L’embargo chinois se renforce contre l’Australie, «chien de garde des États-Unis», selon Pékin

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Premier partenaire commercial de l’Australie, la Chine continue à renforcer l’embargo contre l’île-continent. Des sanctions commerciales qui répondent à des tensions politiques bilatérales. L’alignement sur les positions américaines est-il en train de coûter cher à l’Australie? Sputnik a interrogé Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine.
«La Chine est en colère. Si vous faites de la Chine l’ennemie, la Chine sera l’ennemie.»

Cette sentence d’un officiel chinois incarne les relations tendues à l’extrême entre la Chine et l’Australie. Après l’orge et le bœuf, c’est désormais au tour du vin australien d’être frappé de lourdes sanctions chinoises. Pékin a annoncé le 27 novembre la mise en place de mesures antidumping contre l’importation des vins provenant de l’île-continent, qui s’ajoutent à la liste des produits bannis depuis début 2020 par le premier partenaire commercial de l’Australie. Des sanctions économiques qui traduisent des tensions politiques qui vont crescendo entre les deux pays, surtout depuis le soutien du Premier ministre australien à l’enquête internationale sur l’origine du Covid-19.

«Ne jamais reconnaître officiellement qu’il y a des sanctions commerciales»

Pour Antoine Bondaz, chercheur à la FRS (Fondation pour la Recherche stratégique) et spécialiste de la Chine, ces récentes mesures commerciales sont loin d’être anecdotiques pour l’économie australienne, souffrant d’un syndrome de dépendance vis-à-vis de Pékin.

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«90% des exportations» de homard australien «se font vers la Chine». Le marché du vin en Chine représentait une aubaine pour le vin australien qui avait détrôné les vins français en 2019 en termes de consommation. Dès le 28 novembre, ces importations ont ainsi été soumises à des surtaxes compensatoires comprises entre 107,1 et 212,1%, au profit de l’industrie viticole nationale. Le sucre, l’orge, le charbon et le coton sont également visés. Une autre «énorme» source de revenus dont risque d’être privée l’Australie, ce sont les étudiants et touristes chinois. En juin, Pékin leur avait déconseillé de s’y rendre, dénonçant des incidents à caractère raciste. «Ce que fait souvent la Chine, c’est de ne jamais reconnaître officiellement qu’il y a des sanctions commerciales», rappelle le spécialiste:

«Ce que fait la Chine a des précédents, elle l’a fait vis-à-vis de nombreux autres pays, c’est utiliser ces pressions commerciales à des fins politiques. On l’avait vu il y a quelques années avec la Norvège sur le saumon après que le Prix Nobel a été accordé à Liu Xiaobo, on l’avait vu en Corée du Sud sur les cosmétiques après que Séoul a déployé un système antimissiles THAAD.»

La seule nouveauté, considère-t-il, c’est la profusion d’articles de presse en Chine depuis quelques mois qui déterminent explicitement ce lien entre ces sanctions commerciales qui ne disent pas leur nom et la dégradation des relations politiques.

Pékin dénonce des crimes de guerre de Canberra en Afghanistan

C’est un fait public, les relations diplomatiques bilatérales sont loin d’être au beau fixe. Scott Morrison, le Premier ministre australien, a jugé ce 30 novembre «scandaleux» un tweet du porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, dénonçant les crimes de guerre en Afghanistan commis par les forces spéciales australiennes, des faits avérés par un récent rapport.

«Choqué par le meurtre de civils et de prisonniers afghans commis par des soldats australiens. Nous condamnons fortement de tels actes et demandons à ce qu’ils rendent des comptes.»

Ce même porte-parole avait expliqué à la mi-novembre que les «manœuvres provocatrices et conflictuelles» de Canberra étaient responsables des «difficultés actuelles» des relations bilatérales. Le chercheur de la Fondation pour la Recherche stratégique confirme que «l’Australie s’est exprimée sur certains sujets qui n’ont pas du tout plu à la Chine». Il évoque l’existence d’un «vrai débat, un focus» sur les relations avec Pékin, qui se traduit par la multiplication de «publications extrêmement poussées et extrêmement critiques» vis-à-vis de la Chine, notamment celles éditées par le think tank public ASPI (Australian Strategic Policy Institute). Plus concrètement, l’Australie a adopté plusieurs mesures, dont l’exclusion de Huawei du marché de la 5G, mais aussi certaines visant à lutter «contre les interférences chinoises, notamment en matière de financement de la vie politique australienne» et contre l’espionnage chinois.

Sanctions, contre-sanctions, entre Canberra et Pékin, le ton monte

Réponse du berger à la bergère, une liste de 14 griefs chinois à l’encontre de Canberra a déjà fuité le 19 novembre, accusant notamment l’Australie de «se ranger du côté des États-Unis» dans l’actuel affrontement sino-américain. Car c’est bien là le nœud du problème, estime Antoine Bondaz:

«Du côté chinois, l’Australie a beaucoup été critiquée très ouvertement comme étant “le chien de garde des États-Unis.”»

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Très vieil allié de Washington, Canberra a participé pour la première fois en novembre à des manœuvres militaires avec le Japon, les États-Unis et l’Inde au sein du Quad (Quadrilateral Security Dialogue). Ces sanctions peuvent-elles avoir un effet sur les relations américano-australiennes? Antoine Bondaz ne le pense pas et relativise leur impact:

L’objectif de ces mesures chinoises serait plutôt «d’envoyer un message aux autres pays, de dissuader potentiellement d’autres pays de la région d’adopter plus largement des politiques qui sont considérées par la Chine comme confrontationnelles, en tout cas, trop alignées sur les États-Unis. Cette dimension de message envoyé aux autres est importante. Envoyer un message à l’Australie, c’est clair […] Mais ce ne sont pas ces sanctions qui vont faire plier l’Australie et la Chine le sait parfaitement.»
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