Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a tenu mardi 30 mars une réunion virtuelle avec le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres. Outre l’Afghanistan, la Syrie, l’Érythrée et la Libye, les deux responsables ont abordé la question du Sahara occidental. Le nouveau chef de la diplomatie américaine en a profité pour «souligner le soutien américain aux négociations politiques et presser le secrétaire général d’accélérer la nomination d’un envoyé spécial», indique un communiqué du département d'État.
Cette nouvelle position américaine contraste avec celle de Donald Trump qui a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental dans le sillage de l’accord de normalisation des relations entre le royaume chérifien et l’État hébreu. Dans ce contexte, à l’issue d’une conférence de presse animée le 5 avril à Alger, Mohamed Ould Salek, ministre des Affaires étrangères de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), a exprimé sa volonté de revendiquer un siège à l’Onu afin de pouvoir poser directement les problèmes concernant le conflit au Sahara occidental au Conseil de sécurité. La RASD n’est pas encore membre de l’Onu. Elle n’entretient pas non plus de relations diplomatiques avec les membres permanents du Conseil de sécurité ou avec les pays européens au moment où le Front Polisario a des représentants dans pratiquement toutes les capitales européennes et à Washington. La RASD est membre fondatrice de l’Union africaine et entretient des relations avec des dizaines de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.
«L’État sahraoui revendique son siège aux Nations unies puisque le Maroc continue de dresser les obstacles à la tenue d’un référendum d’autodétermination», a-t-il déclaré selon l’Algérie presse service (APS).
«Résultat du blocage du référendum d’autodétermination»
«La République sahraouie fut proclamée suite au retrait de l’Espagne après une guerre de libération nationale. Le Maroc a entravé en 1975 le processus de décolonisation du territoire mis sur les rails par l’Onu», rappelle le chef de la diplomatie de la RASD, soulignant que «l’admission de la République sahraouie à l’Onu, outre le fait qu’elle constitue un droit inaliénable et incontournable, est le résultat immédiat et direct du blocage du référendum d’autodétermination par le Maroc, et ce depuis 30 ans».
Dans le même sens, M.Ould Salek affirme qu’«il n’y a d’autres solutions au conflit que celle préconisée par l’Union africaine (UA), à savoir la négociation d’une paix juste et durable entre la RASD et le Maroc, deux États membres de l’UA, conformément aux dispositions de l’acte constitutif de cette organisation […], ou celle adoptée par le Conseil de sécurité de l’Onu, adoptée à l’unanimité le 29 avril 1991, qui consiste en l’organisation d’un référendum d’autodétermination pour permettre au peuple sahraoui de choisir entre l’indépendance ou l’intégration au Maroc».
En effet, l’article 4 de l’acte constitutif de l’UA traite spécifiquement de la question du respect des frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance, du règlement pacifique des conflits, de l’interdiction de recourir ou de menacer de recourir à l’usage de la force, et de la coexistence pacifique et du droit des États membres de l’union à vivre dans la paix et la sécurité.
«La guerre dans une région stratégique»
Alors que le royaume chérifien revendique sa souveraineté sur le territoire du Sahara occidental depuis 1975 suite à la marche verte lancée par feu le roi Hassan II, Mohamed Salem Ould Salek expose qu’«aux yeux du droit et de la communauté internationaux, la présence du Maroc sur le territoire sahraoui n’a de statut juridique que celui d’une puissance occupante». «L’Onu, l’UA et la Cour internationale de Justice (CIJ) ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental», précise-t-il.
Par ailleurs, alors que Rabat défend un plan de résolution du conflit axé sur l’octroi d’une autonomie au territoire du Sahara occidental, dont plusieurs pays ont ouvert des représentations consulaires dans les villes de Laâyoune et Dakhla, le chef de la diplomatie sahraouie est catégorique: «Essayer de confisquer le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance, s’il en fait le choix en toute liberté – ce que certains ont tenté durant ces 30 dernières années, c’est d’une part comme foncer à grande vitesse contre un mur, provoquant la guerre et l’instabilité dans une région stratégique très sensible pour la paix et la sécurité mondiales vu sa situation géographique, d’autre part, piétiner la légalité internationale».
À ce titre, M.Ould Salek explique que «le fait que la procédure d’une demande d’admission d’un nouveau membre à l’Onu passe par l’approbation du Conseil de sécurité et l’acceptation de ses cinq membres permanents met justement ces derniers devant leurs responsabilités politique, morale et historique».
«Celui qui émettra son véto contre l’adhésion de la RASD à l’Onu comme membre ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les autres pays assumera devant le monde entier la grave responsabilité de la continuation de la guerre», prévient-il.
«Le peuple sahraoui a été trahi»
Suite à l’intervention le 13 novembre des Forces armées royales (FAR) marocaines pour prendre le contrôle du passage frontalier de Guerguerat, le Président de la République arabe sahraouie démocratique, Ibrahim Ghali, a signé un décret mettant fin à l’engagement de la RASD à respecter l’accord de cessez-le-feu avec le Maroc signé en 1991.
Ainsi, le ministre sahraoui informe que «la guerre entre les deux pays a repris après que le Maroc a commis l’irréparable [le 13 novembre 2020, ndlr] sans qu’il soit inquiété par le Conseil de sécurité ou par la Minurso [Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental, ndlr], ce qui le laisse penser que personne ne pourrait l’arrêter». «La conséquence désastreuse de cette politique, qui va à l’encontre du droit international, la sagesse et le bon sens, est déjà là face à nous!», déplore-t-il.
Enfin, Mohamed Ould Salek explique qu’aux yeux des Sahraouis, «la Minurso a perdu toute crédibilité». «Elle est venue pour organiser le référendum d’autodétermination après six mois, qui est par ailleurs sa seule mission, et elle y est restée 30 ans en vain», rappelle-t-il. «Elle assiste et témoigne du calvaire des Sahraouis qui subissent les violences et violations les plus graves de la part de l’occupant, sans bouger le petit doigt.»
«Le Peuple sahraoui veut la liberté et l’indépendance pour bâtir un pays doté d’institutions démocratiques fortes. Il rêve de grandes écoles et d’universités, de centres de recherche dans tous les domaines de la science et de la technologie, d’une industrie productive et performante dans tous les secteurs d’activité, d’hôpitaux modernes, de théâtres, de cinémas, de routes et de toutes les infrastructures de base, notamment l’accès à l’eau potable et à l’énergie, une agriculture saharienne des plus modernes, des infrastructures touristiques et l’exploitation en toute souveraineté de ses gisements de richesses minières et halieutiques», conclut-il, appelant «les États libres de ce monde à aider la RASD à défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté, et à soutenir son peuple qui veut accéder à la modernité afin d’apporter sa modeste contribution à la culture et à la civilisation humaine universelle».
Le Maroc réagit
En février, dans une lettre adressée au secrétaire général des Nations unies, le représentant permanent du Maroc auprès de l’Onu, Omar Hilale, affirme que «depuis sa renonciation au cessez-le-feu et aux accords militaires [le 13 novembre 2020, ndlr], le Polisario mène conjointement avec l’Algérie une campagne hystérique visant à induire en erreur la communauté internationale au sujet d’un prétendu "conflit armé" et de supposées violations des droits de l’homme au Sahara occidental», selon Maghreb arabe presse (MAP).
Il accuse également le mouvement politique et armé du Sahara occidental d’avoir appelé «ouvertement à des actes de violence contre les personnes et de sabotage des installations civiles».
L’Algérie a réfuté ces allégations et appelé à des négociations directes entre les deux parties pour mettre fin au conflit.