Sur fond de pandémie et d’entrée en vigueur du Brexit, les émeutes se sont intensifiées en Irlande du Nord. Plus de 70 policiers ont été blessés ces 10 derniers jours dans la région, rapporte la BBC.
Nées à Londonderry, ville déjà théâtre du Bloody Sunday en 1972, le mouvement de contestation a fini par s’étendre à plusieurs grandes villes de l’est, dont Belfast. Et ce malgré les condamnations de Londres et Dublin, ou les appels au calme de Washington. Cibles de jets de pierres, de cocktails Molotov et de mortiers d’artifice, les forces de police s’inquiètent de ces violences, qui réveillent les spectres du conflit nord-irlandais.
«Ce qui s'est passé la nuit dernière a atteint un niveau plus vu à Belfast et en Irlande du Nord depuis des années», confiait ainsi Jonathan Roberts, un responsable de la police nord-irlandaise, ce 8 avril lors d’une conférence de presse.
D’abord portée par la colère contre le Brexit des Unionistes partisans d’un maintien dans le Royaume-Uni, les émeutes ont désormais enflammé le camp des Républicains prônant l’unification irlandaise. Les deux camps se sont d’ailleurs affrontés à Belfast ce 7 avril, se jetant des projectiles de part et d’autre d’un «mur de la paix» dans l’ouest de la ville.
Brexit et criminalité
Vingt-trois ans après l’accord du Vendredi saint, qui avait mis fin au temps des «Troubles» (1968-1998), c’est cette fois le Brexit qui cristallise en grande partie les tensions. Et particulièrement le tracé de la frontière maritime entre la République d’Irlande, membre de l’UE, et le Royaume-Uni.
Mise en place pour séparer les espaces douaniers britanniques et européens, cette démarcation devait permettre d’éviter le retour d’une frontière terrestre entre les deux Irlande, sujet tabou après un conflit fratricide ayant coûté la vie à plus 3.500 personnes.
L’idée d’une frontière maritime a cependant été fraîchement accueillie par les Unionistes, qui y voient une menace pour le commerce et pour la place de l'Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni. Le groupe paramilitaire unioniste Loyalist Communities Council (LCC) avait d’ailleurs déclaré se retirer temporairement des accords du Vendredi saint en mars dernier, à cause de ces dispositions frontalières.
La pandémie de Covid avait déjà jeté du sel sur les plaies en juin dernier, lors des funérailles de Bobby Storey, un ancien chef du renseignement de l'Armée républicaine irlandaise (IRA). La cérémonie s’était tenue en dépit des restrictions sanitaires et avait réuni 2.000 personnes, dont des dirigeants du parti républicain Sinn Féin. La décision des autorités nord-irlandaises de ne pas sanctionner les contrevenants a pu s’ajouter à la frustration des Unionistes, qui aujourd’hui manifestent.
Ces émeutes interviennent alors que les relations post-Brexit se sont encore envenimées entre Londres et Bruxelles. Le 15 mars, l’UE a en effet lancé deux procédures judiciaires contre le Royaume-Uni, l’accusant justement d’avoir enfreint le protocole nord-irlandais. Londres avait en effet annoncé le report de certains contrôles douaniers dans la région.