Vendredi 18 mars 2011 a été un jour fatidique pour tous les Syriens. C'est ce jour-là, il y a 10 ans, qu'ont débuté les manifestations de masse qui ont ensuite conduit au déclenchement de la guerre civile, avec le parrainage de nombreux pays occidentaux, ainsi que des monarchies du Golfe.
Le même jour, la chaîne qatarie Al-Jazeera, qui a été le principal porte-parole des événements des printemps arabes, a qualifié le gouvernement de Bachar el-Assad de «régime», le considérant ainsi comme un chef d'État illégitime.
Dans le même temps, devant l'envergure de ce désastre grandissant, l'UE, les États-Unis et la plupart des pays arabes se sont opposés au gouvernement de Bachar el-Assad: peu de gens croyaient qu'il serait en mesure de conserver le pouvoir et de reprendre le contrôle des territoires où se déroulait une véritable guerre.
Jusqu'où la tentative de coup d'État a-t-elle conduit la Syrie? Dans quelle mesure la perception des Syriens de ces événements a-t-elle changé depuis toutes ces années? Les Syriens eux-mêmes, se rendent-ils compte de l'ampleur des dégâts causés à leur pays? Voilà ce qu'ont décrit à Sputnik des habitants de plusieurs grandes villes de Syrie.
«Au lieu de la liberté d'expression, nous avons obtenu la faim»
«Nous sommes en guerre depuis 10 ans et nous n'arrivons toujours pas à mettre de l'ordre dans le pays. Tout a commencé lorsqu'un certain groupe de personnes a voulu se réveiller un jour et vivre comme en France ou en Grande-Bretagne. On voulait plus de liberté d'expression et on a fini par la famine. Et maintenant, 10 ans plus tard, il paraît tout à fait normal de se promener avec des armes dans la rue. Nous nous sommes habitués à voir des policiers militaires et des soldats dans les rues, nous nous sommes habitués aux explosions et aux meurtres.
Au lieu de la démocratie, nous avons des fondamentalistes sur notre territoire qui commettent des meurtres brutaux au nom de l'islam. Reste à savoir pourquoi.
Nous sommes tous musulmans ici, et nous n'avons jamais vécu en querelle avec les chrétiens. Au lieu d'un État fonctionnant normalement, nous ne parvenons pas à nous débarrasser de l'occupation américaine de nos territoires depuis 10 ans. Ils siphonnent nos richesses, tuent nos citoyens. Est-ce que cela est ce que voulaient ceux qui ont déclenché les émeutes il y a 10 ans? Aujourd'hui, nous avons connu un incroyable exode de nos citoyens: tout le monde sait qu'il y a des réfugiés syriens dans des dizaines d'autres pays du monde. Les bandits des Forces démocratiques syriennes ne veulent pas quitter notre territoire. C'est ainsi que notre pays a été détruit», raconte Rayed al-Raheel, un habitant du gouvernorat syrien de Hassaké, décrivant les 10 dernières années.
«Maintenant, nous n'avons rien, merci à l'Amérique»
«L'Amérique ne se bat ici que contre le peuple syrien. En conséquence, vous pouvez voir que nous n'avons pas d'essence, ni de fioul, ni de gaz, rien. Et tout ça à cause des actions des Américains. Regardez vous-même, nous n'avons même pas d'embouteillages sur les routes, car il n'y a rien pour remplir les voitures dans la ville. Et il n'y a pas de provisions dans les maisons. C'est la guerre américaine contre les Syriens», confie un habitant d'Alep, dont le nom a été délibérément pas communiqué.
Un autre habitant d'Alep, qui a souhaité rester anonyme, le rejoint, ajoutant:
«Malgré la catastrophe qui s'est produite pendant tout ce temps, le pays se remet, bien que lentement. Si Dieu le veut, ce cauchemar sera bientôt complètement derrière nous et les Syriens sortiront de la crise.»
«C'est dur, mais on va s'en sortir»
«La vie continue»
«Vous savez, tout le monde connaît déjà les difficultés qui nous ont été infligées au cours de ces 10 années. Je voudrais dire une chose: malgré la catastrophe que nous vivons encore, malgré toutes les pertes du peuple syrien que nous avons subies, la vie continue. Nous y revenons peu à peu. Si Dieu le veut, nous irons mieux, nous sortirons de cet effondrement économique et social», lance Madinah al-Ahmad, directrice d'une école à Deraa, en Syrie.
À en juger par les dernières déclarations du département d'État et du Parlement européen, ils ne vont pas réduire la pression sur la Syrie et son gouvernement. Et cela malgré le fait qu'avec la médiation de la Russie, Damas a stabilisé la quasi-totalité du pays, à l'exception du gouvernorat d'Idlib, qu'il tente de mettre en place une politique non seulement intérieure mais aussi extérieure, qu'il entend organiser les élections législatives - en général, le gouvernement d'Assad est en train de stabiliser le pays, et ne laisse aucune condition préalable à son départ.