La contrefaçon de produits de consommation courante a trouvé un terreau fertile au Cameroun. De nombreux réseaux de commerce illicite ont été démantelés ces dernières semaines et plusieurs secteurs d’activité sont concernés. Pas plus tard que le 18 février, deux jeunes individus ont été appréhendés par les gendarmes dans le quartier New-Bell à Douala pour fabrication et vente de boissons de contrefaçon. Ils usaient de procédés chimiques pour reproduire de manière frauduleuse des sodas commercialisés par de grandes enseignes installées au Cameroun.
Quelques jours plus tôt, le 9 février, des fabricants de liqueurs et de whisky frelatés ont été mis aux arrêts par la police camerounaise à Elig-Edzoa à Yaoundé. Dans leur petite usine de fortune, le couple Nzali produisait des boissons alcoolisées «de marque». Des breuvages impropres à la consommation qu’ils embouteillaient dans des contenants de grandes enseignes locales et internationales.
À la suite de perquisitions menées dans cette usine clandestine, un important stock de vin, de champagnes frelatés, un fût d’éthanol, des vignettes Cemac (Communauté économique des États de l’Afrique centrale) ont également été saisis.
Un danger pour les consommateurs
Si les marchandises contrefaites circulent librement sur le marché, au grand bonheur de leurs fabricants, elles constituent un gros risque pour les populations qui parfois se les arrachent dans une inconscience totale du danger qu’ils peuvent représenter. Beaucoup n’ont pas forcément l’aptitude nécessaire pour distinguer le faux du vrai. Pour Dellor Magellan Kamgaing, président de la Ligue camerounaise des consommateurs (LCC), le phénomène de contrefaçon ruine la santé des citoyens.
«L’utilisation de produits de mauvaise qualité par les populations affecte directement leur santé. Nous invitons les consommateurs à être prudents lors de l’achat et de l’usage des marchandises. Pour les boissons, par exemple, ils doivent s’assurer que les informations sur les emballages sont originales», avertit-il au micro de Sputnik.
En dehors du secteur des boissons, la pratique de la contrefaçon, poursuit le défenseur des consommateurs, est très aiguë «dans le domaine des produits cosmétiques, de l’habillement, des matériaux de construction», liste-t-il. «Les services publics doivent accentuer la lutte contre ce fléau en partenariat avec les organisations de défense des droits des consommateurs», ajoute-t-il.
Un cancer pour l’économie
Dans une étude publiée en 2019 par la mission Halte au commerce illicite (Halcomi) de la douane camerounaise, l’on apprend que les pratiques frauduleuses –la contrebande et la contrefaçon– font perdre 250 milliards de francs CFA (400 millions de dollars) par an à l’économie camerounaise. Une gangrène qui, explique Georges Meka Abessolo, expert financier, affecte sérieusement les recettes douanières.
«La contrebande crée une concurrence et un circuit illégaux qui échappent aux recettes douanières et fiscales tout en fragilisant les entreprises qui respectent les lois et créent des emplois. Il y a donc baisse des recettes fiscales et douanières, perte d’emplois et, plus grave encore, les liqueurs fabriquées hors normes peuvent nuire à la santé des consommateurs», martèle-t-il au micro de Sputnik.
L’État, poursuit-il «doit renforcer les contrôles et récompenser les dénonciations» car «le résultat, c’est le manque à gagner pour lui et une concurrence illégale pour les entreprises légales qui créent des emplois».
Malgré les nombreuses descentes des unités du ministère du Commerce sur le terrain et des missions de la douane, le phénomène semble prospérer. En témoigne la vente à ciel ouvert de carburant frelaté au bord des routes et d’autres produits issus de la contrebande et de la contrefaçon. En 2020, la douane camerounaise, à travers la mission Halcomi, avait annoncé avoir saisi des marchandises contrefaites pour une valeur totale de 10 milliards de francs CFA (18,5 millions de dollars).