Tous les spécialistes sont d’accord: le retard dans le traitement d'un cancer accroît les risques. Pourtant, l’arrivée de la pandémie de Covid-19 a poussé la profession à une déprogrammation massive d’actes de chirurgie et a freiné un système de dépistage bien rodé des cancers les plus fréquents.
Objectif: éviter de déprogrammer les opérations
La pandémie a pris tout le monde au dépourvu. Même si les patients atteints de cancer ne présenteraient finalement pas un risque supplémentaire face au Covid-19, une étude publiée dans le British Medical Journal démontre cependant qu’un retard d'un mois seulement a un effet significatif sur leur potentielle guérison.
«On a été obligé de déprogrammer toutes les interventions chirurgicales», déplore-t-elle.
La surcharge «pandémique» des lits d’hôpital à travers la France a eu comme conséquence la déprogrammation massive d’actes chirurgicaux non seulement «des pathologies du cancer, mais des greffes, des pathologies cardiaques et neurovasculaires». Le secteur privé en a tiré des leçons.
«On a essayé d’éviter au maximum [cette situation, ndlr] pendant la seconde vague. On ne vivra pas cela une seconde fois. On a fait le calcul des lits de réa en fonction du maintien de capacités minimum pour les pathologies lourdes», explique Anne Mallet.
Dans un autre registre, la pandémie a eu également comme conséquence l'annulation de plusieurs opérations pour récolter des dons, une des sources non négligeables pour améliorer la qualité de vie des patients.
«Néanmoins, on est certain que c’est une situation réelle. Malgré le fait qu’en été, il y a eu un début de rattrapage sur les interventions déprogrammées, elles étaient stoppées par la seconde vague.»
La secrétaire nationale de l’UNHPC rappelle que «sur les différents territoires, des collaborations ont été mises en place» pour que ces patients puissent continuer à être pris en charge «avec un système de priorisation». La priorité a été donnée aux personnes qui ont été déprogrammées au printemps et les hôpitaux «essaient à tout prix de maintenir les interventions qui viennent d’être programmées».
«Il faut venir consulter»
Un autre aspect est encore plus difficile à chiffrer –«davantage que le nombre d’interventions»: combien de patients sont restés chez eux malgré l’apparition de signes cliniques parce qu’ils «ont eu peur d’aller consulter»?
«C’est inchiffrable, on n’a aucune donnée. On sait que ça existe, mais on ne pourra en estimer l’ampleur que des mois, voire des années plus tard. Ce sera visible en fonction du stade auquel ils sont pris en charge en tant que nouveaux patients», détaille Anne Mallet.
Mais il y a encore un troisième point de blocage, psychologique celui-ci:
«Il est difficile de convaincre les patients. Il y a eu une grande inquiétude au niveau de la population quant au risque d’attraper le Covid à l’hôpital», constate Anne Mallet.
Cependant, «pour pouvoir comparer les statistiques, il faut avoir des informations». En clair, il est difficile pour l’instant de présenter les résultats chiffrés des conséquences du retard dans la prise en charge des patients oncologiques, mais le Dr Mallet appelle à «ne pas être alarmiste».
«Toute la profession essaie de faire passer le message: il faut venir consulter. On s’est tous organisés pour que la prise en charge soit sécurisée. En cancérologie du secteur privé que je représente, l’activité n’a que très peu diminué», conclut-elle.