Tribune des policiers: un syndicat appelle à pouvoir «ouvrir le feu avant d’être abattus par les voyous»

© Photo Pixabay/Marcus TrappUne arme à feu
Une arme à feu - Sputnik Afrique, 1920, 17.05.2021
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La tribune signée par d’anciens policiers demandant à «rétablir l’autorité de l’État» continue de faire réagir. Au micro de Sputnik, le policier Michel Thooris partage leurs constats et demande une réforme de la légitime défense pour ses collègues. Le patron de la police nationale parle, lui, d’une initiative qui «fragilise» l’institution.

Face à la dégradation de la situation sécuritaire, la parole se libère du côté des forces de l’ordre. Après les tribunes des militaires de réserve, puis d’active, c’est au tour de la police de prendre la plume à répétition. Le syndicat France-police– policiers en colère y est allé de sa lettre ouverte, suivie par celle d’autres syndicats et de magistrats. Ce sont maintenant des dizaines d’anciens agents de police qui publient leur tribune fustigeant le «délitement» de la France.

Et comme pour les autres, dire qu’elle n’a pas plu aux hautes instances relève de la litote. Ainsi, dans un courrier daté du 12 mai révélé par Europe 1, Frédéric Veaux, patron de la police nationale, s’en est-il pris à l’initiative de ses ex-collègues. Il considère qu’elle «fragilise [notre] institution plus qu’elle ne la renforce.» Ce 17 mai à 14h30, plus de 41.000 personnes avaient signé pour la soutenir sur le site Mesopinions.com.

​À l’instar du général Lecointre, chef d’état-major des armées, qui a vivement critiqué les deux tribunes successivement publiées par des gradés à la retraite puis par des militaires d’active sous couvert d’anonymat, Frédéric Veaux n’apprécie pas que la maison Police France soit désormais concernée par ce vent de défiance envers l’exécutif.

Inquiétudes sur la sécurité en France: une tribune «qui reflète la réalité»

Cette fois, ce sont notamment 93 policiers à la retraite qui ont interpellé le Président de la République, le gouvernement et les parlementaires. Ils appellent les élus à «tout mettre en œuvre pour mettre fin à la situation gravissime que traverse la France en matière de sécurité et de tranquillité publique.»

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Les signataires jugent que la «peur doit changer de camp» et réclament une «réponse pénale adaptée» afin que «les condamnations soient réellement exécutées et à la hauteur des forfaits commis.»

Michel Thooris, secrétaire général du syndicat France Police –Policiers en colère, affirme au micro de Sputnik «partager à la fois le constat des collègues de la police nationale à la retraite ainsi que celui des militaires»:

«C’est du bon sens qui reflète la réalité du terrain et ce que vivent les personnels tant des forces armées que de la police nationale.»

D’après les auteurs de la lettre ouverte, «la multiplication des attentats et des agressions violentes dirigés contre nos gardiens de la paix publique démontre un refus de nos valeurs républicaines, de nos coutumes et de notre modèle de société dans des pans entiers de notre nation.» Le meurtre le 5 mai à Avignon du brigadier Éric Masson, tué lors d’une simple intervention sur un point de deal de drogue, «en est la tragique illustration», selon eux.

Beauvau de la sécurité: «des avancées importantes» ou «du vent»?

Frédéric Veaux n’est pas sur la même longueur d’onde. Il commence par expliquer aux anciens policiers que leur statut de retraité ne les «exonère pas de l’obligation de réserve», avant de prendre la défense du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Il qualifie ainsi plusieurs mesures récemment prises place Beauvau «d’avancées importantes» qui donnent aux policiers «les moyens de leur autorité» et leur permettent d’«agir avec une meilleure efficacité».

«Tout cela c’est du vent», rétorque Michel Thooris. D’après le policier, le ministre de l’Intérieur n’a aucun moyen d’action et le problème clef de l’insécurité «qui gangrène le pays» est celui de la réponse judiciaire.

«Aujourd’hui, c’est le garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, qui a les leviers pour faire évoluer les choses. Malheureusement, il se positionne clairement du côté des voyous contre les forces de police. Il n’a jamais enlevé sa robe d’avocat. Il n’y a rien en termes d’évolutions de la loi pénale qui va vers le positif», estime le policier interrogé par Sputnik.

Concernant la réponse pénale, Frédéric Veaux appelle les auteurs et signataires de la lettre ouverte à consulter les «récentes annonces» du gouvernement qui sont «de nature à faire évoluer positivement les choses» et à «répondre aux attentes de nos concitoyens et des policiers.»

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Devant la colère des policiers à la suite du meurtre de leur collègue à Avignon, Jean Castex s’est engagé à étendre à trente ans la période de sûreté pour les individus condamnés à perpétuité pour un crime contre un policier ou un gendarme. Le Premier ministre a également évoqué la limitation stricte des possibilités de réduction des peines pour ceux qui s’attaquent aux forces de l’ordre.

Pas suffisant pour les premiers concernés. Selon le ministère de l’Intérieur, en 2019, 11.217 policiers et gendarmes ont été blessés en mission. Ils étaient 9.961 en 2017. Plusieurs syndicats déplorent ainsi que leur «revendication la plus importante», «la mise en œuvre de peines minimales pour les agresseurs des forces de l’ordre», n’ait pas été «prise en compte».

Réformer la légitime défense pour les policiers

Afin de se faire entendre, de nombreux syndicats de police ont appelé à un rassemblement le 19 mai devant l’Assemblée nationale, auquel ils invitent les «citoyens» à venir les «soutenir». Michel Thooris qualifie l’événement de «mascarade»:

«C’est une diversion qui va permettre aux syndicats de police de tenter de faire croire aux collègues qu’ils se bougent pour eux et obtiendront des avancées. Sauf que les revendications font défaut. Cela fait 30 ans que ces syndicats organisent des rassemblements à chaque événement grave dans la police. Et derrière: rien.»

Michel Thooris parle d’«esbroufe» et assure que les syndicats, à l’instar de 2016 et du mouvement des policiers en colère qui avaient manifesté à plusieurs reprises suite à l’attaque de Viry-Châtillon, «ont peur d’être dépassés par le bas». «Ils craignent un nouveau mouvement spontané hors cadre syndical», assure Michel Thooris. Il en profite pour glisser un nouveau tacle: «comme ils ont peur d’être un nombre ridicule, ils ont appelé les citoyens à venir les soutenir.»

​Le secrétaire général de France Police –Policiers en colère propose à ses collègues de s’unir autour de «revendications fortes» comme la réforme de la légitime défense pour les policiers et gendarmes qui, selon Michel Thooris, «est très attendue par [nos] collègues et que [notre] organisation syndicale est la seule à demander.» Un point qui figure en effet –parmi d’autres mesures musclées– dans la tribune diffusée par son syndicat le 6 mai.

«Il faut que les policiers puissent ouvrir le feu avant d’être abattus par les voyous, et ce, de manière légale. Il est nécessaire qu’ils puissent le faire avant d’être soit tués, comme Éric Masson, soit accusés d’homicide et de finir en prison, car la légitime défense n’aura pas été retenue», martèle Michel Thooris.

Pour le policier, une telle mesure «serait véritablement de nature à démontrer que le pouvoir politique a pris la mesure de la gravité de la situation sécuritaire en France et qu’il se positionne réellement du côté des forces de l’ordre.»

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