Photonis, «la protection de nos intérêts industriels exige une volonté politique sans faille»

© REUTERS / Philippe WojazerUn soldat français à Paris
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La pépite française Photonis ne sera pas vendue à l’américain Teledyne. Le gouvernement a tranché. Il dit rechercher une solution française. Reste à savoir si cette volte-face de l’exécutif s’inscrira dans la durée. Surtout si Paris continue de céder aux exigences de Bruxelles sur la réorganisation de son économie!

«La souveraineté de la France est notre priorité.» Le 18 décembre, le ministère des Armées annonce le veto de l’exécutif au rachat de Photonis par l’américain Teledyne. Une décision «motivée par la volonté forte du gouvernement français de protéger et garantir [notre] souveraineté», selon l’hôtel de Brienne. Voilà qui devrait mettre un point final à la tentative d’acquisition de la PME girondine par le groupe d’ingénierie californien.

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Une affaire qui dure depuis maintenant plus d’un an! Lorsqu’elle révèle la mise en vente de Photonis par le fonds Ardian, début septembre 2019, La Tribune rapporte l’intérêt que la pépite française éveille chez plusieurs entreprises américaines. Les technologies de Photonis équipent tant les forces spéciales françaises (et américaines) que les sous-marins nucléaires, le télescope Hubble ou encore le grand collisionneur de hadrons (accélérateur de particules) du CERN.

Projet de rachat de Teledyne, quinze mois de tergiversations

En mars, Bruno Le Maire manifeste son opposition au projet de rachat de Photonis par Teledyne. Il enjoint à Thales et à Safran de se pencher sur le dossier. Les deux entreprises refusent. Or il est bien difficile pour l’État de forcer la main de groupes aéronautiques dont il n’est désormais actionnaire qu’à hauteur, respectivement, de 25% et 11%! À la fin de ce même mois de mars, Teledyne rapporte à la Commission de sécurité des échanges (SEC), le gendarme boursier américain, avoir reçu un avis négatif, verbal, de Bercy à sa demande «visant à obtenir une autorisation d'investissement étranger».

Puis, en juillet, l’Élysée finit par donner son feu vert sous condition de laisser Bpifrance entrer au capital de Photonis à hauteur de 10%. En septembre, alors que Paris confirme qu’elle ne s’opposera pas à ce qu’un investisseur étranger rachète Photonis, Teledyne jette l’éponge avant de revenir à la charge courant octobre. Mais il baisse son offre rabaissée de 15%, à 425 millions d’euros. En raison des exigences des autorités françaises, prétexte le groupe américain.

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Seul à rester optimiste face à ce «baroud d’honneur» des Californiens: le sénateur centriste Olivier Cadic. Ce dernier souligne alors que cette baisse de prix met Photonis à portée de portefeuille des fonds souverains français dédiés aux entreprises de défense, dont la puissance de feu financière demeure limitée dès lors qu’on quitte le cadre des start-ups ou des jeunes PME. Une piste qui pourrait donc se concrétiser. Dans son communiqué du 18 décembre, Florence Parly, ministre des Armées, proclame: «L’État travaille avec des acteurs industriels et financiers français à une solution de reprise nationale.»

«Je suis heureux que le gouvernement réalise enfin qu’il doit y avoir une protection de l’industrie française contre le piratage par des sociétés américaines», se félicite, auprès de Sputnik, Jacques Myard, maire Les Républicains (LR) de Maisons-Laffitte.

Fin octobre, Jacques Myard cosigne une lettre du député LR du Vaucluse, Julien Aubert, adressée au Premier ministre Jean Castex. En paraphant ce texte, les élus appellent l’exécutif à prendre conscience de l’enjeu de souveraineté derrière Photonis. Ils invitent à des évolutions législatives, en dehors des traités européens, afin de préserver les entreprises de défense. «Le contrôle des investissements étrangers en France doit être prioritaire», insiste l’édile des Yvelines, estimant: «Le tout-libéralisme, le tout-concurrence est absolument absurde et contraire à nos intérêts.»

​Si c’est aujourd’hui au tour du gouvernement de claquer la porte des négociations, l’élu appelle à rester prudent. «Au fond de lui-même, on voit bien qu’Emmanuel Macron reste un eurobéat, un adepte de l’ultralibéralisme, estime Jacques Myard. Pour moi, il est sous surveillance permanente.»

«Emmanuel Macron –qui peut-être commence à comprendre– va devoir revoir sa copie pour être crédible. Mais il ne suffit pas d’opérer un virage à 180 degrés dans le discours. […] La protection de nos intérêts industriels exige une volonté politique sans faille, une détermination ainsi qu’une cohérence dans l’action», insiste l’ancien député.

Bruxelles, cet autre fossoyeur de la souveraineté industrielle française

La veille de la décision française, l’Allemagne annonçait investir près de 450 millions d’euros afin de prendre le contrôle de 25,1% du capital de la société Hensoldt, un fournisseur de la Bundeswehr vendu en 2017 à un fonds d’investissement américain. Hasard du calendrier? Le journaliste du Monde qui rapporte les faits s’interroge sur l’influence que cette décision d’Angela Merkel pourrait avoir exercée sur Emmanuel Macron dans le dossier Photonis.

«Le problème de l’Europe, c’est qu’elle a une vision totalement irénique, utopique, de l’industrie. Nous sommes, bien sûr, dans un village planétaire. Mais la maison Europe ne peut pas demeurer ouverte à tous les vents et prédateurs, qu’ils soient Américains, Chinois ou autres», assène Jacques Myard, peu surpris par la leçon de protectionnisme donnée par Berlin.

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Mais, au-delà de la nécessité pour les Européens de mieux protéger leurs joyaux industriels de l’appétit des entreprises et fonds extra-communautaires, l’ancien député appelle les responsables politiques nationaux à mieux les protéger de l’UE elle-même. Exemple le plus flagrant à ses yeux, celui d’EDF, appelée à disparaître sur ordre de Bruxelles, qui l’accuse d’être en situation de monopole.

Le groupe public est contraint de se réorganiser. Alors qu’il doit déjà brader l’électricité qu’il produit à ses concurrents pour faciliter leur implantation sur le marché français. Des décisions auxquelles tout gouvernement français doit «s’opposer avec fermeté», estime l’élu. «Nous avions l’électricité, nucléaire notamment, la moins chère d’Europe. C’est un atout. Je ne vois pas pourquoi on cède aux idéologues et aux doctrinaires de Bruxelles», fulmine-t-il.

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