ces deux vaisseaux, «peut-être jusqu’au Venezuela». Selon les photos satellites publiées par plusieurs médias américains, ceux-ci transporteraient sept vedettes rapides similaires à celles utilisées dans le Golfe par les Gardiens de la révolution. Pire, ceux-ci pourraient cacher des missiles, à l’instar des missiles soviétiques installés à Cuba. L’ultime chiffon rouge agité par l’Oncle Sam.
🇺🇸🇻🇪🇮🇷🚨| Le Pentagone surveille en permanence un groupe de navires des IRGC, dont le principal est le navire "Makran" (photo), en route vers le Venezuela. https://t.co/O4Hn3M21C1 pic.twitter.com/fNiqluGhiv
— Casus Belli 📡 (@CasusBellii) June 6, 2021
Lors de son audition devant la commission des Forces armées du Sénat, Lloyd Austin, chef du Pentagone, a donc fait publiquement part de son «inquiétude». Selon l’influent sénateur Démocrate Richard Blumenthal, ces deux navires sont «supposés transporter des armes pour remplir un contrat signé il y a un an entre l’Iran et le Venezuela.» Une commande de missiles longue portée que Caracas aurait passée à Téhéran, a affirmé le parlementaire.
«Si l’Iran expédiait au Venezuela des missiles nucléaires», Maurice Lemoine, spécialiste de l’Amérique latine et ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique, pourrait comprendre la réaction américaine. Mais jusqu’à preuve du contraire, celui-ci ne voit rien de répréhensible dans les relations irano-vénézuéliennes, sachant que Téhéran ne détient pas officiellement l’arme nucléaire. Pour lui, les États-Unis tentent à tout prix de diaboliser ces deux pays, reformant l’un des «Axes du Mal».
«Je n’ai strictement aucune confiance dans les déclarations du Département d’État américain sur ce que peuvent éventuellement transporter ces navires […] Ils [Les Américains, ndlr] passent leur temps à raconter absolument n’importe quoi sur le Venezuela, mais aussi sur l’Iran.»
L’embargo US contourné?
Une éventuelle livraison au Venezuela qui représenterait une «provocation et comprise comme une menace à l’égard de nos partenaires» en Amérique du Sud, a même prévenu un haut responsable américain dans Politico. La doctrine Monroe est toujours bien d’actualité, observe alors Maurice Lemoine.
«Les États-Unis ont décidé d’isoler le Venezuela, mais effectivement, des pays ne jouent pas le jeu, ce sont la Russie et l’Iran. C’est vécu comme une provocation dans la mesure où les USA se prennent pour les rois du monde. C’est aussi caricatural que ça.»
États considérés comme parias par Washington, le Venezuela et l’Iran se sont rapprochés diplomatiquement dans les années 2000 sous l’égide de Hugo Chavez et de Mahmoud Ahmadinejad. Déjà en mai 2020, cinq pétroliers iraniens chargés de 1,5 million de barils de carburant et de dérivés arrivaient au Venezuela, confronté à une grave pénurie d’essence. À l’époque, l’amiral Craig Faller, chef du commandement Sud des États-Unis dans les Caraïbes, déclarait que Washington suivait «avec inquiétude» et condamnait cette livraison d’hydrocarbures.
«Ça n’avait strictement rien de répréhensible. Les pétroliers tentaient de contourner un embargo international criminel sur le Venezuela […] Quand l’Iran expédie de l’essence, c’est une arme de destruction massive aux yeux des Etats-Unis, car cela contourne leurs mesures coercitives unilatérales. Les Etats-Unis ne sont donc pas crédibles», considère l’ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique.