Réseaux sociaux, médias, publicité: «Il y a quelque chose de spectaculaire dans cette propagande progressiste»

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Facebook, Twitter, France Télévisions, Radio France: tous unis pour le conditionnement des esprits selon la doxa progressiste? C’est la thèse défendue par Marie Limès, qui publie «Endoctrinement», un recueil de publications en ligne qui, selon elle, infusent au quotidien dans nos esprits le «progressisme» et la «haine de soi». Interview.

«Ce livre est avant tout le constat d’un matraquage». C’est ainsi qu’est présenté en quatrième de couverture Endoctrinement, de Marie Limès, publié aux éditions Ring.

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Cette professeur d’histoire-géographie en ZEP a ainsi collecté, à travers des captures d’écran, les tweets, publications Facebook, titres de presse, publicités et autres tracts de syndicats étudiants qui selon elle «vous endoctrine gentiment, mais profondément».

De là à dire que nous serions tous comme Alex, le personnage principal du Orange mécanique de Stanley Kubrick, à qui l’on inflige des séances de visionnage forcé d’images de propagande afin de le rééduquer moralement, il n’y a qu’un pas. Dans quelle mesure les contenus numériques que l’on s’échange et partage au quotidien nous influencent-ils idéologiquement, sans même que l’on s’en aperçoive? Entretien.

Sputnik: Votre livre propose une compilation de captures d’écran de tweets, d’articles, de publicités, soumis quotidiennement au regard des internautes. Que disent ces images de notre société?

Marie Limès: «Les messages véhiculés par ces captures d’écran sont tous réunis par une même idéologie: celle qu’on appelle aujourd’hui, faute de mieux, le “progressisme”. Certains parlent aussi de “postmodernisme”, d’autres encore plus simplement d’extrême gauche.

L’historien Jean-Pierre Le Goff utilisait l’expression de “gauchisme culturel”. Cette idéologie prend ses racines dans les travaux des intellectuels français des années 1970, autour de Derrida, Deleuze, Foucault, Bourdieu, ce que l’on appelle la “déconstruction”. Comme on sait, elle s’est exportée aux États-Unis. Elle a donné naissance au politiquement correct dans les années 1990, et elle est revenue en France à partir du début du XXIe siècle. On a pu le voir apparaître en France au plus haut sommet de l’État avec les premières nominations de la présidence de Nicolas Sarkozy.

« Je voulais témoigner de ce mode spécifique d’endoctrinement »

C’est pour cela d’ailleurs que ce n’est pas une question d’étiquette de partis politiques, mais bien de courant idéologique. Ce que nous montrent ces images qui défilent sous nos yeux, c’est ce discours de la déconstruction qui était le propre de quelques intellectuels français il y a cinquante ans, puis de la culture américaine pendant trente ans, et qui est devenu désormais la loi morale de notre temps. Nous assistons au triomphe de la déconstruction.»

Sputnik: Pourquoi avoir fait le choix de ne présenter que des images ou presque?

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Marie Limès: «Parce qu’il y a quelque chose de spectaculaire dans cette propagande progressiste. L’arrogance de ces gens-là est si forte qu’elle parvient à se résumer en une seule image. Et parce que je voulais aussi rendre compte du mécanisme spécifique du smartphone: on ne lit pas commodément de longs articles sur son téléphone. On fait défiler. On lit le titre de l’article, le résumé proposé par le community manager du média.

Je voulais avec mon livre témoigner de ce mode spécifique d’endoctrinement. Et je dirais même le documenter. Il faut que dans un siècle, lorsqu’un historien travaillera sur le XXIe siècle, il puisse se rendre compte de ce qui défilait sous nos yeux. Car toutes ces images disparaissent très vite, s’évanouissant dans les limbes d’Internet. Comment pourra-t-on comprendre l’endoctrinement que nous subissons si on ne laisse pas une trace imprimée du miroitement immatériel de la communication virtuelle?»

Sputnik: Quelles sont pour vous les idéologies dominantes qui traversent la société française? 

Marie Limès: «Il y en a deux principales. Il y a d’abord celle qui découle des “post-colonial studies” élaborées dans les universités américaines et que l’on appelle volontiers aujourd’hui en France l’entreprise “décoloniale”. Nous pourrions en parler assez longuement, car c’est un vaste sujet, mais beaucoup se sont déjà exprimés et il me suffit de renvoyer vers L’imposture décoloniale (Éd. de L’Observatoire) de Pierre-André Taguieff.

«On serait en droit d’attendre une plus grande neutralité»

Cette idéologie se définit, pour le dire brièvement, par une forme de haine de soi de la part de l’homme “blanc” dans son rapport aux “non-Blancs”. Elle est puissamment à l’œuvre en Europe et affecte fortement les milieux politiques et culturels. Elle trouve en outre à s’alimenter dans un phénomène anthropologique majeur qui touche l’Europe depuis quelques décennies et qui reste fortement tabou: la transformation de la constitution ethnique du continent européen.

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L’idéologie décoloniale trouve également comme appui la sidérante transformation spirituelle de notre continent. Celui-ci était jusqu’à peu le lieu naturel de l’expression et de l’extension du christianisme. Or, en une ou deux générations, l’Europe a abandonné sa religion ancestrale. Cette disparition affecte brutalement notre identité, que l’on soit croyant ou pas.

La seconde idéologie à l’œuvre est la théorie du genre. Comme la précédente, elle est née en France il y a cinquante ans et elle s’est exportée aux États-Unis avant de nous revenir avec force. Sous cette appellation un peu large, on peut regrouper toutes les remises en cause des usages liés à la différence des sexes. Cela va de l’écriture dite “inclusive” aux manipulations des modes de procréation jusqu’à la redéfinition de la filiation. Là encore, la problématique prolifère et il faudrait de longues pages pour détailler tout cela.»

Sputnik: Une grande partie des articles que vous sélectionnez sont issus du service public (France Culture et France Inter) ou du «quotidien de référence», Le Monde. Considérez-vous que ces médias ont perdu le sens de leur mission originelle?

Marie Limès: «Qu’un média de gauche professe une idéologie de gauche, cela peut sembler naturel, même si la dimension militante peut parfois surprendre. Mais sur les grands canaux du service public que sont Radio France et France Télévisions, on serait en droit d’attendre une plus grande neutralité, une prise de recul par rapport au militantisme “progressiste”.

« Cette idéologie a entièrement contaminé la sphère politique »

Rien de tel pourtant et j’estime que c’est un dévoiement. Pareillement, Le Monde peut difficilement continuer à se prévaloir du titre flatteur de “quotidien de référence” alors qu’il se soumet sans vergogne aux deux idéologies que je viens de citer.»

Sputnik: Peut-on véritablement parler d’«endoctrinement»? N’assiste-t-on pas plutôt à des «bulles de filtres», un phénomène qui serait renforcé par le système d’algorithme des réseaux sociaux? La polarisation de l’information entre médias dits «traditionnels» et médias dits «alternatifs» ne conduit-elle pas à relativiser cette idée de «manipulation de masse», d’après vous?

Marie Limès: «Si, en effet, ce matraquage idéologique se limitait à la presse de gauche (quoique, encore une fois, je ne vois pas pourquoi France Culture devrait être “à gauche”), cela ne serait pas bien grave. Mais ce qui est tragique, c’est de voir que cette idéologie a entièrement contaminé la sphère politique. L’action politique et l’action culturelle sont soumises à des idéologies qui sont essentiellement des forces de destruction de notre civilisation, de nos héritages, de nos identités, de nos filiations. 

«Nous ne savons plus qui nous sommes»

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La masse est ainsi manipulée par France Télévisions, par l’Éducation nationale (je le sais bien, j’en fais partie!) et par la publicité. Voyez par exemple la phrase totalement absurde et totalement fausse: “La France a toujours été une terre d’immigration”. Ce mensonge historique patent est entré dans les consciences et chacun prend cela pour acquis. Et il permet de continuer à ouvrir les frontières, puisque ce serait dans l’ADN même de la France d’accueillir l’immigration. Les médias “alternatifs” sont certes intéressants et valeureux, mais ils ne servent pas de référence pour l’action de nos gouvernants, cela ne vous a pas échappé!»

Sputnik: La dépendance des jeunes générations en particulier vis-à-vis des contenus numériques et des réseaux sociaux vous préoccupe-t-elle?

Marie Limès: «Eh bien figurez-vous que non! Tout au contraire, les contenus numériques permettent précisément d’entendre aussi une autre voix que le discours officiel de la “déconstruction” et de la haine de soi. Ce qui est bien plus préoccupant, en revanche, c’est l’oubli de notre héritage culturel. Nous ne savons plus qui nous sommes.»

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