À «passeport vert» ou «passeport sanitaire», l’UE préfère désormais le terme de «certificat vert numérique». C’est pourtant peu ou prou le même concept qu’élaborent cette semaine les commissaires européens, sous la houlette de leur présidente, Ursula von der Leyen, du commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, et du commissaire à la justice, Didier Reynders. Le projet est donc déjà sur les rails et semble inarrêtable… en dépit de l’incompétence de Bruxelles en la matière.
«La santé relève de la compétence des États, pas de la Commission européenne», fait ainsi remarquer Me Di Vizio, avocat de professionnels de santé et farouche opposant à la vaccination obligatoire. «Le traité constitutif de l’UE avait pourtant établi que la Santé était une politique individuelle à chaque État. On a inversé le paradigme…»
Et pour cause, les dirigeants européens paraissent avoir du mal à s’accorder. Chacun fixe ses conditions sine qua non avant d’envisager tout accord commun.
De nombreuses zones d’ombre
Ce passeport devrait donc se décliner en deux formats: électronique et papier. Les deux versions seraient munies d’un QR code pouvant être scanné par les autorités. C’est ce qu’avait déjà annoncé, en amont de cette réunion, le commissaire Thierry Breton, invité du «Grand rendez-vous» Europe1-CNews-Les Échos le 14 mars.
La première est une inquiétude: comment prévoir l’usage que fera de ce certificat chacun des vingt-sept pays? Certains l’étendront-ils pour conditionner l’accès aux restaurants, cinémas, musées, et tous les lieux qui devraient rouvrir une fois un tel procédé en place?
Pour Me Di Vizio, les dérives ne sont pas à exclure.
«Juridiquement, ce certificat me pose moins de problèmes que le précédent, qui conditionnait tout à la vaccination. Mais le problème est toujours le même, c’est l’imposition d’une mesure à tous. Qui suis-je pour imposer à un lieu privé une condition d’accès? On sait tous que, au-delà de ce passeport, il y a la question des limites et critères qui seront sans cesse repoussés.»
Jean Castex s’est voulu apaisant, la veille de la présentation du projet aux pays de l’UE. «Il y a aussi des considérations éthiques, il permettrait ou ne permettrait pas d'accéder à certains lieux, mais surtout il faut l'harmoniser au plan européen et la France a beaucoup poussé pour une réflexion communautaire.»
Non ! C'est important de se faire vacciner pour des raisons de santé publique et santé personnelle ! Si ces conditions ne sont pas réunies l'acte médical n'a jamais sa place ! Mais c'est quoi cette nouvelle mode de dire faites vous vacciner pour aller au restau https://t.co/uLF6tx3Jmy
— Fabrice Di Vizio (@DIVIZIO1) March 13, 2021
Rendu primordial pour sauver le tourisme et le secteur aérien, ce «certificat vert» est déjà validé par l’Agence européenne du médicament, à la condition qu’il soit limité aux seuls vaccins qu’elle a homologués, à savoir: Pfizer/BioNTech, Moderna, Johnson & Johnson et… AstraZeneca, pourtant suspendu dans la moitié des pays concernés après plusieurs cas graves de thromboses (caillots sanguins).
Ainsi les vaccins russes et chinois seraient-ils exclus. Et leurs vaccinés avec. La présidente de la Commission a donc beau affirmer que ce passeport sera là «pour faciliter les vie des Européens», quelques imprécisions restent à clarifier. En outre, la population, française notamment, reste pour le moins rétive.
Les libertés en danger?
En amont de cette rencontre de la Commission européenne, qui est donc une étape supplémentaire vers l’homologation du «certificat vert», le Conseil économique, social et environnemental vient d’achever une grande consultation citoyenne sur le sujet. Les résultats sont limpides. Parmi les 110.507 participants à la consultation, 73,7% sont défavorables au sésame (dont 67,1% très défavorables).
Les opposants au projet dénoncent avant tout l'atteinte aux libertés, l'incertitude concernant l'efficacité et la sûreté des vaccins ou encore la discrimination entre les citoyens que créerait ce dispositif. Et lorsqu’il s’agit de substituer au passeport purement vaccinal la présentation d’un test PCR de moins de soixante-douze heures, ou bien «la possibilité de réaliser des contrôles à l'entrée des lieux collectifs par des policiers ou autres agents officiels», l’idée ne fait pas recette non plus. Enfin, les participants souhaitent qu’une telle mesure soit le plus courte possible.
Chez les quelque 20% des sondés qui se déclarent très favorables au projet, l’argument premier est, là aussi, évidemment la liberté retrouvée et «la possibilité de rouvrir les lieux fermés, de voyager à nouveau». Une liberté, à quel prix? interroge l’avocat du professeur Raoult. Au prix du mensonge et d’une fin de civilisation qui «se rapproche du totalitarisme», s’inquiète même Me Di Vizio:
«Qui peut encore s’étonner de la perte de confiance dans les décideurs et de la montée du complotisme? On est dans un projet de société nouvelle, d’homme nouveau. On est en train de mener des essais cliniques du vaccin Moderna sur les enfants maintenant! Ça ne pose problème à personne, ça? On a réussi à faire peur aux gens et une sorte d’hygiénisme eugéniste règne.»
Pour l’instant, l’Association internationale du transport aérien (IATA) a développé un «passeport numérique», via une application, pour les voyageurs. Un premier passager de Singapour Airlines en a profité aujourd’hui, 17 mars, dans un vol pour Londres. Aussi, International SOS a proposé un «certificat numérique» d’ores et déjà testé par Air France. Si les États avancent doucement vers la surveillance sanitaire à leurs frontières terrestres, le filtrage dans les airs a déjà décollé.