La femme syrienne ou comment la guerre a redistribué les rôles au sein de la société

© Sputnik . Ekaterina YansonFemmes en Syrie
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Si la législation de la Syrie moderne a toujours reconnu l’égalité entre l’homme et la femme, ce sont les coutumes et les traditions qui ont dans bien des cas restreint la liberté de cette dernière, limitant notamment celle de choisir son métier. Or, comme l’indiquent les interlocutrices de Sputnik, la guerre a redistribué les cartes.

Conductrice de bus ou serveuse au restaurant, fonctionnaire ou bénévole humanitaire se déplaçant d’une ville à l’autre et ne rentrant chez elle que tard dans la nuit – ceux qui ont connu la Syrie avant la guerre confirmeront que ces sept années et demie de conflit ne sont pas restées sans effet pour la femme syrienne et son rôle dans la société. Non seulement la liste des métiers qu’elle occupe aujourd’hui s’est de toute évidence allongée, mais l’attitude de la société à l’égard de son émancipation progressive au cours de cette période douloureuse pour le pays semble s’être sensiblement assouplie.

Comme le rappelle à Sputnik Salwa Al-Abdullah, ministre syrienne du Développement social et du Travail, la Syrie a octroyé le droit de vote aux femmes en 1949 — soit cinq ans après la France et avant la Grèce (1952), la Suisse (1971), le Qatar (1997) ou l’Arabie saoudite (2011) — ainsi que le droit de présenter sa candidature pour n’importe quel poste et ce même «avant certains pays européens».

© Sputnik . Ekaterina Yanson Rahaf Al-Mahdi du gouvernorat de Deraa, diplômée en gestion des affaires
Rahaf Al-Mahdi du gouvernorat de Deraa, diplômée en gestion des affaires  - Sputnik Afrique
Rahaf Al-Mahdi du gouvernorat de Deraa, diplômée en gestion des affaires

«Les lois chez nous ne distinguent pas la femme de l’homme. Par exemple, en France on continue à lutter pour l’équité des salaires, alors qu’en Syrie les rémunérations des femmes ont toujours été égales à celles des hommes et [au niveau de la législation, ndlr] rien n’empêchait la femme d’occuper n’importe quel poste», témoigne-t-elle.

© Sputnik . Ekaterina Yanson Ghina Nizam, 23 ans, avocate originaire de Damas
 Ghina Nizam, 23 ans, avocate originaire de Damas    - Sputnik Afrique
Ghina Nizam, 23 ans, avocate originaire de Damas

Mme Al-Abdullah souligne toutefois que le problème de la société syrienne est en effet l’abîme qui sépare le contenu de la législation et les coutumes sociales. Ainsi, même si la loi fait de la femme l’égale de l’homme, la société, régie par ses traditions, pose elle-même des entraves au développement de la femme.

«Toutefois, au cours de la guerre le rôle de la femme syrienne a beaucoup changé. Celle qui était jusque-là responsable de la prise des décisions pour sa famille nombreuse –ce n’est pas l’homme, mais justement la femme qui dirigeait sa famille –a dû parallèlement prendre en charge son soutien financier après que son mari est tombé lors de combats, a été porté disparu ou a rejoint l’armée», poursuit la ministre, expliquant que de nos jours les femmes non seulement occupent toutes les fonctions possibles, mais luttent aussi des deux côtés de la ligne de front.

Interrogée sur l’attitude de la société sur ces récents changements, elle répond que c’est plutôt malgré la société que ces derniers sont survenus.

© Sputnik . Ekaterina Yanson Employés du Centre de secours et de développement
Employés du Centre de secours et de développement - Sputnik Afrique
Employés du Centre de secours et de développement

«C’est la femme qui doit aujourd’hui cultiver les champs, aller travailler à l’usine, faire les courses, signer les accords de vente parce que l’homme n’est plus là. La distribution des rôles dans la société a changé», résume-t-elle. 

© Sputnik . Ekaterina Yanson Lama Sayyed, 25 ans, étudiante en économie originaire de Deir ez-Zor
Lama Sayyed, 25 ans, étudiante en économie originaire de Deir ez-Zor - Sputnik Afrique
Lama Sayyed, 25 ans, étudiante en économie originaire de Deir ez-Zor

La guerre a renforcé la personnalité de la femme

«Avant la guerre, la femme syrienne était une femme à 100% orientale – femme gâtée, dont les responsabilités n’étaient que la maison et les enfants. Surtout qu’à l’époque le pays a traversé une période de flexibilité où le travail de la femme n’était pas crucial pour le bien-être de la famille», explique Yvonne Zammar, fonctionnaire au ministère syrien du Tourisme qui a accompagné la mission russe dans différentes villes syriennes tout au long de son séjour dans le pays. «Moi-même, ce n’est que pendant la guerre que j’ai dû apprendre à conduire et m’acheter une voiture sur mes propres deniers. La guerre a beaucoup renforcé ma personnalité».

© Sputnik . Flora Moussa Houda, 28 ans, membre de la garde nationale arabe originaire de Gaza
Houda, 28 ans, membre de la garde nationale arabe originaire de Gaza - Sputnik Afrique
Houda, 28 ans, membre de la garde nationale arabe originaire de Gaza

Elle considère que durant cette page noire de l’histoire du pays la femme syrienne a réussi à devenir une vraie femme.

© Sputnik . Flora MoussaÉtudiantes à l'Université d'Alep
Étudiantes à l'Université d'Alep - Sputnik Afrique
Étudiantes à l'Université d'Alep

«J’y vois un aspect positif et non négatif. La femme a commencé à exercer différents types de fonctions, aujourd’hui on la voit au volant des transports publics, travailler comme serveuse dans les restaurants, elle fait ce qu’avant la société n’acceptait pas qu’elle fasse. Bien que ce soit une conséquence de la guerre, j’y vois une conséquence positive. Elle s’est habituée à voyager toute seule, elle est devenue mère, femme et homme à la fois. La femme est donc devenue plus forte. On a progressé dans la voie de la libération de la femme et même si ce changement a été contraint, on y est parvenu», poursuit-elle. 

© Sputnik . Ekaterina Yanson Employées du Centre de secours et de développement à Alep
Employées du Centre de secours et de développement à Alep - Sputnik Afrique
Employées du Centre de secours et de développement à Alep

La réintégration au sein de la société des femmes issues des zones contrôlées par des terroristes et des bandes armées constitue un chapitre à part, explique pour sa part Chadi Fadel du Centre de secours et de développement. Il s’agit certes d’un travail de longue haleine visant avant tout à apprendre à ces femmes ayant tout perdu à compter sur elles-mêmes et à consolider leur place au sein de la société. Petit-à-petit, le travail dans ce sens porte ses fruits, assure-t-il ajoutant que des initiatives de soutien se multiplient dans le pays, notamment dans les camps d’accueil de déplacés. 

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