Moins d'un an après le putsch contre l’ex-Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK), le Mali se trouve de nouveau sous la botte des militaires. Mais s'en était-il vraiment extirpé, depuis le coup d’État du 18 août 2020?
Dans l’après-midi du 24 mai, les deux principaux responsables civils de la transition en cours dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, le Président Bah N’daw et le Premier ministre Moctar Ouane, ont été enlevés par des militaires puis conduits au camp de Kati, à 15 kilomètres au nord-ouest de Bamako. C’est à cette même base qu'IBK avait été conduit, 9 mois plus tôt, par les putschistes pour annoncer sa démission.
Toute la nuit, la démission du Premier ministre a été au centre des discussions. Une option rejetée par le principal concerné, soutenu par le président Bah N’Daw, selon des médias locaux. Tous deux seront finalement démis de leurs fonctions, le 25 mai. Le coup d’État est acté.
Une équipe dans laquelle ont été remplacées deux importantes personnalités du putsch du 18 août: les colonels Sadio Camara et Modibo Koné, qui occupaient respectivement les postes de ministre de la Défense et ministre de la Sécurité et de la protection civile.
Une «violation» de la charte de la transition
Dans un communiqué rendu public ce 25 mai à la mi-journée, le vice-président de la transition explique l’acte des militaires par le fait que le Premier ministre Moctar Ouane se serait «montré incapable de constituer un interlocuteur fiable, susceptible de mobiliser la confiance des partenaires sociaux» après des mois de grèves et de manifestations diverses dans le pays.
Il dénonce par ailleurs, la mise en place d’un gouvernement «sans concertation» avec lui, alors même qu’il est, de par les prérogatives qui lui sont conférées par la charte de transition, en charge de «la défense et de la sécurité».
«Ainsi, de par le serment prêté en même temps que le Président de la transition, et tenu par l’engagement patriotique pris devant le peuple malien ainsi que devant les forces de sécurité et de défense, le vice-président de la transition s’est vu dans l’obligation d’agir, pour préserver la charte de la transition et défendre la république en vue de placer hors de leurs prérogatives, le président et son premier ministre, ainsi que toutes les personnes impliquées dans cette situation» justifie le Colonel Assimi Goïta dans son communiqué.
Marginalisation
Sauf que cette nouvelle situation, qui entraîne le Mali dans l’incertitude, était «inévitable» selon Emmanuel Dupuy, le président du think tank Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE).
«Le fait que le nouveau gouvernement mette de côté un certain nombre de militaires, et non des moindres, même s’ils ont été remplacés par d’autres, est une forme de marginalisation qui ne pouvait qu’inévitablement provoquer une réaction de la part de ces derniers» affirme-t-il à Sputnik.
«C’est un dur retour à la réalité: depuis le 18 août dernier, ce sont bien les militaires qui ont pris le pouvoir au Mali. Et ce 24 mai 2021, c’est bien les militaires qui ont encore pris le pouvoir à Bamako, n’en déplaise aux Occidentaux» a indiqué Emmanuel Dupuy.
Au sein de la communauté internationale, beaucoup ont condamné le putsch contre les autorités de la transition au Mali. L'Union européenne (UE) a même menacé les militaires de sanctions. Ce qu'Emmanuel Dupuy trouve totalement «absurde».
«On ne peut pas d’un côté, sanctionner les militaires tout en collaborant par ailleurs avec eux dans la lutte contre le terrorisme. On devrait chercher plutôt à négocier avec eux en se mettant en tête que ce sont bien les militaires qui ont le pouvoir en main», affirme-t-il.