AME, étrangers malades, aide au retour: la France victime de sa générosité?

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L’Aide médicale d’État, destinée aux seuls immigrés clandestins, coûtera au moins un milliard d’euros aux finances publiques en 2021. Au-delà de ce nouveau record, Jean Paul Gourévitch, auteur de plusieurs ouvrages sur les migrations, estime que la procédure «étrangers malades» et l’aide au retour sont autant de dispositifs dévoyés.

Nouveau record pour l’Aide médicale d’État (AME) dont le nombre de bénéficiaires atteindrait les 334.456 bénéficiaires au 31 décembre 2019, selon la commission des lois du Sénat. Soit une hausse de 5% en une année (318.106 bénéficiaires), pour une dépense budgétisée de 1.061 millions d’euros dans le projet de loi de finances 2021, selon Le Figaro.

Malgré sa précision, «ce chiffre est sous-estimé», tranche auprès de Sputnik Jean-Paul Gourévitch, consultant international sur l’Afrique et les migrations. «Il ne tient pas compte de la fraude réelle et de la fraude identitaire», précise-t-il.

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L’auteur du Grand Remplacement, réalité ou intox? (éd. Pierre-Guillaume de Roux) ou encore de La France en Afrique, 1520 - 2020: vérités et mensonges (éd. L’Harmattan) rappelle à ce titre l’important volume de cartes Vitale surnuméraires en circulation: 2,6 millions, à en croire les déclarations sous serment de la directrice de la Sécurité sociale, lors de son audition devant la commission parlementaire sur la fraude aux prestations sociales en février 2020.

Jean-Paul Gourévitch évoque notamment la fourchette de 200 à 800 millions d’euros, issue du rapport du sénateur Modem Jean-Marie Vanlerenberghe, où ce dernier tentait d’estimer le préjudice annuel engendré par la fraude au Fichier des personnes nées à l’étranger (notamment par le biais du numéro d’inscription au répertoire, NIR), porte d’entrée du système social français.

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Les contrôles visant à endiguer la fraude réelle apparaissent aux yeux du consultant «très dérisoires». «Il y a moins de 200 personnes affectées au contrôle de l’AME, soit une pour 1.750 personnes», souligne ainsi Jean-Paul Gourévitch, alors même que le montant de ce dispositif a «été multiplié par 5 et le budget par 24» depuis sa création par Lionel Jospin et Martine Aubry à la toute fin des années 1990. Pour couronner le tout, à cela s’ajoute une budgétisation visiblement optimiste. Ainsi, pour la seule année 2015, notre intervenant souligne un écart entre les prévisions de dépenses et les dépenses effectives de 107 millions d’euros au titre de l’Aide médicale d’État.

«Grossièrement on peut dire que l’AME coûterait, probablement, autour de 1,5 milliard d’euros par an», estime Jean Paul Gourévitch, «c’est-à-dire près de 50% de plus que ce qui est inscrit au budget».

Celui-ci met également en garde contre ceux qui seraient tentés de tirer des conclusions sur le nombre de sans-papiers dans l’hexagone. En effet, s’il y a bien au moins 334.456 clandestins en France, «tous les étrangers en situation irrégulière ne sont pas automatiquement des gens malades et qui cherchent à bénéficier de l’AME». Ainsi, «le chiffre de 350.000 est une base minimale», précise le spécialiste des questions migratoires. Ce dernier estime, pour sa part, entre 500.000 et 800.000 le nombre d’individus illégalement présents en France.

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Au niveau des coûts pour les finances publiques, Jean-Paul Gourévitch tient également à attirer l’attention sur la procédure des étrangers malades. En l’occurrence, des individus pouvant bénéficier d’un titre de long séjour au motif qu’ils n’ont pas accès à un traitement dans leur pays d’origine (même si celui-ci y est disponible). Une thématique qu’aborde d’ailleurs Le Figaro avec le directeur de l’Office français pour l’immigration et l’intégration (OFII), Didier Leschi, qui estime les bénéficiaires de ce dispositif à «plus de 30.000» en France.

Bien que l’on quitte le cadre de l’AME, dans la mesure où ceux qui bénéficient d’une telle aide ont effectué un minimum de démarches afin de régulariser leur situation, Jean-Paul Gourévitch estime là encore que leur nombre est sous-estimé, le situant plutôt «aux alentours de 40.000». Le système lui-même aurait été de surcroît en grande partie dévoyé.

«Toute cette procédure des étrangers est complètement détournée avec la complicité de certaines associations d’aide aux migrants, qui ne s’en cachent pas, et qui disent que c’est le moyen de permettre à tous ceux qui n’ont pas pu bénéficier d’une procédure d’asile pour rester en France et cela touche les filières de passeurs.»

Autre question migratoire abordée par l’équipe du Figaro avec le directeur de l’OFII: celle de l’aide au retour. Le quotidien rappelle à cet effet que seulement 15% des mesures d’éloignement prononcées sont respectées en France. Afin d’inciter les clandestins à repartir d’eux-mêmes vers leurs pays d’origine, celle-ci verse «jusqu’à 1.800 euros pour que l’étranger en situation irrégulière accepte de prendre l’avion,» précise ainsi Didier Leschi, qui ajoute que la France peut «investir pour lui jusqu’à 10.000 euros dans son pays». Une somme «qui pourra lui permettre de monter une activité, un commerce, un élevage, une entreprise».

Le système nous pétera-t-il au nez?

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Au-delà du fait qu’il y aurait «beaucoup plus d’échecs que de réussites», selon ses dires, Jean-Paul Gourévitch souligne les vices affectant ce système. À commencer par l’impossibilité de prédire un potentiel retour de la personne ayant consenti au départ, «s’ils veulent revenir en France, on ne le saura que lorsqu’ils remettront le pied en France», insiste notre intervenant. Plus difficile à contrer, la «possibilité de détournement» du dispositif via la venue organisée en France d’autres membres de la famille du reconduit afin que ces derniers puissent récupérer pour lui la coquette somme.

Jean-Paul Gourévitch regrette la suppression, à l’arrivée au pouvoir de François Hollande en 2012, du droit d’entrée de 30€, pour l’Aide médicale d’État (AME) qui fut portée par Claude Goasguen l’année précédente. «Cette contribution médicale ne visait pas à arranger la Sécurité sociale, mais à diminuer la xénophobie», relate-t-il. Pour sa part, le député-maire du XVIe arrondissement mettait régulièrement en garde contre ce système qui «va nous péter au nez». Celui-ci dénonçait déjà l'opacité du ministère de la Santé et l’important écart entre le chiffrage dans le budget de ce dispositif «victime de son succès» et son coût réel pour le contribuable. Pour lui, dans un rapport annexé au PLF 2016, le coût de l’AME avait dépassé 1,1 milliard d’euros.

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