Le fils de Joe Biden, Hunter, devient un caillou de plus en plus gênant dans la chaussure du candidat démocrate. Lien avec un réseau de trafic sexuel, 3,5 millions de dollars reçus de la femme de l’ex-maire de Moscou, conflit d’intérêts, trafic d’influence… Plus le jour de l’élection américaine se rapproche, plus les déboires de Hunter Biden remontent à la surface.
Hey folks, our national polling average is now Biden +9.2, as compared with Biden +9.7 yesterday. What caused the change given that the national tracking polls were decent for Biden this AM? It's older polls dropping out of the average.https://t.co/cy51vc5isJ pic.twitter.com/13oHKIpiEo
— Nate Silver (@NateSilver538) October 24, 2020
Pourtant, les courbes des sondages d’intentions de vote ne bougent pas au niveau national depuis les premières révélations au début du mois d’octobre. Joe Biden oscille toujours entre 51% et 52%, et Donald Trump entre 41% et 42%. Un phénomène étonnant au vu de la gravité de certaines accusations. Notamment celle découverte dans un MacBook Pro censé appartenir à Hunter Biden, faisant état d’un «e-mail explosif» révélant comment le fils du candidat a présenté un homme d'affaires ukrainien à son père, à l’époque vice-président. Une accusation démentie par le camp Biden.
Un dossier trop léger, rendu public trop tard
Mais, vraie ou fausse, l’info a désormais peu d’importance. C’est «trop peu, trop tard», estime au micro de Sputnik Olivier Piton, avocat basé à Washington et auteur de La Nouvelle révolution américaine (Plon, 2016):
«Trop peu d’abord, car les informations sont encore extrêmement parcellaires. Les républicains, ou en tout cas une partie d’entre eux, tentent d’affirmer à partir de ces informations que Joe Biden est corrompu, mais ce qui est sorti reste trop léger. Si ces informations étaient prouvées, cela ferait l’effet d’une bombe, mais nous n’en sommes pas encore là.»
Selon l’avocat, qui suit au quotidien l’évolution de ces dossiers, «il n’y a pas de preuve absolue de la culpabilité de Joe Biden». Ou en tout cas, «rien qui ne puisse entamer le bipartisme qui est actuellement en place aux États-Unis.»
La presse aussi polarisée que l’électorat
«Le fait que l’affaire ne sorte qu’un mois avant l’élection ne lui permet pas d’avoir d’importantes conséquences d’un point de vue électoral. Surtout sans la possibilité de pouvoir clairement lier les déboires de Hunter à son père», juge Olivier Piton.
Mais le cœur du sujet n’est pas là, considère le juriste. Pour lui, cette affaire est une nouvelle illustration de l’extrême polarisation politique et médiatique des États-Unis:
«Quelles que soient les affaires qui sortent d’un côté comme de l’autre, la presse, dépendamment de son affiliation politique, ne va pas du tout agir de la même manière. Y compris la presse dite “mainstream”», affirme Olivier Piton.
Un phénomène qui s’est encore accentué depuis l’élection précédente. Avant et pendant la campagne de 2016 entre Hillary Clinton et Donald Trump, le New York Times ou le Washington Post avaient enquêté sur l’affaire du serveur privé utilisé par la candidate démocrate.
Aujourd’hui, «ni le New York Times, ni le Washington Post n’ont mené d’enquête, ni même relayé les éléments sur Hunter Biden, sauf quelques papiers en fin de journal dans lesquels on explique que tout cela n’existe pas. Ils ont sciemment décidé de ne pas prendre en compte cette information, ni d’enquêter. Ils sont partis du postulat que cela nuirait à Joe Biden et donc qu’il ne fallait pas en parler. C’est du jamais vu», analyse Olivier Piton.
«Ces mêmes médias ont enquêté sur Donald Trump et ses proches dans le cadre de l’affaire russe. Et là, concernant Joe Biden, alors que le niveau de suspicion est à peu près le même, pas d’enquête.»
Une analyse qui vaut aussi bien pour les médias conservateurs que libéraux, insiste le spécialiste de la politique américaine. Cette polarisation se reflète parfaitement selon lui dans une phrase prononcée par Donald Trump en pleine campagne de 2016: «Je pourrais… tirer sur quelqu’un, et je ne perdrai aucune voix». Ainsi cette affaire ne bougera-t-elle selon Olivier Piton aucune voix des démocrates vers le Parti républicain:
«Pour chaque camp, tout ce qui vient d’en face est directement considéré comme de la fake news. C’était valable pour Trump, ça l’est aussi pour Joe Biden.»
Et de conclure en convoquant l’exemple du Watergate. Selon Olivier Piton, ce scandale d'espionnage politique, qui avait abouti en 1974 à la démission de Richard Nixon, ne pourrait plus avoir lieu aujourd’hui: il serait considéré comme «fake news» par les partisans du président.