Face à la pénurie de vaccins et à un reconfinement, un réel risque de «débordements»?

© AFP 2024 JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGENCouvre-feu en France
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Alors que les Pays-Bas se sont embrasés après l’instauration d’un couvre-feu, les Français sont perdus entre la tentation de la désobéissance civile face au probable confinement et de possibles «émeutes pour se faire vacciner». En première ligne face à cette double colère des Français, l’urgentiste Patrick Pelloux témoigne pour Sputnik.
«On ne peut pas répéter à longueur de journée qu’il faut se faire vacciner et ne pas disposer de doses suffisantes. Que l’on impose un confinement tout en vaccinant massivement à côté, pourquoi pas. Mais là, ce n’est même pas le cas, c’est stérile!»

Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes, alerte au micro de Sputnik sur le manque inquiétant de doses de vaccins et les incohérences de la politique sanitaire.Il estime qu’à l’heure actuelle, seule la vaccination pourra décider le gouvernement à lever les mesures sanitaires restrictives. Le 24 janvier, il est même allé plus loin en affirmant que l’«on n’est pas à l’abri d’émeutes pour se faire vacciner» si les doses continuaient à faire défaut, bien que des doutes sur la capacité du vaccin à empêcher la transmission du virus subsistent

Les choix du gouvernement en cause?

Les accès de colère et de révolte redoutés par l’urgentiste tiendraient donc à une demande massive d’accès aux soins –«pour lesquelles j’ai vu plusieurs personnes prêtes à se battre», confie-t-il à Sputnik– et à une détresse liée à des mesures de confinement que seuls ces inaccessibles vaccins peuvent annuler aux yeux de l’exécutif.

«Il est difficile de dire que l’on aurait fait mieux que le gouvernement, tempère pour autant Patrick Pelloux. Nous sommes face à une véritable crise, une catastrophe qui va durer longtemps. C’est une situation de chaos qu’il doit gérer, ajoutée à une situation sociale qui aura beaucoup de conséquences. L’échec vient surtout de ce que la France a cru pouvoir attendre un vaccin de Sanofi/Pasteur, puis de Moderna avant celui de Pfizer.»

Des erreurs d’appréciation qui coûtent cher à la France par le retard dans la vaccination qu’elles causent. Une situation que Patrick Pelloux juge très inquiétante, mais pour laquelle il estime que l’heure n’est pas au jugement.C’est pourtant bien au jugement et même au procès qu’est la tendance actuelle et à en croire le chef de l’État, le pays aurait engendré «66 millions de procureurs».

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 Lors de son dernier discours, Emmanuel Macron avait ainsi appelé les Français à ne pas systématiquement remettre en cause les choix du gouvernement, mais les mesures en place restent pourtant impopulaires.
Alors qu’un confinement semble être inéluctable aux yeux de l’exécutif et que seule sa date effective n’est pas encore arrêtée –le chef de l’État souhaitant attendre encore avant de prendre la parole et le président du Conseil scientifique estimant que nous ne sommes pas «à une semaine près»– politiques et membres de la société civile sont déjà vent debout. Pour le docteur Pelloux, ne rien faire serait pourtant pire.

«Les variants sont en train d’arriver de manière impressionnante, les chiffres de contamination sont à la hausse, on a vraiment l’impression de rejouer le mois de février 2020. Il faut voir ce que ça donnera d’ici mars, mais il faut confiner tout en vaccinant en continu, sinon ça n’a pas de sens.
Car ce qui est rare est cher et ce qui est cher entraîne de la corruption. C’est ce que nous observons chaque jour, nous médecins, avec des dizaines d’appels par jour pour obtenir des passe-droits pour le vaccin. D’où ce risque de débordements.»

Il faut donc avant tout «une réaction urgente du gouvernement» pour se procurer des vaccins affirme l’auteur d’Urgences de vivre (Éd. Le Cherche-Midi), car il y a visiblement «le feu au lac».

La tentation de la désobéissance civile

Malgré tout, certains citoyens, certains corps de métiers, ne s’arrêtent pas à ces préconisations et considèrent que l’urgence va bien au-delà du vaccin. L’appel à la «désobéissance civile» ne cesse ainsi de prendre de l’ampleur à mesure que l’échéance redoutée d’un confinement se rapproche.

Pour preuve, le hashtag #JeNeMeConfineraiPas figurait en première position des tendances Twitter en fin de semaine dernière et les appels de restaurateurs à rouvrir les restaurants le 1er février se multiplient. Plusieurs responsables politiques et personnalités publiques soutiennent d’ailleurs ces démarches, notamment Jean-Frédéric Poisson, candidat aux prochaines élections présidentielles, qui confirmait récemment au micro de Sputnik son appel à faire front «de manière républicaine».

Deuxième nuit d'émeutes aux Pays-Bas après l'imposition d'un couvre-feu - Sputnik Afrique
Deuxième nuit d'émeutes aux Pays-Bas après l'imposition du couvre-feu - images
 De son côté, le chanteur Francis Lalanne est allé jusqu’à suggérer un coup d’État, un appel dangereux à renverser le Président en place et pénalement répréhensible.

Aux Pays-Bas comme au Liban, de violentes émeutes ont déjà éclaté lors de manifestations anti-couvre-feu et anti-confinement, bien que les réelles motivations politiques de ces soulèvements incitent à la prudence.

Pour Patrick Pelloux, la France peut craindre de tels débordements, d’autant plus que la situation a de quoi paraître insoluble, reconnaît-il.

«Les gens sont à bout et le gouvernement doit se bouger, mais il est paralysé. La manière dont Pfizer lui refuse ses vaccins en faisant monter les prix, par exemple, ça aurait valu, en d’autres temps, une déclaration de guerre et je pèse mes mots!»

Totalement tiraillé entre la nécessité rendue impossible de vacciner le plus grand nombre et les mesures dévastatrices qu’il se voit dans l’obligation de prendre pour pallier cette pénurie, le gouvernement est à la peine.Est-ce pour tenter de trouver un compromis qu’il prolonge son temps de réflexion? «Il faudrait lui demander» répond, prudent, Patrick Pelloux.

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