Dans le cadre de la pandémie mondiale de Covid-19, les conséquences de l’isolement social sur la santé mentale et physique n’ont pas encore été étudiées en profondeur. Néanmoins, la tendance à l’isolement est ancienne et le nombre de personnes vivant seules augmente régulièrement depuis des décennies.
Pour étudier les conséquences neurologiques de l’isolement, les scientifiques ont mené nombre de leurs études sur les animaux, dont les souris. L’une des dernières en date a été récemment publiée par des neuroscientifiques du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT).
«La recherche médicale est à l’arrêt» à cause de la pandémie
Les auteurs américains se réfèrent à leurs propres recherches antérieures pour montrer que, chez la souris, les neurones producteurs de dopamine (un neurotransmetteur que l’on a pris l’habitude, en simplifiant les choses, d’appeler «hormone du bonheur»), situés dans le mésencéphale (ou cerveau moyen, une partie essentielle du système nerveux) réagissent à l’isolement, augmentant leur sensibilité aux interactions sociales.
Pierre Bustany, neurobiologiste à Caen, est connu pour avoir démontré il y a plusieurs années «qu’après trois semaines d’isolement sensoriel, le cerveau s’abîme». Néanmoins, il souligne au micro de Sputnik que dans le cadre de la pandémie actuelle, il n’y a pas d’«images de comportement reliées à des bases neuronales comme on le faisait avant le confinement, en IRM», nécessaires pour la recherche.
«On ne sait pas s’il y a des lésions cérébrales liées à l’isolement. Depuis le mois de janvier, on n’a plus le droit de faire des manipulations ou de recruter les patients», souligne Pierre Bustany.
«La recherche médicale est à l’arrêt», déplore le neurobiologiste. Effectivement, si «la recherche fondamentale marche encore», tous les tests médicamenteux, «sauf pour le Covid», sont arrêtés, parce que les scientifiques évitent de faire venir les volontaires à l’hôpital pour tester de nouveaux médicaments. En conséquence, les chercheurs ne peuvent pas avoir de résultats probants.
Lien possible, mais non prouvé entre l’isolement et les troubles cérébraux
«Si vous coupez ces liens [de hiérarchie, ndlr], il est évident que l’on va trouver des manifestations dans le cerveau, au niveau cellulaire. L’homme a un fonctionnement cérébral bien particulier, qui peut avoir des conséquences sur des cellules. Mais l’animal a un psychisme beaucoup plus primaire», rappelle le neurobiologiste.
Le scientifique rappelle que dans les expériences où l’on place des rats «seuls dans une cage», les animaux sont «plutôt contents de ne pas avoir à lutter.» On ne peut pas calquer sur l’homme les expériences faites sur des rongeurs qui, se trouvant à deux, vont se battre pendant deux à trois jours «pour déterminer un dominant». «Chez l’homme, il y a plus de coopération, de liens», souligne le professeur Bustany.
«Le confinement peut être gênant, mais on n’a encore rien étudié du point de vue cellulaire. Si les gens souffrent, il y a une traduction métabolique, forcément. Les neurones et les cellules autour des neurones marchent moins bien. Mais pour l’instant, personne n’a encore rien mesuré», détaille Pierre Bustany.
Le neurobiologiste français estime ainsi qu’en période d’isolement, quand un sujet exprime «une envie de sortir», celle-ci pourrait s’assimiler au «système de l’envie, au système du manque», englobant «les activités nécessaires à la prolongation de la vie et à sa préservation (de bas niveau de raisonnement).» Mais malgré le fait que «l’homme est le seul animal capable de tourner son agressivité contre lui-même» et que pendant le confinement «l’homme pense sans s’arrêter, en rond», le professeur Bustany insiste sur le fait que «sans imagerie nécessaire pour la recherche», aucun résultat probant ne peut être avancé.