Son nom figure dans les ouvrages d’histoire comme étant celui de l’un des fondateurs de la dynastie alaouite. Le célèbre sultan marocain Moulay Ismail a régné au 18e siècle dans le royaume chérifien. Il est surtout décrit par les historiens comme un mégalomane et un monarque absolu. Son goût de la démesure est souvent relevé avec son armée de 14.000 esclaves, ses palais somptueux ornés de marbre, de bois précieux et de zellige, ou encore ses quatre femmes et 500 concubines. Celles-ci, selon la légende, lui avaient donné pas moins de 700 enfants.
Pendant longtemps, n’ayant aucun fondement scientifique, ce chiffre était seulement perçu comme une spéculation parmi d’autres, qui aurait servi à entretenir la légende du «Roi-Soleil» marocain.
Record mondial et historique de la paternité
L’imprécision concernant le nombre d’enfants du monarque n’aidait pas à se fixer sur le sujet. Passionnant les écrivains, ce nombre variait au gré des recherches. Dans le livre Guinness des records, par exemple, il est écrit que le sultan Moulay Ismail détient le record mondial et historique de la paternité pour ses 888 enfants. En remontant plus loin le temps, on trouve le témoignage du père Dominique Busnot. Ce diplomate français au Maroc en 1704 –quand le sultan devait avoir 57 ans– assure que l’empereur chérifien avait 600 enfants.
Dans une étude publiée dans la revue scientifique Plos One et basée sur les écrits du père Busnot, le tandem a mis l’informatique au service de l’Histoire. Grâce à des simulations arithmétiques poussées, leur recherche a abouti à l’estimation la plus probable du nombre d’enfants engendré par Moulay Ismail. Se référant aux écrits de Busnot, les deux chercheurs se sont surtout concentrés sur les 32 premières années de règne du monarque, période qui a commencé après sa prise de pouvoir à l’âge de 25 ans. Selon les modélisations rigoureusement établies, il ressort que l’empereur marocain aurait eu environ 1.171 garçons et filles. Mêmes si certaines de ces dernières, dont les mères étaient les nombreuses concubines du sultan, auraient été étouffées à la naissance par les sages-femmes, selon certains historiens.
Elisabeth Oberzaucher est l’auteure principale et responsable de la recherche menée sur l’innombrable progéniture du sultan marocain. D’ailleurs, ce travail lui a valu un Ig-Nobel de la science improbable en 2015. Une parodie de prix Nobel décerné chaque année à dix recherches scientifiques caractérisées en apparence par leur légèreté, mais qui donnent à réfléchir.
Un harem composé de 65 à 110 femmes
Contactée par Sputnik, la ig-nobélisée australienne revient, avec humour, sur les principales conclusions de son étude inédite et insolite:
«Pour vérifier si le sultan Moulay Ismail pouvait bien avoir les 1.171 enfants, nous avons utilisé différents modèles de conception dans lesquels nous avons intégré plusieurs facteurs comportementaux. Les uns favorables, comme la plus grande attirance physique des femmes pendant l’ovulation, période la plus propice à la fécondation au cours du cycle menstruel qui était détectée à l’époque par des techniques empiriques dont les gestionnaires du harem avaient le secret. D’autres sont défavorables, comme l’abstinence pendant les cinq jours correspondant aux règles, les fausses couches, la mortalité infantile ou encore la dégradation de la qualité du sperme sultanesque et donc du pouvoir fécondant avec l'âge.»
Selon la biologiste, un rapport sexuel quotidien était suffisant pour que Moulay Ismail engendre l’imposante descendance qu’on lui attribue.
Avec son collègue Karl Grammer, Elisabeth Oberzaucher a pu aussi déterminer la taille du harem nécessaire pour cette prolifération. «C’est l’une des conclusions les plus surprenantes de notre étude, au lieu des 500 concubines mentionnées par l’ambassadeur français, un harem composé de 65 à 110 femmes seulement aurait suffi au sultan ultra procréateur pour qu’il engendre ses 1.171 enfants», ajoute-t-elle.
«Même si nous avons été vraiment conservateurs dans nos calculs, il est clair que Moulay Ismail pouvait atteindre le nombre surprenant de 1.171 descendants. Il se peut que sa progéniture ait été plus importante, mais je pense que le sultan s’est plus que rapproché de la limite humaine», conclut Elisabeth Oberzaucher avec le sourire.