Les images d’une confrontation sur le port de Marseille lors du Championnat d’Europe de football 2016 ont fait le tour des médias. Le 14 décembre dernier, le procès des deux fans de foot russes accusés d’avoir agressé le supporter anglais Andrew Bache a pris fin. La cour d’assises des Bouches-du-Rhône a infligé dix ans de détention ferme à Pavel Kosov et trois ans à Mikhaïl Ivkine. Ce dernier, détenu depuis trois ans déjà, a été libéré. Il a rejoint la Russie le 1er janvier dernier.
Marseille «était en feu»
À son retour à Moscou, Mikhaïl Ivkine a été interrogé par Anton Dorofeev, journaliste de la chaîne russe Sport24. «Quand nous nous approchions en voiture de Marseille, la ville était littéralement en feu. Pourquoi est-ce à notre encontre qu'il y a ce genre d'attitude?» s’interroge toujours le supporter russe.
Les souvenirs du fan de foot ne se sont pas estompés avec le temps. Ce 10 juin 2016, arrivé de Russie via Barcelone, Mikhaïl Ivkine trouve «des gars» qui vont à Marseille en voiture. Et la ville n’était pas d’un calme olympien bien avant les fameux affrontements entre les supporters britanniques et russes! «À l'entrée, les Anglais se bagarraient contre les Marseillais et la police», raconte le supporter.
Une couverture de L’Équipe a propulsé Mikhaïl Ivkine sur le devant de la scène médiatique. Mais, d’après lui, cette image ne reflétait en rien la réalité. «Les supporters britanniques nous ont attaqués. Dans cette ruelle, il y avait un pub. Toute notre colonne est passée et ils ont attaqué ceux qui fermaient le rang. Lorsqu'ils nous ont jeté des bouteilles, je me suis arrêté et j’ai fait demi-tour. C'est ainsi que je me suis retrouvé sur la photo qui a été publiée dans le magazine», raconte le jeune homme.
«Cela a été présenté au tribunal comme “moi, au premier rang, attaquant les Anglais”», déplore Mikhaïl Ivkine.
Néanmoins, la couverture de ces événements par de simples passants sur les réseaux sociaux a permis de trouver «la» vidéo qui a fini par peser en sa faveur sur la balance de la Justice.
La vidéo qui a fait basculer le procès
«Nous savions aussi –parce que ça a été le cas tout au long de la procédure– que M. Ivkine serait présenté d’une façon parfaitement caricaturale et totalement fausse quant à sa personnalité», déplore maître Pinelli.
Selon l’avocat, une difficulté supplémentaire venait du fait que «l’accusation ainsi que les enquêteurs allaient faire en sorte de poursuivre ce travail, s’agissant de M. Ivkine, en tentant de lui donner une personnalité qu’il n’avait pas». Une vidéo dans laquelle on voyait «très clairement» l’attitude de Mikhaïl Ivkine dans le cadre de cet affrontement a tout changé.
«Cette vidéo nous a permis d’apporter la preuve que, en réalité, les conclusions des enquêteurs tout au long de la procédure étaient en partie erronées et contraires à la vérité», confirme l’avocat.
Ainsi, cet «élément déterminant» a permis d’atténuer le verdict, de façon à obtenir la mise en liberté du supporter.
Procès politique ou pas?
Le supporter russe a été libéré en France le jour de Noël. Revenu en Russie le 1er janvier, il n’ose pas juger de «l’aspect politique ou pas» du procès. «De quelle façon un citoyen d'un pays doit aller voir un match de foot pour que l'affaire soit considérée comme politique?» demande-t-il?
«Mais, pendant le procès, il y avait tout le temps les mentions de notre Président [russe ndlr], des membres de la Douma d'État [chambre basse du parlement russe, ndlr] qui faisaient des commentaires. Tout cela a été présenté comme des circonstances aggravantes», souligne Mikhaïl Ivkine.
Bien qu’avec humour Mikhaïl partage volontiers un cliché de son laissez-passer où un gardien de prison farceur a remplacé sa photo par celle de Poutine, l’aventure lui laisse un arrière-goût amer.
«Dans toute cette histoire, on s'étonne que ce soit à notre encontre qu'il y ait ce genre d'attitude… Deux jours avant le match, les Anglais cassaient déjà tout à Marseille. Et ça serait absolument normal? Ils se battaient contre les habitants de la ville. Ça aussi serait absolument normal? Alors que, au procès, on nous a qualifiés de commandos de Poutine. Ce sont leurs mots exacts », conclut Mikhaïl Ivkine.