Présidentielle américaine: Pennsylvanie, la mère de toutes les batailles électorales

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Décisive dans la victoire de Donald Trump en 2016, la Pennsylvanie conserve en 2020 ce statut d’État clé, crucial pour obtenir la victoire à la Présidentielle du 3 novembre. La mort d’un jeune homme noir, qui menaçait des policiers, changera-t-elle la donne? Les deux candidats s’y livrent en tout cas une bataille sans merci. Analyse.

«On gagne la Pennsylvanie, on gagne l’élection!» s’exclamait Donald Trump devant une foule électrique, lors d’un discours de campagne ce 26 octobre dans la vallée de Lehigh, en Pennsylvanie. Si la phrase du Président peut une nouvelle fois sembler exagérée dans la forme, elle n’en est pas moins juste sur le fond.

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Selon un modèle réalisé par Fivethirtyeight, un institut de sondage indépendant repris par la quasi-totalité des médias outre-Atlantique, progressistes comme conservateurs, Trump aurait 84% de chances de rafler la mise s’il remportait l’État, tandis que Biden aurait 96% de chances de gagner si la Pennsylvanie virait au bleu. En 2016, Hillary Clinton y avait mordu la poussière à 40.000 voix près.

20 grands électeurs

Mais comment cet État de 12,8 millions d’habitants pourrait-il être la clé de voûte de l’élection présidentielle américaine? La raison principale est que la Pennsylvanie est l’État de la «ceinture rouillée», nom donné aux États de la région industrielle du nord-est des États-Unis, qui compte le plus de grands électeurs: 20 à lui seul. Il pointe donc à la cinquième place des États en termes de nombre de grands électeurs derrière la Californie, le Texas, la Floride et New York.

© SputnikLa présidentielle américaine est un scrutin indirect. Les citoyens élisent un collège électoral, qui choisit le Président. Ces grands électeurs sont répartis en fonction de la population de chaque État et le candidat qui remporte majorité des suffrages dans un État remporte tous les grands électeurs dudit État. Il faut donc gagner le maximum d’États avec le plus grand nombre de grands électeurs pour avoir plus de 270 grands électeurs et remporter la victoire.
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La présidentielle américaine est un scrutin indirect. Les citoyens élisent un collège électoral, qui choisit le Président. Ces grands électeurs sont répartis en fonction de la population de chaque État et le candidat qui remporte majorité des suffrages dans un État remporte tous les grands électeurs dudit État. Il faut donc gagner le maximum d’États avec le plus grand nombre de grands électeurs pour avoir plus de 270 grands électeurs et remporter la victoire.

La Pennsylvanie est donc, avec la Floride, où la bataille pour les 29 grands électeurs risque d’être rude, l’un des États charnières les plus importants. Ces États clés, indécis, sont ceux qui n’ont pas de candidat clairement victorieux dans les sondages et qui, selon les experts, pourraient faire pencher la balance lors des élections du 3 novembre.

Donald Trump a gagné l’État avec 0,7% d’avance en 2016

La Pennsylvanie est l’État clé où Trump talonne Biden dans les sondages. Là où il a le plus à gagner. Dans l’Ohio, où se jouent 18 grands électeurs, c’est le Président sortant qui domine le Démocrate dans les études d’opinion. Or, pour le moment en Pennsylvanie, Joe Biden devance Donald Trump dans les sondages de 5,7 points, ce qui ne garantit en rien sa victoire. Une erreur dans les sondages ou un retournement de situation de dernière minute pourraient rapidement annihiler cette courte avance et faire tomber les précieux 20 électeurs dans le camp Républicain.

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Un scénario qui semble d’ailleurs en passe de se réaliser: lundi 26 octobre, des émeutes rappelant celle de Black Lives Matter ont éclaté à Philadelphie, la plus grande ville de l’État, après qu’un jeune homme noir ait été tué par la police, alors qu’il s’avançait vers eux avec un couteau. Du pain béni pour Donald Trump? Comme le rappelait Gérald Olivier, auteur du blog France-Amérique, au micro de Sputnik:

«Aujourd’hui, comme dans les années 60, les électeurs apeurés par les violences vont se réfugier vers le parti de l’ordre.»

Inversement, cette affaire pourrait mobiliser davantage la communauté afro-américaine de l’État. En 2016, seuls 63% de cette dernière, qui s’élève à 1,6 million de personnes, s’est rendue aux urnes.

Alors les deux concurrents ont tout misé sur cet État. Le camp progressiste y a dépensé 121,5 millions de dollars et celui de Trump 74,2. Soit en tout 195,7 millions de dollars, la deuxième plus grosse enveloppe pour un État derrière la Floride (257 millions de dollars). Lundi 26 octobre, le Président en exercice n’y a pas tenu un, mais trois meetings dans la même journée. C’est aussi l’État clé où Joe Biden a le plus fait campagne. Même Barack Obama, son fidèle acolyte, est venu mobiliser les troupes le 22 octobre lors de l’une de ses rares apparitions durant la campagne.

Et s’il s’investit autant, c’est parce que l’ancien Vice-Président dispose de plusieurs arguments de taille pour séduire l’électorat de Pennsylvanie. Celle-ci est la terre natale de Joe Biden, et ce dernier ne vient pas de la ville cosmopolite de Philadelphie, déjà acquise à la cause Démocrate. Il est originaire de Scranton, une ville ouvrière de 70.000 habitants, au cœur de l’État. Le candidat Démocrate rappelle constamment ses origines modestes et que ses parents ont connu les mêmes difficultés que vivent aujourd’hui les électeurs blancs, souvent sans diplômes, qui souffrent de la désindustrialisation. Mais jouer sur la corde sensible suffira-t-il?

La Pennsylvanie, encore récemment un bastion Démocrate

Exception faite de la dernière élection présidentielle, de 1988 à 2016, la Pennsylvanie a systématiquement voté pour le parti Démocrate aux élections présidentielles. Mais elle a évolué durant les deux dernières décennies. En témoigne le nombre de personnes syndiquées dans l’État, qui est passé de 27,5% en 1983 à 12,0% en 2019. Or, les syndicats ont historiquement joué un rôle important dans la mobilisation en faveur du parti Démocrate, qui était autrefois le parti des travailleurs blancs modestes.

Il y a quatre ans, Donald Trump avait su susciter l’engouement de ces «travailleurs en col bleu», arrachant leurs voix au parti Démocrate. Et le discours qu’il tient lors de ses meetings en Pennsylvanie suggère qu’il n’a pas changé de stratégie en 2020:

«Joe Biden est un mondialiste convaincu qui a détruit vos aciéries, fermé vos usines, supprimé vos emplois dans le secteur du charbon… et soutenu tous les accords commerciaux horribles, terribles et ridicules depuis un demi-siècle», a-t-il déclaré à Lititz, une petite ville située au milieu de la Pennsylvanie.

Reste à savoir si cet angle d’attaque en Pennsylvanie sera aussi efficace contre Biden qu’il l’a été envers Clinton. Réponse le 3 novembre.

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