Dans l’une des nombreuses boutiques qui bordent une rue secondaire du quartier Bonapriso à Douala, la capitale économique du Cameroun, la lingerie fine décore la vitrine d’un magasin de sous-vêtements féminins et masculins. Et si on regarde attentivement la devanture, on peut clairement lire sur l’enseigne la mention «Gadgets coquins». Dans un espace attenant à la boutique, la gérante nous présente son stock.
«Nous vendons des sextoys de tous types ici: des godemichés, des anneaux péniens, des menottes, des vibromasseurs... Ce n’est qu’une partie qui exposée là. Vous pouvez aussi en commander et nous vous livrerons dès que possible», indique-t-elle.
Si ici, la vente de jouets sexuels est clairement assumée, d’autres boutiques dédiées à la lingerie dans les principales villes du pays, même si elles en proposent, n’en font pas mention. Les commerçants optent encore pour une présentation discrète à l’arrière-boutique. Dans un contexte où aborder la question sexuelle dans l’espace public demeure tabou, il est toujours rare de trouver des commerces physiques exclusivement dédiés à ce commerce.
«La vente des jouets sexuels en ligne a ceci de particulier que c’est plus discret. Il suffit de choisir son modèle et de passer commande pour ensuite être livré. À partir de 10.000 francs CFA (18 dollars), le client peut avoir son gadget intimiste, mais les prix peuvent aller jusqu’à 50.000 francs CFA (90 dollars). Tout dépend de la marque et de la matière. Je gagne plutôt bien ma vie en faisant cela», lance-t-elle, fière.
Pimenter sa vie sexuelle
Si le public est autant attiré par ces objets érotiques, c’est parce qu’ils permettent, nous renseigne cette vendeuse, de rompre avec une sexualité devenue routinière.
«Mes clients sont à 80% des personnes adultes et mariées. Les 20% qui restent sont des célibataires. Pour la première catégorie, le recours aux sextoys répond, selon ma petite étude de marché, à un besoin de nouvelles expériences dans la vie de couple. La seconde est plus animée par la curiosité et le désir de combler l’absence d’un partenaire sexuel» détaille Ordy Bitschong.
«Mon mari est loin de moi et cela me permet de me satisfaire et combler le vide», répond Clara H., 35 ans, sur les raisons qui l’ont poussée il y a deux ans à se procurer son premier sextoy. D’autres, comme Christelle D., ont franchi le pas après une énième déception amoureuse.
«Après ma dernière rupture, j’ai décidé de ne pas précocement entamer une nouvelle expérience. Que faire en attendant?», suggère-t-elle, un sourire en coin.
Un marché à l’ombre des préjugés
Si la demande va croissant, selon les confidences de quelques distributeurs contactés par Sputnik, il reste que beaucoup préfèrent se ravitailler sur le marché noir. Principale motivation? Échapper aux regards et aux préjugés.
«Pourtant, je reçois des commandes tous les jours via mon compte Facebook. C’est comme le porno, tout le monde ou presque regarde mais personne ne veut assumer. Nous vivons dans une société très conservatrice où certaines pratiques peuvent très vite être considérées comme une atteinte à la morale», conclut-il.
Malgré les barrières culturelles, les sextoys rentrent progressivement dans les habitudes au Cameroun. Vendus majoritairement en ligne, ces jouets révèlent le côté grivois d’une Afrique dont la sexualité tente de s’affranchir des tabous qui l’enchaînent.