«Avant 15 ans, c’est non.» Dans une tribune parue ce 12 février dans le Parisien Week End et portée par la romancière Tristane Banon, 164 personnalités appellent à mieux protéger les enfants en fixant le seuil du consentement sexuel à 15 ans, et 18 ans en cas d’inceste.
"Nous tous, qui signons aujourd’hui cette pétition, vous demandons que ce seuil de non-consentement soit fixé à 15 ans, 18 en cas d’inceste."
— Line Renaud (@linerenaud) February 11, 2021
Cet appel que j'ai signé aux côtés de 163 autres personnalités est à retrouver dans @le_Parisien. Linehttps://t.co/C51qdkTPf1
Ce texte fait écho à la libération de la parole qui a déferlé sur les réseaux sociaux sous le #MetooInceste, à la suite de la parution du livre La Familia Grande de Camille Kouchner (éd. Seuil). Dans cet ouvrage, l’auteure dénonçait l’inceste de son petit frère, alors âgé de 13 ans, par leur beau-père, le politologue Olivier Duhamel.
Si les signataires de la tribune soulignent un progrès dans l’adoption de la loi Billon par le Sénat fin janvier, qui fixe le consentement sexuel à 13 ans, ils en dénoncent toutefois une faille:
«Votre progrès crée une zone trouble pour les crimes sur mineurs de 13 à 15 ans, et cette zone trouble, si vous pouvez vous en contenter, nous ne pouvons l’admettre.»
Et pour cause, selon l’association Mémoire traumatique et victimologie, les violences sexuelles débutent avant l’âge de 18 ans dans 81% des cas, 51% avant 11 ans et 21% avant 6 ans.
Ce que dit la loi
En droit français, un viol est désigné comme «tout acte de pénétration sexuelle commis par violence, contrainte, menace ou surprise», laissant à la victime le soin de prouver l’absence de son consentement, peu importe son âge. Une tâche d’autant plus difficile pour un mineur.
Le souhait de l’exécutif
De nouvelles évolutions sont à prévoir. Le 18 février, l’Assemblée nationale devra se prononcer sur le consentement sexuel fixé à 15 ans. Une proposition déjà portée par Emmanuel Macron en novembre 2017, avant que le Conseil d’État n’affirme que l’instauration du seuil d’âge portait atteinte à la présomption d’innocence. Qu’en sera-t-il cette fois?
Ce 9 février, le gouvernement s’est positionné, dans un communiqué, en faveur de la criminalisation de tout acte de pénétration sexuelle commise par un adulte sur un mineur de moins de 15 ans. Dans une interview sur France 2, le garde des Sceaux a tenu à rappeler les récentes décisions:
Grâce au travail des parlementaires et à la mobilisation des associations et des Français, dans les 3 mois, la loi évoluera :
— Eric Dupond-Moretti (@E_DupondM) February 9, 2021
Avant 15 ans, il ne sera plus question pour l'auteur d'invoquer un consentement. pic.twitter.com/5k0YJfgx2e
Grâce au seuil d’âge établi à 15 ans, tout acte sexuel commis par un adulte sur un enfant sera considéré comme un viol et donc comme un crime. En clair, une victime de moins de 15 ans n’aura plus à prouver si elle était consentante au moment des faits. Cependant, le ministre de la Justice a précisé qu’il y aurait des exceptions.
D’abord, un écart d’âge sera prévu entre l’auteur et la victime, écart fixé à 5 ans pour «ne pas criminaliser une relation adolescente consentie qui se poursuit après la majorité du partenaire plus vieux», souligne le communiqué.
Mais c’est le second facteur qui pose problème:
«Et, deuxième élément, il faudra démontrer que l’auteur connaissait l’âge de la victime», a précisé Éric Dupond-Moretti, sur France 2.
«On entendra des auteurs arguer pour leur défense qu’ils n’avaient pas connaissance de l’âge de la victime : “Elle était grande, elle était maquillée, elle était bien formée, je ne pouvais pas imaginer qu’elle avait 14 ans.” La victime devra encore se justifier», affirme Isabelle Aubry à Libération.
L’affaire Julie en est un exemple. La jeune femme, âgée de 13 à 15 ans au moment des faits, accuse une vingtaine de pompiers de viols. La plupart d’entre eux n’ont pas comparu devant la justice, arguant qu’ils ne connaissaient pas l’âge de Julie.
Plus récemment, c’est une autre affaire impliquant un adolescent de 13 ans et quatre hommes adultes pour proposition et atteinte sexuelle qui a été jugée fin janvier à Annecy. Dans ce cas, les explications des accusés confirment les doutes de la présidente de Face à l’inceste. «Rien ne m’a alerté, il était si demandeur et semblait avoir de l’expérience comme un adulte», a répondu l’un des prévenus lorsque la juge lui a montré une photo de la victime.
Les accusés ont finalement été relaxés, la présidente estimant que rien ne prouvait qu’ils connaissaient l’âge de l’adolescent.