Lundi 15 mars, le ministre algérien du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, El Hachemi Djaâboub, a déclaré à la presse que pas moins de 51.000 emplois ont été perdus dans les secteurs de l’automobile et de l’électroménager. La cause, selon lui, réside dans l’annulation du régime préférentiel pour l’importation des lots SKD/CKD (Semi Knocked-Down et Completely Knocked-Down), éléments préassemblés et montés sur place qui alimentent les usines de montage, décidée par l’ex-ministre de l’Industrie Ferhat Aït Ali, dernièrement limogé par le Président Tebboune.
Lors d’un passage mardi 16 mars sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio nationale algérienne, le président du Conseil national consultatif de la petite et moyenne entreprise (CNCPME), Adel Bensaci, a annoncé détenir des informations: «des constructeurs automobiles avaient reçu l’autorisation de relancer à nouveau leurs lignes de montage, après plus d’une année d’arrêt».
Il estime que «les compétences et les infrastructures existent pour une relance de ces usines sous un délai de six mois», ce qui pourrait permettre «la création de 150.000 emplois directs et le double, voire le triple, de ce chiffre en emplois indirects».
«Une décision relançant l’importation»
«Le ministre Ferhat Aït Ali avait décidé d’annuler le régime préférentiel SKD/CKD, avançant un argument tout à fait louable qui est celui de remplacer l’importation par une production nationale réelle tout en mettant fin, au passage, à l’évasion fiscale vers l’étranger via les surfacturations», rappelle M.Fares, également ancien directeur Supply Chain de la filiale algérienne du géant allemand Henkel. Cependant, «après plus d’une année à la tête du ministère de l’Industrie, nous nous sommes rendu compte que le ministre a finalement tout changé pour que rien ne change!», déplore-t-il.
Et d’expliquer qu’«alors que les Algériens attendaient l’annonce de grands investissements dans le développement d’une production nationale de plus en plus intégrée dans tous les secteurs, notamment celui de l’automobile, le ministre a décidé de relancer l’importation de voitures neuves à hauteur de deux milliards de dollars par an, et ce dans un contexte de crise financière et après avoir mis à la porte plus de 51.000 employés qualifiés».
«Pour quelles raisons a-t-il fait ça et au profit de qui?», s’interroge-t-il, estimant qu’«il est nécessaire qu’une commission d’enquête parlementaire soit mise sur pied juste après les prochaines élections législatives pour faire toute la lumière sur les dessous de cette affaire». «Passer à la tête d’un ministère puis partir sans rendre des comptes comme si de rien n’était, cela doit impérativement cesser!», tranche-t-il.
Que faire?
Par ailleurs, Amyn Fares informe, à titre d’exemples, qu’«un ingénieur qualité dans l’automobile formé chez Hyundai durant huit semaines, soit en Corée du Sud ou sur place en Algérie, coûte à son entreprise entre 16.000 à 19.000 euros». «Je vous laisse imaginer l’étendue du désastre financier pour l’ensemble des entreprises du secteur qui ont perdu les 51.000 emplois, sans parler de l’impact de cette situation sur les caisses nationales de sécurité sociale et des retraites qui souffrent déjà de déficits abyssaux», poursuit-il.
«Avant tout, dès l’installation du prochain gouvernement légitime à l’issue des élections législatives, une loi de fiance complémentaire doit être immédiatement proposée avec l’objectif de tailler dans les budgets des ministères rentiers, pour rediriger l’argent vers l’innovation, la création de richesses et la production», expose-t-il, soulignant qu’il «est scandaleux, après près de 60 ans d’indépendance, que le budget du ministère des Moudjahidines [anciens combattants, ndlr] soit plus grand que celui de l’Industrie [de 750%, ndlr], de l’Agriculture, du Tourisme et de la recherche scientifique».
Un rôle moteur pour l’État
Concernant l’industrie automobile, «l’État devrait prendre des parts dans toutes les usines fermées, les rouvrir et réintégrer immédiatement le personnel licencié, mais avec un projet de développement d’une production de plus en plus intégrée», soutient-il, ajoutant que ces «industries pourraient également être converties en agrandissant les investissements, dans la production des moyens de transport en commun, comme les bus et les rames de trains et de tramway […]. Une fois arrivé à un stade avancé, l’État aura le choix de continuer à être actionnaire dans ces entreprises ou de vendre ses parts».
Enfin, Amyn Fares juge impératif «de faire participer l’Armée nationale populaire (ANP) qui a réussi à développer une excellente industrie de véhicules utilitaires et de blindés à la récupération de ces entreprises dans le cadre de joint-ventures, comme elle l’a fait pour la Société nationale des véhicules industriels (SNVI)».
Les constructeurs automobiles à avoir déjà lancé des usines de montage avec des partenaires algériens sont Renault, Volkswagen, Hyundai et Kia. Avant son limogeage, Ferhat Aït Ali avait annoncé que neuf autorisations temporaires d’importation de voitures avaient été accordées jusqu’au 15 février, sans révéler l’identité des opérateurs qui en ont bénéficié. Il y a également lieu de rappeler qu’outre les usines fermées par ce dernier, d’autres ont continué de fonctionner et de faire des bénéfices, y compris en régime CBU qui ne diffère pas beaucoup du SKD/CKD.