Cameroun: ensevelis en cherchant des miettes d'or

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Fonte d'or (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 03.06.2021
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Pas moins de 20 artisans miniers ont été tués en mai 2021 à la suite d’éboulements de terrain dans la région de l’Est du Cameroun. Ils ont été ensevelis dans des tunnels alors qu’ils étaient à la recherche d’or. Entre janvier et avril, au moins 14 autres décès ont été enregistrés sur ces sites du fait de «l’incivisme» des exploitants.

Les deux derniers drames se sont déroulés à la fin du mois de mai 2021. Dans le dernier en date, dimanche 30 mai, au moins sept artisans miniers (des villageois qui recourent à la recherche artisanale des matières précieuses) sont morts ensevelis dans des tunnels, alors qu’ils étaient à la recherche d’or dans la localité minière de Kambele, dans la région de l’Est du Cameroun. Selon des témoignages des autorités locales contactées par Sputnik, ils ont été pris au piège à la suite d’un éboulement de terrain, le retour des pluies ayant fragilisé la terre.

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Un fait macabre qui survient quelques jours seulement après un autre encore plus dramatique mais rendu public seulement cette fin de mois. En effet, les riverains de la même localité ont signalé que le 18 mai dernier, une quinzaine d’orpailleurs avaient trouvé la mort dans les mêmes conditions. Descendus dans les entrailles d’un site minier ayant appartenu à un exploitant industriel étranger, ils étaient en train de creuser de nouveaux tunnels à la recherche du métal précieux quand ils ont été accidentellement ensevelis.

L’incivisme des exploitants

En effet, outre l’exploitation semi-mécanisée pratiquée par des entreprises étrangères, les civils ont développé une exploitation secondaire. Ils écument les lacs et autres cratères laissés par les exploitants industriels dans l’espoir de retrouver quelques pépites d’or. Une activité dangereuse qui fait de nombreuses victimes chaque année. Entre janvier et avril 2021, l’ONG Forêt et développement rural (Foder), qui mène des études dans la localité, a dénombré 14 décès d’artisans miniers dans les champs miniers de la région de l’Est du Cameroun. Depuis 2014, cette organisation a dénombré exactement 157 morts (jusqu’en avril 2021) dans les sites miniers: «On note parmi les victimes 69 artisans miniers et 38 enfants dont 17 sont âgés de 0 à huit ans». À l’origine de ces décès selon Foder, «24 éboulements de terre, 12 noyades dans les lacs artificiels formés par les trous béants».

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Analysant les causes de ces morts en série dans les sites miniers, cette ONG dénonce «la non réhabilitation des champs miniers par les entreprises, après l’exploitation de l’or». En effet, la réglementation en vigueur au Cameroun impose aux exploitants de refermer les trous et autres tranchées creusés au moment de la recherche de l’or, une fois l’exploitation achevée sur le site. Une obligation pas toujours remplie par de nombreuses entreprises de la région de l’Est. Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’environnement et le développement (CED), une autre ONG locale, constate que malheureusement ce manquement est à l’origine de nombreux drames.

«Les accidents se multiplient, sans pour autant entraîner une modification des pratiques des compagnies actives dans ce secteur. Cette situation résulte de la combinaison de quelques dispositions inefficaces du code minier (notamment sur l’implication des communes, communautés et citoyens dans le suivi des opérations des compagnies), et des faiblesses du dispositif de contrôle et de sanction des compagnies par l’État», déplore cet ami de la nature.

Un laisser-aller qui entraîne bien des dommages puisqu'au-delà du bilan humain, l’environnement en pâtit avec des conséquences inévitables sur la biodiversité.

«Cette activité affecte parfois le lit de fleuves et rivières sur lesquels elle se déploie, et les déchets de l’exploitation polluent ces eaux, notamment le mercure qui cause de nombreux dégâts, dans l’indifférence générale. Les bénéfices financiers générés par l’exploitation de l’or sont gardés par les compagnies, tandis que les citoyens doivent souffrir des désagréments causés par l’activité», poursuit Samuel Nguiffo.

Les autorités camerounaises ont pourtant déjà frappé du poing sur la table. En 2020, le ministre des Mines, Gabriel Dodo Ndocké, a publié une liste de sociétés auxquelles il donnait 60 jours, à compter du 1er avril 2020, pour restaurer les sites déjà exploités, sous peine de retrait de leur permis. Un ultimatum qui est, selon toute évidence, tombé dans l’oreille de sourds. La région de l’Est du Cameroun est réputée riche en matières précieuses, notamment en or et en diamants. Cependant, malgré la présence de quelques compagnies minières étrangères, la plus grande partie de ces ressources ne suit pas toujours les circuits formels.

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