Le gouvernement allemand avait l’intention de distribuer des masques de protection respiratoire de catégorie KN95 potentiellement défectueux aux sans-abri et personnes handicapées, relate l’hebdomadaire Der Spiegel.
Il s’agit d’un gros lot de masques de la société chinoise Yicheng, achetés pour plus d'un milliard d'euros au printemps 2020, lors de la première vague de la pandémie de Covid-19 en Europe.
Masques interdits sur le marché européen
L’European Safety Federation (ESF), qui regroupe les associations nationales de fabricants, importateurs et distributeurs d’équipements de protection individuelle, a considéré les masques comme étant de mauvaise qualité.
«La rétention particule/filtre du matériau est insuffisante (valeur mesurée ≤ 90%) et le masque ne s'adapte pas correctement au visage. Par conséquent, une quantité excessive de particules ou de micro-organismes peut traverser le masque, augmentant le risque d'infection si elle n'est pas associée à des mesures de protection supplémentaires», avait indiqué l’ESF dans son rapport en 2020.
Les masques en question avaient alors été interdits à la commercialisation.
Des tests insuffisants?
Néanmoins, le ministre allemand de la Santé, Jens Spahn, a œuvré pour que ces masques soient autorisés, d’après le Spiegel. Seul un strict minimum de tests ont été effectués dans le cadre de la procédure accélérée convenue avec l’Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux (BfArM), qui dépend du ministère de la Santé, en collaboration avec l’organisme de certification TÜV, affirme la publication allemande.
Mais comme les masques n’étaient toujours pas autorisés à être largement distribués en raison de tests insuffisants, le ministère aurait suggéré à un moment donné de les distribuer «aux bénéficiaires des allocations Hartz IV, aux handicapés et aux sans-abri dans le cadre de campagnes spéciales».
Il a finalement été décidé de les transférer à la Réserve nationale de protection sanitaire dans l’attente de leur date de péremption dans un à quatre ans, précise le Spiegel. Selon une note du ministère du Travail qu’il cite, leur distribution ne sera possible que «dans des circonstances exceptionnelles», à condition qu'ils soient «de nouveau testés avec succès».
Premières réactions aux révélations du Spiegel
Le député Lars Klingbeil, secrétaire général du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD), a qualifié de scandaleuse l'idée de distribuer des masques inutilisables aux groupes défavorisés.
«C'est vraiment osé et indécent», a-t-il écrit sur Twitter.
„Jens Spahns Ministerium wollte nutzlose Corona-Masken unter anderem an Obdachlose und Menschen mit Behinderung verteilen.“ - Das ist wirklich dreist und ohne Anstand. https://t.co/8yB9M0ow6g
— Lars Klingbeil 🇪🇺 (@larsklingbeil) June 4, 2021
La députée du SPD Angelika Gloeckner et Janine Wissler, vice-présidente du parti de gauche Die Linke, ont accusé M.Spahn d'essayer de «dissimuler» ses erreurs.
Dass ein Gesundheitsminister eine Milliarde Steuergeld für Schrottmasken zahlt, und um das zu vertuschen, bereit ist, Hartz-IV-Bezieher, Obdachlose und Menschen mit Behinderung zu gefährden, ist menschenverachtend und abgründig. Was sagt das über das Menschenbild von #Spahn aus?
— Janine Wissler (@Janine_Wissler) June 5, 2021
Dass ein Gesundheitsminister eine Milliarde Steuergeld für Schrottmasken zahlt, und um das zu vertuschen, bereit ist, Hartz-IV-Bezieher, Obdachlose und Menschen mit Behinderung zu gefährden, ist menschenverachtend und abgründig. Was sagt das über das Menschenbild von #Spahn aus?
— Janine Wissler (@Janine_Wissler) June 5, 2021
«Le fait qu'un ministre de la Santé dépense un milliard d’euros des contribuables pour des masques inutilisables et, pour le dissimuler, soit prêt à mettre en danger les bénéficiaires de Hartz IV, les sans-abri et personnes handicapées, est inhumain et épouvantable», a tweeté Janine Wissler.
Et d'estimer qu'un ministre de la Santé prêt à mettre consciemment en danger des groupes vulnérables avec des masques de qualité inférieure «n'est pas acceptable».
Bas les masques en Allemagne
Ces nouvelles informations viennent alimenter la polémique sur les achats de masques par Berlin.
En avril, Bild a annoncé que Walter Kohl, fils de l'ancien chancelier Helmut Kohl, poursuivait le ministre de la Santé Spahn pour non-règlement d’une commande de masques FFP2 réalisée auprès de sa société Kohl Consult GmbH.
En mars, les médias ont fait savoir que le ministère de la Santé avait fait acheter par ses services des centaines de milliers de masques FFP2 via le groupe de média Burda, pour lequel travaille Daniel Funke, l’époux de Jens Spahn.
Autres «masquarades»
D’ailleurs, des scandales concernant les protections individuelles ont également éclaté dans d’autres pays -dont la France ou la Tunisie- pendant la pandémie.
En mars et avril 2020, au total près de huit millions de masques chirurgicaux et FFP2 commandés auprès d’un fournisseur chinois ont été reconnus inutilisables en Belgique. Qualifiés de «filtres à café» par Het Laatste Nieuws, ces équipements défectueux ont été commandés par le gouvernement auprès d’une entreprise qui n’avait pas assez d’expérience dans la fabrication d’articles médicaux.