Les «hommes de Dieu» se positionnent dans la perspective de la présidentielle d’avril 2021 au Bénin! Plus que d’un devoir patriotique, c’est même d’une «mission divine» que procède leur démarche pour le salut de la population…
C’est le cas du pasteur Victorin Denonwoema. «Pasteur du Bénin», comme il se fait appeler. Il a annoncé sa candidature le 17 décembre sur radio Sédohoun. Il a déclaré à l’antenne agir en réponse à un appel divin qui remonterait à 2006.
«Cette révélation date du 5 avril 2006, la veille de l’investiture du président Boni Yayi. Ce jour-là, la voix de Dieu m’est parvenue. Le 11 juillet 2008, le même esprit est revenu me le confirmer. Puis une troisième fois en septembre 2012. (…) Je me suis dit que je ne vais pas attendre le miracle de Jonas avant d’accepter la mission de Dieu», a affirmé Victorin Denonwoema, également cité par Bénin Web.
Rien à voir, donc, avec une vocation de dernière minute! Le pasteur se dit même certain de sa victoire en avril 2021. Il promet d’instaurer une paix séraphique dans le pays et de régler les problèmes qui en minent le développement. «Quand Dieu envoie une vision, il envoie toujours la provision. Cette provision, c’est les hommes de Dieu, le peuple béninois», insiste-t-il, confiant.
Les prélats de l’équipe adverse sont paraît-il, moins nombreux… et moins chanceux. En septembre dernier, un autre pasteur ayant exhorté le Président Patrice Talon à briguer un second mandat (alors que celui a été élu en 2016 en partie sur la promesse de n’en accomplir qu’un seul), a été carrément suspendu par son Église évangélique des Assemblées de Dieu. Entre-temps, la candidature du Président sortant se fait toujours attendre.
Loin d’être des cas isolés
Ces faits sont loin d’être incongrus dans la région. Au Togo, le voisin occidental du Bénin, c’est le Saint-Esprit qui a été à l’œuvre lors de la présidentielle du 22 février 2020. L’archevêque émérite de Lomé, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, qui n’est pas n’importe quel prélat puisqu’il a déjà présidé au nom de l’église catholique en 1991 la Conférence nationale souveraine du Bénin, a tenté d’imposer un candidat unique de l’opposition togolaise à ce scrutin majeur.
Cinq hommes politiques, sûrement les moins dévots de toute la classe politique togolaise, se sont tout de même présentés au scrutin qui a été remporté, haut la main, par le sortant Faure Gnassingbé.
Poursuivre la domination exercée au nom de la religion
La propension des leaders religieux des deux pays à prendre part à la politique, et même à briguer la magistrature suprême, est «compréhensible» au vu du rôle déterminant que la religion a joué autrefois dans l’action politique, selon Éric Pali, enseignant de sociologie politique à l’université de Lomé, interrogé par Sputnik.
C’est plus particulièrement le cas au Bénin, temple du vaudou (religion traditionnelle), où les animistes (18 % seulement de la population d’environ 11 millions d’âmes) continuent de côtoyer une majorité (53%) de chrétiens, catholiques et protestants. Toutefois, ce pays est confronté, depuis quelques décennies, à une montée remarquable des églises évangéliques.
«Ces pasteurs s’affirment en capacité de résoudre les problèmes des citoyens, exploitent donc leur position d'hommes de Dieu, pour planifier la conquête du pouvoir. Les “missions divines” ne sont qu’un moyen de mobilisation électorale pour la conquête du pouvoir politique», conclut-il.