«En tant que père, je ne peux imaginer ce que cela me ferait de me faire enlever mes enfants. Et en tant que Premier ministre, je suis consterné par la politique honteuse qui a arraché les enfants autochtones à leurs communautés.» Ce sont les mots prononcés le 31 mai dernier par Justin Trudeau à Ottawa, pour honorer la mémoire des 215 enfants autochtones retrouvés sur le site d’un ancien pensionnat, dans la ville de Kamloops, en Colombie-Britannique. Le chef du gouvernement fédéral a également annoncé que l’unifolié (le drapeau canadien) resterait en berne «jusqu’à nouvel ordre»…
Quelques jours auparavant, Rosanne Casimir, chef de la nation Tk’emlúps te Secwépemc, avait confirmé que les restes étaient bien ceux de ces enfants retirés de leurs familles par l’État fédéral, entre 1890 et 1969. On ignore toujours les cause des décès et certains disparus n’avaient pas plus de trois ans au moment de leur mort.
Le spectre des pensionnats indiens refait surface
Selon les chiffres d’Ottawa, durant les XIXe et XXe siècles, au moins 150.000 jeunes issus des Premières Nations ont été placés dans des établissements de type scolaire contre la volonté de leurs familles. Appelés pensionnats, ces établissements étaient généralement administrés par différentes églises chrétiennes –parmi lesquelles l’Église catholique– et en partie financés par l’État fédéral.
J’ai le cœur brisé d’apprendre que des restes humains ont été trouvés dans un ancien pensionnat autochtone de Kamloops. C’est un triste rappel de ce sombre chapitre de notre histoire. Je pense à tous ceux qui sont touchés par cette nouvelle bouleversante. Nous sommes avec vous. https://t.co/rJuH11ANPP
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) May 28, 2021
Le système des pensionnats visait principalement à extirper les enfants amérindiens de leur milieu culturel pour les immerger dans celui des Canadiens d’origine européenne. Ottawa dit maintenant vouloir réparer les traces laissées par cette réalité historique et le racisme «systémique» qui en a découlé:
«Le sombre héritage des pensionnats indiens a causé et continue de causer de tels torts et de telles souffrances. Le gouvernement a fait d’importants investissements pour fournir un soutien en matière de santé et de guérison aux survivants, à leurs familles et à leurs collectivités», précise dans un échange avec Sputnik Kyle Fournier, le porte-parole du ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord.
D’autres fouilles sont prévues
D'après les informations transmises à Sputnik par le ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord, 27,1 millions de dollars serviront à «localiser et commémorer les enfants morts dans les pensionnats indiens». Ottawa promet donc de poursuivre ses recherches, ce qui pourrait mener rapidement à la découverte d’autres fosses. Jusqu’à présent, le nombre d’enfants autochtones figurant au Registre national des élèves décédés dans les pensionnats indiens s’élève à 3.200.
«Il faut qu’il y ait ce processus de vérité. Force est de constater que la vérité n’est pas connue dans toute son ampleur. On parle de peut-être 3.000 à 4.000 enfants, peut-être plus, qui ont péri [dans les pensionnats indiens en plus du nombre recensé, ndlr]. Aucune guérison sans vérité», a insisté le ministre devant les élus fédéraux.
Le chef du troisième groupe d’opposition à Ottawa, Jagmeet Singh, n’a quant à lui pas reculé devant le terme de «génocide» pour désigner la politique coloniale du Canada envers les Autochtones, une politique selon lui toujours d’actualité. Un terme controversé dans le contexte canadien, mais qui se retrouve dans le rapport final de la commission chargée de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, déposé en 2019. «C’était un génocide et il perdure», a lancé sur Twitter le chef du Nouveau Parti démocratique, le 31 mai.