Accord militaire Israël-Grèce: face à la Turquie, «une logique de dissuasion par l’attrition»?

© AFP 2023 SAKIS MITROLIDIS Une soldat de l'armée grecque défilant à Thessalonique le 28 octobre 2013, lors du défilé militaire marquant la journée nationale grecque de l'"Oxi" (Non), commémorant le refus de la Grèce de se rendre à l'Italie de Benito Mussolini en 1940 pendant la Seconde Guerre mondiale
Une soldat de l'armée grecque défilant à Thessalonique le 28 octobre 2013, lors du défilé militaire marquant la journée nationale grecque de l'Oxi (Non), commémorant le refus de la Grèce de se rendre à l'Italie de Benito Mussolini en 1940 pendant la Seconde Guerre mondiale - Sputnik Afrique
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En passe de conclure avec Israël un contrat militaire d’envergure considérable, la Grèce continue de se renforcer face à l’«expansionnisme» turc. Une stratégie calibrée que le général Jean-Vincent Brisset décrypte au micro de Sputnik.

Athènes poursuit sa mue martiale.

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Après avoir passé, en l’espace de quelques mois, des commandes auprès de la France et des États-Unis pour, respectivement, des avions multirôles Rafale et F-35, après avoir voté l’augmentation significative de son budget militaire pour 2021, le ministère grec de la Défense a approuvé ce 5 janvier un contrat militaire avec Israël pour 1,68 milliard de dollars. Un montant pharaonique quand l’on sait que le PIB grec était de 218 milliards de dollars en 2018 et que son budget Défense était en 2019 compris entre 4 et 5 milliards de dollars.

L’accord, qui doit encore être signé par les deux parties, donnera naissance à une école de pilotage de l’armée de l’air grecque dirigée par la société israélienne Elbit Systems. Prévu sur vingt ans, ce contrat comprend également l’acquisition de dix avions d’entraînement M-346, produits par l’italien Leonardo Spa et équipés par Elbit, la maintenance des avions d’entraînement T-6 grecs, la fourniture de simulateurs et la formation.

Course aux armements en Méditerranée?

Dans un contexte de revendications territoriales turques exacerbant les tensions en Méditerranée orientale, l’armée hellénique cherche tant bien que mal à mettre son armée à niveau.

«On peut effectivement parler de course à l’armement», estime au micro de Sputnik Jean-Vincent Brisset, général (2 s) de brigade aérienne et chercheur associé à l’IRIS.

Si Athènes s’est engagée dans cette voie, c’est parce que «du point de vue quantitatif», elle est dépassée par l’armée turque, qui a un budget, des moyens humains et techniques supérieurs. Avec ces investissements massifs, elle entend pallier –en partie– son retard stratégique.

Une tâche qui n’est pas insurmontable, juge le général (2 s) Vincent Brisset:

En effet, «la Grèce a des forces nettement moins importantes que les forces turques, mais elles existent quand même et ce sont des forces qui ne sont pas négligeables.»

Une mise à niveau qui sera compliquée, selon l’ancien de l’armée de l’air française, car il est aujourd’hui difficile pour des raisons politiques de mesurer concrètement les capacités et le niveau de préparation de l’armée turque.

«Le problème est qu’au niveau public, on n’arrive pas à savoir quelles conséquences ont eu les purges qu’a faites Erdogan au niveau de cadres militaires sur la qualité de son armée et ses capacités opérationnelles. Il y a un vrai problème à ce niveau-là», estime le général.

Face à cette inconnue, quelle stratégie pour Athènes? En effet, les récents investissements militaires grecs, si importants soient-ils, ne vont pas «changer les choses de manière très importante dans les équilibres géostratégiques actuels.»

Compliquer la vie à la Turquie en cas d’attaque?

Selon le chercheur associé à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), la stratégie adoptée par la Grèce est simple:

«Elle veut rendre le plus coûteux possible une attaque éventuelle par les Turcs. La Grèce a de plus en plus de moyens de se défendre et continue d’en acquérir. Elle restera toujours inférieure en termes de capacités militaires globales face à la Turquie, mais elle est clairement dans une logique de dissuasion par l’attrition.»

Et si Athènes s’en remet à cette stratégie, c’est parce qu’elle n’a aucune garantie qu’en cas d’attaque, ses alliés viendront la défendre.

«La Grèce a toujours été un allié compliqué au sein de l’Otan. Elle demeure géopolitiquement et stratégiquement faible comme pays. Peu de pays viendraient l’aider. La Turquie et la Grèce font partie de l’Otan, donc l’alliance ne prendra pas parti pour l’un contre l’autre», rappelle Jean-Vincent Brisset.

Ce dernier estime d’ailleurs que dans l’immédiat, même les grandes puissances européennes, pour des considérations différentes, ne pourraient donner un appui conséquent à la Grèce. Ankara dispose de leviers politiques et stratégiques, comme le «chantage aux migrants», qui paralysent toujours les Européennes face à la Turquie.

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Il en va de même pour Israël, bien que ce pays s’engage à former une partie de l’armée de l’air grecque et même si Benny Gantz, le ministre de la Défense israélienne, s’est félicité de ce «partenariat à long terme qui servira les intérêts d’Israël et de la Grèce, créera des centaines d’emplois dans les deux pays et favorisera la stabilité en Méditerranée

«Israël, sur le plan militaire, n’aidera jamais la Grèce, leur relation est purement commerciale», fait remarquer le chercheur associé à l’IRIS.  

Athènes sait donc à quoi s’en tenir.

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