«Asymétrique, rapide et dure», telle sera la riposte de la Russie à l’encontre de tout pays tenté de «franchir la ligne rouge», a mis en garde Vladimir Poutine ce mercredi 21 avril. Des déclarations sans ambages, lors de son discours devant le Conseil de la Fédération sur l’état de la nation.
«J’espère qu'aucun n’aura à l’esprit de franchir cette ligne rouge de la Russie», a déclaré le chef du Kremlin aux députés et aux sénateurs réunis, avant d’ajouter «nous tracerons ladite ligne selon les cas».
Un discours «qui s’inscrit dans la doctrine Primakov», aux yeux d’André Filler, directeur du Département d'études slaves et responsable du master Espace russe et post-soviétique à l'Institut français de géopolitique. Pour lui, ce message du Président russe est à appréhender sur «trois niveaux de lecture», à commencer par l’«agacement» côté russe concernant l’évolution de la situation à Minsk.
Bien qu’une disparition prématurée de Loukachenko «reste totalement inacceptable» aux yeux du Kremlin, «le soutien russe à Loukachenko n’est certainement pas inconditionnel», estime le professeur qui ne croit pas en l’idée selon laquelle il existerait une «union bicéphale» entre les gouvernants des deux pays. Moscou ne voulant surtout pas voir l’émergence d’un Maïdan avec le concours de l’Occident :
«L'opposition biélorusse n’avait, jusqu’à présent en tout cas, pas d’accent antirusse prononcé, même de la part des figures d’opposition les plus radicales», souligne André Filler. Selon lui, le message de Vladimir Poutine «est envoyé aussi bien à l’extérieur qu’à Loukachenko lui-même.»
En somme, si la Russie ne voudrait pas d’un «Loukachenko Kadhafi», martyre, elle ne voudrait pas non plus voir apparaître à sa frontière un nouvel État allant ouvertement à son encontre. Un point qui renvoie au deuxième niveau de lecture de ce message du Président russe, selon notre interlocuteur: la volonté des Russes de ne pas voir des puissances étrangères venir mettre à mal leurs intérêts dans leur voisinage direct (étranger proche).
«Poutine entend montrer à Biden que la Russie est prête à négocier. Cela apparaissait également dans le discours: nous allons coopérer avec tous les partenaires qui veulent nous tendre la main mais en même temps nous traçons des lignes rouges. Des lignes rouges, ce sont évidemment des ingérences comme celles qu’on aurait pu constater durant le Maïdan et qui, pour la Russie, sont absolument inadmissibles,» analyse André Filler.
Dernier axe, selon l’expert: la volonté russe de préserver ses programmes de coopération avec les Européens. En l’occurrence, le gazoduc Nord Stream 2 qui doit relier le territoire russe à l’Allemagne via la mer Baltique, le vaccin Spoutnik V «ainsi qu’un retour souhaité par la Russie à la table des grands au sein des différentes organisations internationales». Pour ces raisons, la Russie n’aurait, selon notre interlocuteur, aucun intérêt à s’engager dans une confrontation armée avec l’Ukraine.