«Le Premier ministre a donné accès à des renseignements de recherche qui incluent des échantillons de virus mortels à l’armée chinoise. Le Premier ministre a créé une situation très dangereuse pour la sécurité nationale canadienne», a accusé Pierre Paul-Hus à l'occasion d'échanges à la Chambre des communes. Le député conservateur était furieux que deux scientifiques chinois aient pu envoyer des échantillons secrets des virus Ebola et Henipah (un virus apparu chez les chauves-souris et potentiellement mortel chez l’homme) au célèbre laboratoire de Wuhan, en Chine, depuis le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg. Les ressortissants chinois ont été écartés du laboratoire manitobain en juillet 2019, et licenciés officiellement en janvier 2021.
Je questionne @JustinTrudeau concernant l’infiltration d’espions chinois dans notre laboratoire de microbiologie top secret, il me traite de raciste!!!
— Pierre Paul-Hus (@PierrePaulHus) May 26, 2021
Trois questions à écouter. Suis-je raciste dans mes questions selon vous ?#polcan #Chine @PCC_HQ pic.twitter.com/4CCqfHwscz
Depuis plusieurs années, le renseignement canadien signale à Ottawa la menace inédite que représente la Chine. En février dernier, le chef du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) lançait un nouvel avertissement:
«Pékin utilise tous les événements, tous les éléments du pouvoir de l’État pour mener des activités qui constituent une menace directe pour notre sécurité nationale et notre souveraineté», avait déclaré David Vigneault.
Lors de récents travaux de la Chambre des communes, le député Pierre Paul-Hus a demandé à Justin Trudeau de dévoiler combien de scientifiques liés à l’État chinois travaillaient dans des laboratoires canadiens. Une question qu’a bien pris soin d’esquiver le Premier ministre fédéral. Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a lui aussi demandé des explications au chef du Parti libéral. La Gendarmerie royale du Canada a ouvert une enquête.
Une collaboration fortement critiquée
Le Laboratoire national de microbiologie est le principal centre de recherche sur les virus au pays de l’Érable. Cette polémique apparaît alors que l’hypothèse de la fuite du Covid-19 depuis l’Institut de virologie de Wuhan est jugée de plus en plus plausible par une partie de la communauté scientifique. Le président américain, Joe Biden, a commandé une enquête destinée à déterminer les origines exactes du virus.
Pour Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur canadien à Pékin (2012-2016), «cette affaire démontre qu’il faut revoir en profondeur la collaboration scientifique entre le Canada et la Chine».
«Notre collaboration avec la Chine doit être revue en portant beaucoup plus attention aux questions de sécurité nationale, de propriété intellectuelle, par exemple, et en se rappelant que l’État chinois vise à acquérir la technologie et le savoir étrangers par tous les moyens. Ceci s’applique non seulement aux institutions fédérales et provinciales, mais aussi aux universités», avertit le diplomate au micro de Sputnik.
Harcelé sur ce sujet, le Parti libéral de Trudeau a fini par reconnaître que le licenciement des deux scientifiques –lesquels forment d’ailleurs un couple– était lié à des questions de sécurité nationale. Le SCRS avait recommandé à Ottawa d’imposer leur renvoi.
Virus expédiés à Wuhan: le fruit de la «naïveté canadienne?»
Avocat québécois travaillant auprès de l’Onu depuis une quarantaine d’années, André Sirois estime que cette affaire prouve la trop grande confiance souvent accordée par le Canada à d’autres États:
«Le Canada et les Canadiens se montrent traditionnellement très naïfs face aux représentants d'autres pays, particulièrement les Chinois, qui travaillent dans les organisations internationales. Cette naïveté, souvent un équivalent diplomatique de stupidité, est de commune renommée à l'intérieur de ces organisations», nous a confié l’ancien haut fonctionnaire de plusieurs missions de l’Onu.
Le Globe and Mail rapporte que le mystère plane maintenant autour des deux scientifiques congédiés, dont on peine à retrouve la trace. Quant à elle, l’Agence de la sécurité publique a admis «des violations possibles des protocoles de sécurité» commises par les chercheurs, selon les informations du même journal.
Des révélations qui en rappellent d’autres
Auprès de Sputnik, le porte-parole de l’Agence a défendu la collaboration du Canada et de la Chine dans le domaine de la recherche sur les virus. «En réponse à une demande de l’Institut de virologie de Wuhan […], l'Agence de la santé publique du Canada a envoyé des échantillons à des fins de recherche scientifique en 2019. Le Laboratoire national de microbiologie partage régulièrement des échantillons avec d'autres laboratoires de santé publique pour contribuer à l'avancement de la science», s’est justifié Mark Johnson, porte-parole de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada.