Cette fois, pas d’encyclique, mais un petit livre. Enfin, le pape reprend quand même dans son essai, Un temps pour changer (Éd. Flammarion), les grandes lignes de ses lettres publiques adressées au Clergé et aux fidèles. Une manière de politiser encore davantage son pontificat, aux multiples enjeux sociétaux.
Une approche presque militante qui pourra surprendre, mais qui ne le devrait pas. Après tout, le Vatican s’est toujours mêlé de politique et aurait «pleine légitimité à le faire», selon Laurent Dandrieu, auteur du livre Église et immigration, le grand malaise (Éd. Presses de la Renaissance). «Elle a à l’évidence beaucoup de choses à dire sur la manière de tendre au bien commun», pense le journaliste.
Un pape (trop) humaniste?
Une culpabilisation «systématique» des catholiques qui ne partagent pas ses positions politiques personnelles, dénonce Laurent Dandrieu, qui précise ces dernières:
«Il s’agit avant tout de la manifestation d’un sans-frontiérisme, où le christianisme ne s’incarne plus dans des cultures données, propres à chaque peuple, mais tend à un grand melting-pot universel où les peuples et les cultures sont appelés à se dissoudre…»
Dans ce dernier livre, comme dans le précédent, le pape réaffirme en effet le primat de la solidarité et de l’entraide, rendu plus flagrant que jamais avec la crise sanitaire mondiale qui «démasque notre vulnérabilité, expose les sécurités fausses sur lesquelles nous avions construit nos vies.»
La pandémie de Covid-19 est, selon le chef de l’Église, l’occasion de réaffirmer les valeurs principales qu’il a pu développer lui-même. Notamment, la notion d’écologie intégrale, mais aussi et surtout l’accueil des migrants, dont il déclare qu’ils ne sont pas une «menace pour le christianisme».
Un pape qui divise?
«Rejeter un migrant en difficulté, quelle que soit sa croyance religieuse, par peur de diluer une culture “chrétienne”, c’est déformer de manière grotesque à la fois le christianisme et la culture», énonce-t-il, pointant également du doigt un repli identitaire qui ne serait pas chrétien, un «fantasme nationaliste» qui défendrait «une civilisation chrétienne», tandis que ceux qui y adhèrent ne croient plus.
Un angélisme papal, regrette Laurent Dandrieu:
«À force de nous exhorter à voir les migrants comme des personnes et non comme des masses, le pape François refuse de considérer les bouleversements démographiques et les rapports de forces qu’ils induisent dans une Europe qui, en partie à cause de l’immigration de masse, est de moins en moins une terre de chrétienté.»
Faut-il déceler une convergence des gauches, alors que dans les nouveaux souhaits formulés par le pape pour l’humanité figure l’élaboration d’un revenu universel, celui-là même que défend l’ancien candidat socialiste? Laurent Dandrieu tempère la perspective d’une division radicale des catholiques:
«Un schisme ne peut porter que sur des questions doctrinales, qui ne sont pas en jeu ici. Mais il est certain que ces prises de position personnelles, souvent très tranchées, ne peuvent que susciter un malaise croissant chez des catholiques, qui se sentent en quelque sorte pris en otage par des opinions pourtant souvent contestables, comme cette idée de revenu universel.»
En tout cas, la séparation du spirituel et du temporel semble plus ténue que jamais.