La Cédéao «faible» devant le nouveau coup d’État au Mali?

© Photo CNSPLe vice-Président de la transition du gouvernement malien, Assimi Goïta
Le vice-Président de la transition du gouvernement malien, Assimi Goïta - Sputnik Afrique, 1920, 01.06.2021
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Les chefs d’État et de gouvernement ouest-africains ont de nouveau suspendu le Mali de l’instance sous-régionale à la suite du coup d’État contre les autorités de la transition. Cette suspension, sans aucune autre forme de sanction contre des putschistes récidivistes, relève d’un «manque de fermeté» d’après un analyste contacté par Sputnik.

Réagissant au coup d’État du 24 mai 2021 au Mali, les chefs d'État et de gouvernement de la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), réunis en sommet extraordinaire à Accra, capitale du Ghana, viennent de suspendre pour la deuxième fois en neuf mois le Mali de toutes les instances sous-régionales.

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La déclaration finale du sommet des chefs des États ouest-africains, lue au terme du sommet de ce dimanche 30 mai, exige des auteurs du putsch, le colonel Assimi Goïta en tête, «la nomination immédiate d’un Premier ministre issu de la société civile». Elle demande également le respect du calendrier initial de la transition, notamment sa durée qui ne devrait excéder les 18 mois (à partir de septembre 2020) avec la tenue d’élections générales en février 2022.

Manque de fermeté

La première suspension du Mali des instances de la Cédéao avait eu lieu en août 2020 à la suite d'un premier coup d’État militaire contre le Président Ibrahim Boubacar Keïta, alors confronté à un soulèvement populaire inédit. Le Mali ne sera réintégré que près de deux mois plus tard, lorsque les putschistes ont accepté de remettre le pouvoir entre les mains des civils, à la demande pressante de la Cédéao notamment.

En effet, à la suite de ce premier coup d’État conduit par le même colonel Assimi Goïta, la Cédéao avait non seulement suspendu le Mali de ses instances, mais dénié «catégoriquement toute forme de légitimité aux putschistes» exigeant «le rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel». À ce titre, l’instance régionale avait exigé la désignation d’un Président et d’un Premier ministre civils.

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Mais alors que les putschistes ont récidivé en l’espace de neuf mois seulement, il aurait été plus judicieux de la part de la Cédéao d’afficher une attitude plus ferme cette fois-ci, en adoptant, par exemple, des sanctions économiques à l’encontre de Bamako, d’après des observateurs.

Il n’en fut rien. Pis, il semble même que la légitimité des putschistes en tant que détenteurs du pouvoir ne soit pas entièrement remise en cause. En effet, c'était en tant que «Président de la transition» doublé de «chef d'État» que le colonel putschiste a fait le déplacement à Accra pour consultations «avec ses homologues», d’après le communiqué de la présidence malienne.

Ce titre, le désormais ex-vice-Président de la transition se l'était vu confirmer par la Cour constitutionnelle malienne, l'avant-veille du sommet d'Accra. Il ne lui sera pas contesté par la Cédéao, qui n’exigera cette fois-ci que la nomination d’un Premier ministre issu de la société civile. Une position qui détonne sensiblement par rapport à celle consécutive au coup d’État d’août 2020.

En ne remettant pas en cause la qualité de chef d'État du colonel Goïta, lequel avait pourtant déchargé le Président de la transition malienne Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane de leurs postes, la conférence des chefs d’État de la Cédéao aura fait preuve de «faiblesse», manqué de «fermeté vis-à-vis des putschistes» selon Moussa Diop, un analyste politique sénégalais au sein de Perspectives Afrique – un groupe de réflexion sur les politiques africaines établi à Bordeaux en France –, interrogé par Sputnik.

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Parmi les raisons qui auraient pu expliquer cette passivité, l’analyste évoque «un manque de crédibilité» lié à l'histoire même de ces chefs d'État ouest-africains dont la majorité, dit-il, ont «des problèmes de légitimité et ne respectent pas les règles démocratiques au sein de leurs propres États».

«Les leaders de la Cédéao ont fait preuve de pragmatisme ou de résignation, on peut l'appeler comme on veut, en admettant que depuis août 2020, la situation a toujours été aux mains des militaires et les visages civils de la première transition ne saurait occulter ce constat. Dès lors, il fallait faire avec, en gardant à l'esprit que le Mali ne souffrirait pas plus d'instabilité», ajoute-t-il.

Inspirer la confiance des acteurs internationaux

Cette attitude était facilitée, enfin, par les annonces du colonel Assimi Goïta avant le sommet extraordinaire du dimanche 30 mai 2021 à Accra.

L’ex-vice-Président de la transition a en effet annoncé le lendemain de son second putsch qu’un nouveau Premier ministre sortirait des rangs du Mouvement du 5 juin, à l’origine des manifestations qui avaient provoqué la chute du pouvoir, en août 2020, du Président Ibrahim Boubacar Kéita.

«L’acte que le colonel Assimi Goïta a posé était de nature à inspirer la confiance des acteurs internationaux, sur la sincérité de ses objectifs, qui ne sont autres que le retour progressif du pouvoir aux civils. Par cet acte, il a aussi tenté de renforcer l'idée d'une armée malienne sincère et républicaine», affirme l’analyste sénégalais.

Ainsi, la Cédéao «court-circuitée par le colonel Assimi Goïta» dans ce qu’elle a comme exigence de la part de la junte, n’a eu à ce sommet, d’autre choix que d’«exiger une démarche déjà en cours».

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